Pour mettre fin à la tension dans le secteur de la presse
La Fédération Marocaine des Editeurs de Journaux (FMEJ) a tenu, samedi dernier à Rabat, la deuxième session de son Conseil national fédéral, en présence des responsables de ses sections régionales et des membres du Conseil de sa présidence.
Selon un communiqué de la Fédération, « un large et profond débat » a suivi la présentation par le président de la FMEJ du rapport du bureau exécutif dans lequel il est fait état de la situation des entreprises de presse, écrite et électronique, ainsi que de l’ensemble des problèmes et difficultés que connaît le secteur tout en réitérant les positions exprimées par la fédération à leur égard.
Les membres Conseil, après la présentation également des rapports des structures territoriales et sectorielles, ont abordé, entre autres, les questions liées au renouvellement de la carte professionnelle ainsi que le décret gouvernemental relatif à l’aide publique et les relations avec les pouvoirs publics, particulièrement, le ministère en charge du secteur, en plus des problèmes de l’environnement économique de l’entreprise de presse dans les régions.
A la lumière de ce débat, la FMEF relève :
– La persistance des difficultés économiques liées aux ressources des entreprises de presse, aux dysfonctionnements du marché de la publicité, aux difficultés de recouvrement des dus et à la faiblesse des versements par les annonceurs.
– Concernant la presse écrite, des problèmes dus à la baisse du lectorat en général, de l’absence et de la faible demande sur les journaux, et aussi des dysfonctionnements au niveau du système de distribution.
– Pour ce qui est de la presse électronique, la persistance de problèmes liés à la faiblesse des revenus et aux paradoxes de l’environnement économique en général.
De même, la Fédération souligne « la multiplication de plateformes électroniques non professionnelles, qui trouvent parfois des parties qui les soutiennent et les financent, et qui représentent une concurrence déloyale, en plus de leur ignorance des règles de la profession journalistique et de la déontologie”.
Nécessité d’une stratégie nationale
Pour la FMEJ, la presse professionnelle est confrontée aujourd’hui à des défis, dont certains sont quasi existentiels et menacent l’existence même des journaux nationaux, ce qui exige « une stratégie nationale globale et précise pour sauver le secteur ».
A l’issue d’un large débat, les membres du CNF ont conclu en la nécessité d’un « dialogue national et professionnel, serein et profond, qui place en premier lieu les intérêts supérieurs du pays, et mette fin aux pratiques unilatérales et anarchiques dont le gouvernement, le ministère en charge du secteur, et certaines parties au sein de la profession en portent la responsabilité », appelant à « faire face à l’absurdité, à la bassesse et à l’entorse aux lois ».
Concernant la tension que vit actuellement le corps professionnel, la Fédération rappelle qu’elle avait présenté des propositions pour dépasser toutes les impasses que connaît la profession aujourd’hui suite aux confusions entachant l’opération du renouvellement de la carte professionnelle par la commission provisoire, nommée par le gouvernement, et à l’ambiguïté liée à l’adoption du nouveau décret relatif à l’aide publique, mais que « le ministère concerné ne s’en est pas soucié, a fait la sourde oreille » et l’a « délibérément exclue ». Et de souligner que « tout le monde a compris aujourd’hui que la FMEJ a eu raison dès le début, qu’elle tenait au respect des lois et qu’elle plaidait et formulait des propositions de bonne foi, honnêtement et par expérience et en connaissance de cause ».
A cet égard, la FMEJ souligne qu’aux « côtés d’autres organisations professionnelles et de nombreux sages du monde politique et sociétal de notre pays elle a estimé et continue de considérer que la démarche du gouvernement ayant consisté à nommer une commission provisoire au lieu de préserver l’esprit de l’article 28 de la Constitution et sauvegarder l’indépendance de l’institution d’autorégulation était une erreur flagrante et une atteinte à l’image du Royaume et à son rayonnement en matière de droit et de démocratie ».
Elle réitère, par ailleurs, son attachement au respect de la loi, de l’éthique et de la constitution du pays, appelant « le gouvernement à intervenir pour mettre fin à ce dépassement, sortir la profession de cette impasse et défendre l’image du Maroc et l’aptitude des journalistes et des éditeurs à élire leurs représentants et à constituer leur institution d’autorégulation de manière indépendante et démocratique ».
