Les enfants de Ghazza veillent au chevet de l’ONU

Point de vue

Par Jamal Eddine Naji

Voici une fiction qui peut très bien devenir réalité si vous l’imaginiez et l’espériez.

Les enfants, encore en vie ou indemnes à Ghazza (plus de 5350 enfants morts et 9000 blessés au 11 Décembre, selon l’Unicef), ont fabriqué, avec des débris de bombes israéliennes, une reproduction miniature du siège de l’ONU, le building de New York (65 M de dollars) bâti sur un terrain offert par le richissime John D. Rockefeller Jr (8,5 M dollars).

Devant ce jouet d’enfant, sorte de sculpture en acier recyclé (américain forcément), regardez ces petits palestiniens tout autour, silencieux. On dirait qu’ils prient pour que l’ONU donne encore signe de vie pour sortir de son coma cérébral et qu’elle n’ait plus besoin de soins intensifs ni d’une telle veille d’enfants à son chevet ! Durant au moins le temps qu’il faudrait à ses dirigeants et à ses 193 États membres afin qu’ils relisent les quatre documents essentiels fondant cette organisation (en 1945) dont la Charte des Droits de l’Enfant. Pour qu’ils se rappellent deux des principaux domaines d’action qui lui sont dévolus : les enfants et les conflits armés ; la violence faite aux enfants et, subsidiairement, la prévention de génocide.

Ces enfants gazaouis, miraculeusement survivants à date, les voilà donc réunis devant ce « siège » en débris d’acier et non en verre comme l’original. Ils sont comme prosternés et semblent plus sérieux que des adultes mais avec des regards bizarrement narquois. Comme si, visiblement, ils retenaient des rires moqueurs et dédaigneux face au monde entier qui prétend, depuis 78 ans, en mesure de leur assurer paix et sécurité !

En fait, ces petits malins gazaouis ont décidé de veiller ainsi au chevet du moribond organisme mondial afin, espèrent-ils, de donner l’exemple aux adultes du monde entier. Surtout, pensent-ils, pour inciter les 37.000 fonctionnaires onusiens présents dans 193 pays (en plus de 76.000 casques bleus en « mission de paix » dans 16 régions du monde) à faire comme eux : entourer par une manifestation silencieuse leur siège de New York ou, au moins, observer une grève d’une journée, en silence, dans leurs postes habituels. Une telle grève, se disent ces enfants, pourraient, peut-être, réveiller l’ONU toute entière, en charge d’exécuter, avec un budget de 3,5 MM de dollars en 2023, des programmes relatifs à sa mission originelle : le maintien de la paix.  Avec ses 15 agences spécialisées, ses cinq organismes apparentés (dont la Cour Pénale Internationale), et ses six organes décisionnels, à leur tête le verrouillé (et rouillé) Conseil de Sécurité.

Les plus avisés ou plus inspirés de ces enfants de Ghazza, sculpteurs facétieux et blagueurs, semblent viser, par leur œuvre exposée sur les décombres de leurs rues, plus particulièrement l’Unicef, l’agence onusienne mandataire attitrée pour les protéger et les défendre. Leur souhait d’enfants martyrisés est de provoquer ainsi un mouvement de grève et de veille dénonciateur dans tout le corps tentaculaire et planétaire onusien qui promet paix et sécurité aux enfants des 197 nations siégeant au siège de verre à Manhattan, dont la Palestine (encore juste membre observateur).

Tel serait leur objectif final, la fin de cette fiction made in Ghazza !

Si cette fin n’est pas conséquente dans la perspective de pouvoir devenir réalité, ou si elle ne vous plait pas, sachez que les enfants encore en vie à Ghazza sont assurément les cibles des prochains bombardements dont un nombre, encore plus réduit de rescapés, montera d’autres sculptures de débris d’acier pour les mêmes objectifs au chevet… de qui encore ? De l’espèce humaine toute entière, pardi !

L’injonction adressée à nous tous par les enfants martyrs de Ghazza somme, pour l’instant, l’octogénaire malade, l’ONU, pour qu’elle se prépare à rendre compte, tôt ou tard, de ses atroces faillites, sans écarter l’hypothèse de son sabordement qui amènera le monde actuel des adultes à changer profondément l’architecture du Droit International, socle qui porterait alors un nouvel édifice au service de la paix. Objectif dont le premier indicateur d’avènement possible et durable est la sécurité couplée à l’intégrité physique et mentale de l’enfant. L’enfant dépositaire et garant de la survie de l’espèce humaine si fascinée par l’autodestruction, au contraire de toutes les espèces vivantes en ce monde ! Les enfants de Ghazza sont nos éclaireurs – éclairés – dans la fiction comme dans la réalité advenue pour les Nations Unies. 

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