Etat d’urgence au Pérou

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Les rues des principales villes du Pérou ne désemplissent pas car après la destitution, le 7 décembre dernier, du président Pedro Castillo, les péruviens réclament non seulement la démission de la présidente par intérim, Dina Boluarte, mais, également, la mise en œuvre d’un « contrat social qui bénéficie à tous ! ».

Aussi, pour donner davantage de poids à leurs revendications au moment où les heurts avec les forces de l’ordre ont fait au moins 42 morts, c’est par milliers que les péruviens ont convergé, ce lundi, vers la capitale en dépit de l’Etat d’urgence instauré samedi et pour une durée de trente jours à Lima et dans les départements de Cusco au centre du pays, de Puno au Sud-est et du port de Callao non loin de la capitale  et ce, avec la ferme intention de contraindre Dina Boluarte à la démission et d’exiger la tenue immédiate d’élections et la dissolution du Parlement.

Mais s’il ressort du décret publié au Journal Officiel qu’en donnant à l’armée les pleins pouvoirs pour maintenir l’ordre, cet Etat d’urgence suspend plusieurs droits constitutionnels comme la liberté de circulation et de réunion et l’inviolabilité du domicile, le président du Conseil des ministres péruviens Alberto Otarola, qui espère que « cette situation changera radicalement et que la voie du dialogue sera rétablie », a  tenu à préciser, sur les ondes de la chaîne de télévision « Latina », que la présidente par intérim « ne démissionnera pas » compte-tenu de la « responsabilité historique » qui lui incombe car son départ qui serait « irresponsable » s’il intervenait « au moment où le pays traverse ces problèmes (…) ouvrirait la porte à l’anarchie ».

Ainsi, ce dimanche, la circulation était bloquée sur une centaine de tronçons de routes dans dix des 25 régions du Pérou, principalement dans le centre du pays qui constitue l’épicentre de la contestation, et le train pour le Machu Picchu, qui est le seul moyen d’accéder à la célèbre cité inca, était à l’arrêt ; ce qui, d’après les syndicats locaux, ferait perdre, au secteur du tourisme, près de 7 millions de sols (1,7 million d’euros) quotidiennement même si l’aéroport international de Cusco, principal point d’entrée pour les touristes dans le sud du pays, a rouvert ses portes samedi dernier après les deux fermetures qui eurent lieu pendant cinq jours en décembre dernier et le 12 janvier du fait des violences qui secouent le pays

Pour rappel, à la mi-décembre et « dans un appel au dialogue et à la renonciation de la violence », Dina Boluarte avait fait part de son souhait d’avancer les élections générales à Avril 2024 au lieu de 2026. Mais malgré la « bonne foi » manifestée par la présidente par intérim, la procureure de l’Etat, Patricia Benavides, a décidé « d’ouvrir une enquête préliminaire » contre Dina Boluarte et ces autres hauts responsables de l’Etat qui sont le président du Conseil des ministres, Alberto Otarola, le ministre de l’Intérieur, Victor Rojas et le ministre de la Défense, Jorge Chavez pour des faits de « génocide, homicide qualifié et blessures graves, commis pendant les manifestations des mois de décembre 2022 et janvier 2023 dans les régions d’Apurimac, La Libertad, Punon, Junin, Arequipa et Ayacucho ».

Si l’on ajoute à cela le fait que l’ancien président Pedro Castillo poursuivi pour « rébellion », « conspiration » et « risque de fuite » reste en prison pour une durée de 18 mois par décision de la Cour Suprême péruvienne en date du 15 décembre dernier suite à sa tentative ratée de dissoudre le Parlement qui fut qualifié de coup d’Etat par ses adversaires et pour avoir essayé de se réfugier à l’ambassade du Mexique, on peut dire que la bataille juridique ne fait que commencer mais attendons pour voir…

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