La guerre en Ukraine pousse
Assaut aéroporté de troupes américaines, débarquement nocturne de Marines britanniques, parachutage de commandos français: en Estonie, sur le flanc oriental de l’Otan, les pays de l’Alliance s’entraînent dans l’ombre de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine.
Le message est clair. « Il indique que nous pouvons nous déployer très rapidement dans un délai très court », explique le lieutenant-colonel Edouard Bros, commandant du déploiement français en Estonie, dont les forces participent à l’exercice « Spring storm ».
Quinze mois après le début de la guerre contre l’Ukraine, et à un peu plus d’un mois du sommet des dirigeants de l’Otan à Vilnius, l’Alliance renforce ses défenses et remanie les plans de protection de tous ses membres.
« Ce changement doit rendre l’alliance apte à mener des opérations à grande échelle pour défendre chaque centimètre de son territoire », a déclaré ce mois-ci le général américain Christopher Cavoli, commandant suprême de l’Otan en Europe.
« La défense collective est redevenue la tâche la plus importante et nous devons nous mettre en ordre de marche », affirme Kristjan Mae, chef du département de planification des politiques au ministère estonien de la Défense.
En réponse à l’invasion de l’Ukraine, l’alliance a déployé quatre nouveaux « groupements tactiques » en Slovaquie, en Hongrie, en Roumanie et en Bulgarie. Quatre avaient été constitués en Pologne et dans les trois États baltes après la prise de la Crimée par la Russie en 2014.
Les membres de l’Otan envisagent désormais de porter les déploiements dans les pays baltes et en Pologne à la taille d’une brigade, ce qui signifierait l’ajout de milliers de soldats supplémentaires « là et quand c’est nécessaire ».
Le matériel militaire, dont le transport est long et compliqué, est prépositionné à l’est dans le cadre de ce plan. Les exercices comme « Spring storm » s’intensifient afin d’aider les forces alliées à mieux communiquer, à travailler ensemble et à connaître le terrain.
Concrètement, la Grande-Bretagne, qui dirige le groupement tactique de l’Otan en Estonie, tiendra des troupes en attente dans leurs bases d’origine pour renforcer les quelque 1.000 soldats britanniques et français présents sur le terrain.
« Il s’agit là d’un changement essentiel : une couche supplémentaire de capacités pour renforcer la force en place avant le déclenchement d’un conflit », a déclaré le général de brigade britannique Giles Harris, commandant du déploiement de l’OTAN en Estonie.
Si l’Estonie semble satisfaite de ce modèle, sa voisine, la Lituanie, souhaite disposer en permanence de troupes supplémentaires sur le terrain et discute encore avec son principal partenaire, l’Allemagne, de la manière de les obtenir.
Ces déploiements renforcent les armées des pays de la ligne de front et constituent la pointe de la défense avancée de l’Otan.
L’adhésion de la Finlande – et à terme de la Suède – contribuera à renforcer son flanc oriental.
Des plans plus détaillés doivent être approuvés par les dirigeants à Vilnius. Ils précisent la manière dont l’alliance défendrait chaque région en cas d’attaque, avec le nombre de forces, les pays d’origine et les lieux d’affectation.
L’Otan veut disposer d’une force de 300.000 soldats prêts à être déployés dans un délai de 30 jours.
Tous ces nouveaux déploiements nécessiteront inévitablement de l’argent, des ressources et des forces. La question est de savoir si les alliés sont prêts à mettre la main à la poche.
Avant Vilnius, les membres de l’Otan négocient un nouvel engagement visant à augmenter les dépenses de défense en pourcentage du produit intérieur brut.
Seuls sept membres de l’alliance ont atteint l’objectif de 2% fixé pour 2024 et l’objectif minimum pour Vilnius sera de transformer ces 2% en un plancher plutôt qu’un plafond.
L’Estonie, qui n’a jamais cessé de considérer la Russie comme une menace existentielle, veut voir ses alliés s’engager à consacrer 2,5% de leur PIB à la défense et veut que les nouvelles stratégies de défense deviennent opérationnelles dès que possible.
« Une chose est d’avoir de bons plans sur le papier. Une autre est de les rendre exécutables et réalisables », a déclaré le ministre estonien de la Défense, Hanno Pevkur, lors de l’exercice « Spring Storm ». « C’est le défi pour nous tous ».