Said Ouattar s’expose à Bruxelles

 «Parcours d’Artistes» 

Des œuvres tout aussi récentes qu’éblouissantes de l’artiste peintre Said Ouattar n’ont pas manqué d’attirer l’attention des visiteurs et de la critique spécialisée lors de la troisième édition  de «Parcours d’Artistes» qui a rassemblé des artistes européens et internationaux dans les quartiers de Molenbeek et Koekelberg du 10 au 14 avril 2024.   

De la peinture à la céramique, la photographie, les installations, le vitrail ou encore la mode, la sculpture et les bijoux, cette manifestation culturelle a mis en avant le talent d’artistes contemporains internationaux dans divers domaines artistiques. A cette occasion, Mme Catherine Moureaux, maire de Molenbeek-Saint-Jean, n’a pas manquer de saluer le succès de l’événement et de remercier chaleureusement trois artistes venus du Maroc pour leur contribution à la diversité culturelle et à la paix, soulignant la richesse des cultures locales et la promotion du lien entre les communautés.

Lors de cette troisième édition, les tableaux de Said Ouattar ont particulièrement attiré l’attention du public- tableaux abstraits aux couleurs vives et aux formes audacieuses reflétant la sensibilité et la maîtrise technique du maître. Né en 1950 dans Vallée Ait Bouguemaz, ce plasticien hypersensible et chercheur universitaire développe à sa guise son langage plastique expressionniste. Il a pu concevoir les états d’âme de ses personnages avec un vocabulaire plastique très recherché et abouti sur toile, loin de toute formalité conventionnelle. Il cherche à exprimer à travers les visages en gros plan ce qu’il ressent et non ce qu’il voit, en quittant la pensée rationnelle du raisonnement.

L’espace de la création est le seul endroit sensiblement dicible où l’esprit peut s’inventer un labyrinthe,  un espace intime d’où il est encore possible de se perdre de vue, dans le champ sans limite du rêve et de la poésie visuelle. Des « visages insolites en tant que miroirs des âmes » réinterprétés. On ne pouvait pas trouver un vocable plus représentatif et plus éloquent des œuvres semi-abstraites de Said Ouattar : des univers métaphoriques affranchis des règles de l’espace et du temps.

Sans parure ni maniérisme, l’artiste restitue les impressions des visages avec une palpitation certaine et une introspection spontanée. Clin d’œil intuitif, son regard esthétique porté sur les êtres et les choses est celui d’un artiste libre et autonome qui dépeint comme un oiseau qui chante. L’intention est de mettre en relief l’essentiel: la simplicité et l’aisé inaccessibles. Dans une belle féerie de temps perdus. Said Ouattar revisite l’imagerie des visages via des tableaux foisonnant de scènes fragmentées caractéristiques de nos fantasmes et e nos introspections. Une palette pure et vivante comme une source jaillissante qui fait partie du courant brut mais combien élaboré. A travers un imaginaire passionnant et abondant, l’artiste guidé par sa muse nous offre: le visage dans tous ses états.

Il nous donne à voir une autre réalité purement subjective. Un acte spontané qui nous livre toute une série protéiforme, assimilé à un seul panel d’œuvres, de démarches, de supports, de techniques, de styles allant de la peinture non-figurative, à la peinture symbolique, voire la peinture expressionniste et bien d’autres modes d’expression artistiques susceptibles de mettre en valeur les intériorités des êtres. Les travaux de ce peintre chercheur et homme de sciences nous offrent la vision onirique que cet artiste se fait de l’Homme, de son existence effective, tout en posant d’emblée la problématique du territoire et l’esthétique des frontières comme élément indissociable de l’identité collective et personnelle. L’artiste est catalogué parmi les artistes, vivant en dedans ou en dehors les questions existentialistes, qui contribuent à entretenir et à perpétuer l’histoire de l’humanité, et ce dans un sens à la fois distancié et subjectivé.

Hors de toute tendance occidentalisée, la peinture expressionniste de Said Ouattar s’inscrit dans une actualité intemporelle. Cet artiste peintre capte et restitue en couleurs magiques la beauté apparente et latente des êtres et des choses, dans une gestualité débordante et fluidité chromatique surprenante.

Après avoir examiné l’esprit restreint de la figuration et de l’abstraction pure, l’artiste remet en question les mouvements picturaux passés et présents, en élaborant avec certitude et maîtrise un langage plastique qui engendre par son contenu esthétique une nouvelle vision de l ‘homme loin de toute allégresse et exotisme. La dimension abstracto-figurative de ses tableaux ne se borne pas à une simple énonciation expressive, mais implique la notion de rêve liée à celle de représentation subjective. Pictographies finement aménagées, productions plus libres, reposant sur l’emploi de jets lyriques et de motifs polychromes, mais combien riches des particularités de la mémoire instantanée : indice explicite d’une synthèse d’expressions aussi proches que lointaines.

Délivré des contraintes canoniques de la trace, Said Ouattar se concentre sur ce qui en fait la force et la spécificité : rythme et harmonie de la composition dans l’espace, tensions et contrastes des lignes entre elles, vigueur et mouvement du trait. Son acte plastique exalte le parfait mariage entre la peinture et la musique dans une ambiance où l’esthétique côtoie le mystique et la transe.

A la manière d’un narrateur éloquent, Said Ouattar relate ses récits émotionnels à l’état brut. Il capte ce qu’il voit avec audace et spontanéité, en tissant des toiles expressionnistes au gré d’une imagination débordante, ce qui laisse une place capitale à la sincérité, à la simplicité et à l’impression : son œuvre brise les limites entre le récit et la peinture, C’est son mode d’expression le plus simple et le plus épuré. Il est toujours à la recherche de nouvelles voies et perspectives qui associent son art au symbolisme gestuel.

Sans prétention, sa peinture est une autre façon de dire et d’écrire. Dans le Sillage des artistes expressionnistes et symbolistes, Said Ouattar redessine les visages comme un enfant talentueux et hanté par la magie envoûtante de la vie. Il peint « le jardin discret et les souvenirs lointains », en mettant en scène la puissance chromatique si étonnante. Chantre des scènes connotatives, l’artiste est passionné par les formes gestuelles qui peuplent le fond et renforcent les tonalités claires et les compositions séduisantes.

Sa démarche artistique se veut un rite ludique qui surpasse le jeu des perspectives ou des concepts. Il s’agit d’une écriture autobiographique célébrant la vie au quotidien et l’univers généreux des couleurs et des figures intrigantes. Chaque tableau est un rituel plastique géré par la nostalgie et les réminiscences. C’est un monde innocent qui nous rappelle autrement la vie de tous les jours.

Abdellah Cheikh

Critique d’art

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