La FMEJ appelle, en outre, le gouvernement à « corriger son erreur et à œuvrer pour accélérer la sortie du provisoire et aller vers l’application de la loi, le respect de la constitution et la fin de la tension au sein de la profession ».
La Fédération souligne également que sa « position de principe et éthique ne permet à personne de l’exclure de tout dialogue ou représentation concernant les questions de la profession et les intérêts des entreprises du secteur, comme l’a fait la commission provisoire à l’occasion de la réunion de la commission élargie de la Carte professionnelle ».
Elle rappelle, par ailleurs, que ses critiques adressées à la commission provisoire reposent « précisément sur ces considérations, c’est-à-dire sur une base juridique et morale, et n’ont absolument rien à voir avec les personnes sauf ce qui est lié à leurs positions exprimées ».
La FMEJ se dit « étonnée par l’annonce de la commission provisoire selon laquelle elle est en train de préparer des lois et des réformes pour le secteur, et s’étonne de la manière et de la méthode avec laquelle elle exprime sa disposition au dialogue avec les organisations professionnelles à ce sujet », s’interrogeant sur la responsabilité du gouvernement aujourd’hui en matière de législation, de préparation des réformes et des politiques publiques, et encore plus sur le rôle du Parlement, c’est-à-dire l’institution chargée de la législation, logiquement, constitutionnellement et a priori.
Quant à la question du renouvellement des cartes professionnelles et de la régulation de l’accès à la profession, qui suscite aujourd’hui la polémique et au sujet desquels la Fédération a déjà exprimé ses positions, elle estime que le problème a été enclenché dès le début, en ce sens que la commission provisoire n’avait pas besoin de recourir inutilement à une procédure spéciale que rien n’impose, relevant que la commission provisoire, ou même le Conseil national de la presse, s’il était resté en place, n’aurait pas été autorisé à violer les dispositions de la loi, qui ne peuvent être modifiées que par une loi similaire. Par conséquent, il était totalement inacceptable d’imposer l’application de conditions, de modalités, ou des interprétations capricieuses sans aucun fondement juridique.
La commission provisoire et le ministère de tutelle portent l’entière responsabilité de la confusion et de la tension
La FMEJ estime, par ailleurs, qu’il n’appartient pas à la commission provisoire d’exercer les pouvoirs et attributions d’autres institutions telles que la CNSS ou la Direction des impôts, et que son rôle n’est pas non plus de s’ingérer dans la relation de travail entre le salarié et l’entreprise ou de s’immiscer même dans les formalités et conditions d’existence de l’entreprise ou du média lui-même.
Pour la Fédération, légiférer et élaborer des textes de lois, des règlements et des réformes dans tous les secteurs ne peuvent pas se faire aveuglément et sans tenir compte de la réalité objective. Il n’est pas possible d’adopter des lois et de prendre des décisions et imposer leur mise en œuvre immédiate simplement parce qu’on le veut ou on le désire. Pour la FMEJ, « c’est précisément ce que fait aujourd’hui la commission provisoire, et c’est ce qui est considéré comme une violation des procédures juridiques en vigueur dans le pays ».
Tout en s’abstenant de considérer qu’il existe des calculs électoralistes futurs derrière la confusion entourant l’opération de renouvellement des cartes professionnelles, malgré l’existence d’indices, d’informations et de certaines conduites à ce sujet, la FMEJ dit n’accuser personne au sein de la commission provisoire ni dans son entourage.
« Mais nous sommes certains que la commission provisoire porte l’entière responsabilité de toutes les confusions qui se sont produites et nous considérons qu’à de nombreuses étapes, elle a manqué de compétence administrative, technique et de communication dans la gestion de cette opération, et qu’elle a manqué de professionnalisme dans le traitement des dossiers et la gestion du système électronique, comme elle lui a également manqué une vision de la réalité professionnelle nationale », souligne la Fédération, réitérant son appel, « une fois de plus, à la commission provisoire pour veiller à accélérer l’opération et accorder la carte à tous ceux qui la méritent légalement, et mettre fin à cette tension généralisée aujourd’hui dans et autour de la profession ».
