Conseil de la concurrence
Le marché de l’assurance est « fortement » réglementé par un arsenal juridique, réglementaire et normatif composé d’un ensemble de lois, décrets et arrêtés ainsi que des circulaires de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS), indique le Conseil de la concurrence.
Dans un avis sur l’état de la concurrence dans le marché de l’assurance au Maroc, le Conseil de le concurrence précise que malgré cet encadrement, le marché de l’assurance a été ouvert à la concurrence depuis l’entrée en vigueur de la première loi n° 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence et ce, par la libéralisation des taux de commissionnement des intermédiaires en 2001 et du tarif de toutes les branches de l’assurance en 2006.
Marqué par des opérations de fusion par absorption ces dernières années, le marché de l’assurance est caractérisé par un niveau de concentration accentué, relève le Conseil, notant que le marché de l’assurance est régulé et contrôlé par l’ACAPS qui veille sur le fonctionnement normal du secteur. Le Conseil indique également que le marché des assurances est un marché « émergent avec une dynamique de croissance soutenue ».
Selon les données de l’ACAPS, le secteur des assurances et de réassurance national a réalisé, en 2022, un chiffre d’affaires de 57,5 milliards de dirhams (MMDH) et une croissance de 9,7% par rapport à 2021, en poursuivant ainsi sa bonne performance marquée au cours de la dernière décennie. Dans le détail, en 2022, l’assurance vie qui représente 44,17% du marché a progressé de 10,7% à 25,4 MMDH, cette hausse est impulsée par l’épargne qui a enregistré une croissance de 12,4%.
Quant à l’assurance non-vie, qui représente 49,39% du marché de l’assurance, elle a enregistré un volume de 28,4 MMDH avec une croissance de 6,6% par rapport à l’exercice précédent. Celle-ci est essentiellement supportée par la performance de l’assurance automobile, qui a enregistré un volume de primes de 13 MMDH. S’agissant des dysfonctionnements du marché, le Conseil souligne des barrières à l’entrée relativement élevées et verrouillant doublement l’accès au marché de l’assurance, à la fois pour les les entreprises d’assurances et de réassurance (EAR) que pour les intermédiaires.
L’avis évoque également une invisibilité par rapport au délai de traitement des agréments permettant la pratique des opérations d’assurances par les EAR, et des conditions de sortie accordant « un pouvoir discrétionnaire et disproportionné au régulateur sectoriel ». Le Conseil fait état, en outre, d’ »un système d’agrément hybride accordant un avantage concurrentiel substantiel pour les assureurs mixtes, ainsi qu’une offre non adaptée à l’assurance inclusive ». Concernant l’offre, le Conseil souligne que l’offre assurantielle est « insuffisamment innovante », avec une présence de segments d’assurance fragiles, et un potentiel inexploité du canal de la bancassurance.
Des dysfonctionnements alarmants
Le secteur des assurances, souvent considéré comme un pilier essentiel de la sécurité financière, a été récemment scruté à la loupe par le Conseil de la Concurrence. Dans son avis récent, l’organe a exposé une série de dysfonctionnements alarmants qui ébranlent l’efficacité et la concurrence de ce secteur vital.
Qualifié de libre, mais hautement réglementé, le secteur des assurances cache en réalité un éventail de problèmes préjudiciables aux consommateurs et aux entreprises. Les constats énoncés dans cet avis mettent en évidence la nécessité pressante de réformes radicales pour garantir un secteur des assurances équitable et transparent.
La complexité commence par les barrières à l’entrée, un obstacle majeur pour les nouveaux venus. Le Conseil souligne que ces barrières, à la fois élevées et verrouillées, restreignent considérablement l’accès au marché tant pour les entreprises d’assurances que pour les intermédiaires. Cette situation non seulement limite l’innovation, mais restreint également la diversité des acteurs sur le marché.
Un autre aspect nébuleux est le délai de traitement des agréments nécessaires à la pratique des opérations d’assurances. L’invisibilité et l’opacité qui l’entourent créent un climat d’incertitude pour les entreprises souhaitant opérer dans ce secteur, retardant potentiellement l’expansion de l’offre d’assurances.
La concentration excessive du marché, notamment dans certains produits d’assurance, constitue un autre dysfonctionnement majeur. Cette concentration limite la concurrence et peut entraîner une augmentation des prix pour les consommateurs, tout en restreignant les options disponibles.
Un autre point de friction concerne l’offre inadaptée à l’assurance inclusive, ce qui exclut certaines parties de la population. De plus, l’offre assurantielle manque d’innovation, ce qui peut résulter en une expérience client stagnante.
La relation contractuelle entre les consommateurs et les assureurs est également déséquilibrée, avec des contrats d’assurance complexes et un processus lourd de traitement des dossiers sinistres. Les consommateurs se retrouvent souvent dans une position vulnérable, sans les informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées.
En réponse à ces préoccupations, le Conseil de la Concurrence propose une série de recommandations pour réformer le secteur des assurances. La nécessité d’une entrée et d’une sortie plus fluides des acteurs sur le marché est mise en avant, ainsi que la refonte du système d’agrément des intermédiaires pour favoriser une concurrence plus équitable.
Un appel pressant à améliorer la médiation en assurance est également lancé. Le manque de sensibilisation des consommateurs à l’existence et au rôle du médiateur, combiné à des ressources limitées, limite son efficacité. Une proposition clé est de confier la gestion de la médiation à l’autorité de régulation du secteur et de digitaliser le processus pour le rendre plus accessible.
La réglementation des comparateurs d’assurances est préconisée pour assurer leur impartialité et protéger les consommateurs contre des informations trompeuses.
L’avis du Conseil de la Concurrence met en lumière des défaillances substantielles dans le secteur des assurances, menaçant la concurrence, la transparence et l’équité. Les recommandations formulées visent à remodeler en profondeur ce secteur, afin de le rendre plus accessible, concurrentiel et centré sur les besoins des consommateurs. Alors que la réforme est en marche, il est crucial que toutes les parties prenantes s’unissent pour mettre en place un secteur des assurances véritablement fonctionnel, éthique et adapté aux besoins actuels.