Malgré les grands efforts déployés par un certain nombre de collègues, particulièrement de la presse régionale, dont nombre d’entre eux ont pu obtenir leurs cartes professionnelles après avoir rempli toutes les conditions requises, même si certaines de ces conditions sont illogiques, la FMEJ se dit néanmoins étonnée par la façon dont ont été traité ceux des trois régions du sud, il y a quelques jours.
A cet égard, elle rappelle que tout récemment, six collègues sont venus au siège du Conseil en provenance de Laayoune, Dakhla, Guelmim et Tan-Tan pour suivre la confection de leurs cartes, mais qu’ils n’ont trouvé personne pour répondre à leurs questions alors qu’ils ne pouvaient pas rester à Rabat, étant donné qu’ils résidaient dans la capitale et s’y étaient déplacés à leurs frais. Mais pendant qu’ils exprimaient calmement leur mécontentement et étaient sur le point de repartir, ils ont été choqués de voir la police venue les expulser du siège du CNP.
« Selon les témoignages de ces collègues, la police les a traités avec beaucoup de respect et d’une bien meilleure manière que ce que leurs collègues professionnels leur ont malheureusement fait subir », précise la FMEJ, estimant que cet incident était injustifié, les collègues en question n’ayant intimidé personne, ni parlé à aucun membre de la commission provisoire alors qu’un employé ou un membre aurait pu s’asseoir avec eux, consulter leurs dossiers, et mettre fin à la situation en une demi-heure. « Malheureusement, la raison et la sagesse ont fait défaut, ce qui a provoqué une nouvelle vague de colère parmi le corps professionnel et exacerbé les tensions ».
Concernant le décret relatif à l’aide publique, qui a été récemment approuvé par le gouvernement, la Fédération fait part de sa position et de ses observations à cet égard, alors qu’elle n’a été invitée à aucune concertation à ce sujet. La FMEJ rappelle, une nouvelle fois, que ce texte contient des « exigences qui nuisent aux intérêts des médias électroniques, de la presse régionale et des petites et moyennes imprimeries de journaux, en plus d’autres confusions » et qu’elle avait publié en son temps un communiqué à ce sujet.
Pour la FMEJ, « le décret ayant basé le nouveau système d’aide sur le nombre de cartes professionnelles, cela fait de la faible aptitude de gestion de la commission provisoire à cet égard un véritable problème qui dépasse le seul problème de la carte, de même que le retard pris jusqu’à présent dans la promulgation de la décision ministérielle conjointe relative à l’aide ajoute au degré d’étonnement par rapport à ce qui se passe et les hésitations derrières ».
« Nous pensons que le gouvernement, à son tour, peut faire un effort pour améliorer la qualité du texte du décret d’aide et veiller à l’approche participative dont Sa Majesté le Roi a toujours souligné la nécessité et l’importance, et contribuer ainsi à apaiser les tensions, » soulignent les responsables de la Fédération.
La FMEJ assure, par ailleurs, que ses préoccupations ne sont pas seulement d’ordre réglementaire ou représentatif, mais que sa préoccupation première concerne la qualité et la crédibilité du produit que « nous présentons tous à notre peuple », estimant que le pari, aujourd’hui, est de développer notre presse nationale et la création de contenus de qualité à même de contribuer à la promotion de l’image de notre pays.
« Notre souci est également de développer la lecture parmi nos citoyens, nos jeunes et nos élites, de promouvoir la conscience, les goûts et la capacité de choisir, de renforcer la conscience populaire et sociétale et de lutter contre la désinformation, l’ignorance et les fausses informations », affirme la FMEJ dans son communiqué mettant l’accent sur la nécessaire implication en ce sens des pouvoirs publics et des instances professionnelles.
Pour la Fédération, « toute réglementation relative au soutien public doit avoir à cœur de protéger le pluralisme médiatique, politique et culturel et la diversité territoriale de notre pays, car telle est la nature et la signification du soutien public à la presse en premier lieu. Il vise à soutenir le service public et sociétal de la presse et non pas le capital, ou à promouvoir la trivialité des contenus. De même que ce soutien doit être organisé dans le cadre de la relation logique entre le gouvernement et l’entreprise de presse ».
Tout en considérant que les pouvoirs publics ont déjà consenti un effort de financement important et énorme en faveur de la presse nationale pendant la pandémie de Covid, elle rappelle que « la gestion de l’aide a été entachée de nombreuses disparités flagrantes et d’un manque d’équilibre et d’équité, notamment envers les petites entreprises et la presse régionale ».
Elle considère également que « le choix du gouvernement de payer directement les salaires des journalistes et des employés des entreprises de presse privées a été une erreur au sens politique, démocratique et juridique, et constitue une atteinte inutile à la réputation du Royaume », espérant que soit mis aujourd’hui un terme à cette situation et rapidement mis en place un nouveau cadre juridique de soutien public et de consulter à ce sujet les représentants des éditeurs de journaux, comme le faisaient tous les gouvernements précédents.
Appel à l’amélioration des conditions matérielles et à l’unité du corps professionnel
Née dans l’espace syndical des journalistes, la FMEJ rappelle qu’elle a toujours été pour l’amélioration des conditions matérielles et sociales des ressources humaines. Elle rappelle que c’est elle qui a signé la convention collective du secteur, encore valide à ce jour, et qu’elle est restée le partenaire du gouvernement dans toutes les réformes fondamentales pendant plus de deux décennies, et qu’elle demeure toujours disposée à assumer les mêmes rôles.
La FMEJ indique, par ailleurs, qu’elle a récemment entrepris une initiative conjointe avec la Fédération nationale du journalisme, de l’information et de la communication, affiliée à l’Union marocaine du travail, et la Fédération marocaine des médias, appelant à l’élaboration commune d’un pacte social dans le secteur qui conduirait à la mise en place d’une convention collective nouvelle et actualisée. A cet égard, elle appelle les autres parties professionnelles à y adhérer et contribuer au dialogue et l’entente sur un système social accepté par tous, en conformité avec les lois et la logique.
En ce sens, la FMEJ dit tendre la main au Syndicat National de la Presse Marocaine (SNPM) en espérant qu’il entendra son « appel sincère et y interagira positivement », conformément à « l’esprit du communiqué final de son dernier congrès national, et de surmonter toutes les susceptibilités, qui pourraient être réelles ou imaginaires, et d’accepter d’œuvrer avec nous » à mettre fin aux tensions et à la division qui sévissent aujourd’hui dans le secteur.
A cet égard, les responsables de la FMEJ se réjouissent d’avoir réussi à entamer un travail commun avec leurs collègues de l’Union Marocaine du Travail et de la Fédération Marocaine des Médias, réitérant son appel à une action commune au SNPM et à tous les éditeurs de journaux nationaux de la presse écrite et électroniques.
Elle rappelle, enfin, que parmi les conditions préalables d’adhésion à la Fédération figure le respect des dispositions que stipule la loi portant création du Conseil national de la presse et partant elle est le représentant des entreprises de presse, réelles et légales, de différentes tailles, telles qu’elles existent dans tous les secteurs. Elle précise également qu’elle accepte aussi l’adhésion des startups en cours de mise à niveau qu’elle considère comme des membres affiliés.
Tout en appelant, par ailleurs, à l’octroi de la carte professionnelle à tous ceux qui la méritent légalement, la FMEJ réitère son rejet de toute violation des lois en vigueur ainsi que de tout « comportement capricieux » qui ne tient compte ni des lois ni de la réalité du secteur.
Le Conseil national fédéral, qui réitère sa solidarité avec les collègues des sections de la FMEJ dans les régions du Sahara, qui ont souffert du retard et des atermoiements de la commission provisoire pour l’obtention de leurs cartes professionnelles, et dont il a été porté récemment atteinte à leur la dignité lorsque ladite commission a appelé la police pour les expulser du siège du Conseil, salue leur « sagesse, résilience et leur patriotisme, ainsi que leurs sacrifices dans le cadre de leurs projets journalistiques, prometteurs », appelant à des solutions effectives pour les soutenir économiquement.
Le Conseil National réaffirme son implication et son soutien à tous les programmes et activités prévus du Bureau exécutif et sa mobilisation dans le cadre de son organisation représentative, la Fédération Marocaine des Editeurs de Journaux, son attachement à sa crédibilité et à son unité.
J-E. F.