Politique publique du cinéma au Maroc
Mohamed Nait Youssef
L’Association des Rencontres Méditerranéennes du Cinéma et des droits de l’Homme, (ARMCDH) vient de rendre public son premier rapport sur la politique publique du cinéma au Maroc, intitulé «Politique publique du cinéma et droits de l’Homme au Maroc : pour une harmonisation avec la constitution des droits de l’Homme et libertés».
En effet, ce projet réalisé dans le cadre du projet « Plaidoyer pour les droits de l’Homme : Le cinéma pour la réforme des politiques publiques et réforme de la politique publique du cinéma au Maroc (2021- 2024)», a mis l’accent sur la politique publique du cinéma au Maroc sous plusieurs angles, entre autres), les cadres référentiels nationaux relatifs au droits de l’Homme et à la culture, les évaluations et interactions des institutions publiques de contrôle, les configurations juridique et institutionnelle, ainsi que la formation dispensée dans le domaine
«Le projet a pour objectifs d’inscrire le cinéma comme support et comme objet de la bataille culturelle et politique pour les droits humains et l’Etat de droit au Maroc ; de consolider et renforcer le rôle de la société civile dans le plaidoyer et de dynamiser le partenariat pluri acteurs dans la promotion et la défense des droits de l’Homme.», a souligné la présidente de l’ARMCDH Fadoua Maroub.
État des lieux de la politique publique du cinéma
Ainsi, dans ce rapport de 140 pages, l’ARMCDH a dressé son bilan des états généraux de la politique publique du cinéma par le biais d’une dizaine de remarques et conclusions essentielles. Dans cette optique, l’association a pointé du doigt l’existence d’un cadre juridique et institutionnel « hors champs » de la dimension des droits de l’Homme et des orientations de l’État en la matière, que ce soit au niveau des engagements pour la promotion de la culture des droits humains ou pour la protection des libertés dans le secteur cinématographique. Or, elle a appelé à l’urgence de la mise en place d’un cadre légal pour la protection de la liberté de création. Par ailleurs, l’ARMCDH a rappelé les problèmes de gouvernance, relevés par plusieurs rapports officiels, de nature à entraver le respect des engagements internationaux et des dispositions constitutionnelles du Maroc en matière de protection des droits humains et des libertés.
Toutefois, elle a insisté sur la nécessité d’instituer une séparation de la tutelle dans la gouvernance entre la télévision et le cinéma. «La confusion de la tutelle actuelle étant un héritage historique remontant à la création du secteur : il est en effet impératif d’intégrer le CCM au département de la Culture et de construire un nouveau paradigme de gouvernance pour le cinéma marocain qui devrait être inscrite dans le cadre d’une politique culturelle globale », peut-on lire dans le rapport qui a alerté au manque de suivi parlementaire des recommandations formulées par les institutions officielles de l’État concernant la gouvernance du secteur.
Le manque de dialogue dans le domaine culturel de manière générale et dans le cinéma en particulier, figure dans le diagnostique de l’ARMCDH ayant appelé à l’importance de mettre en place une plateforme de débat entre les acteurs. Et ce n’est pas tout. L’organisme a remarqué également un manque de coordination entre les secteurs académiques et ceux de la formation professionnelle. En revanche, elle a insisté sur l’importance de l’implication d’autres acteurs dans le développement du secteur cinématographique conformément aux grandes stratégies de l’État, notamment la politique de la régionalisation avancée, en impliquant les régions dans les différentes dimensions du territoire (régions, provinces et communes), la nécessité de développer de nouvelles ressources financières pour le CCM), et l’importance du respect par les différents acteurs du secteur cinématographique de leurs engagements, conformément à la loi, vis-à-vis du CCM.
Du débat jaillit la lumière. A vrai dire, ce rapport est une occasion opportune pour se pencher la question des droits de l’Homme dans la politique publique du cinéma au Maroc afin ouvrir un débat sérieux et trouver de nouvelles pistes de réflexion.
«Nous estimons que ce premier travail permettra, de lancer un vrai débat sur l’harmonisation des politiques culturelles avec les dispositions constitutionnelles, mais surtout pouvoir mobiliser autour des mêmes valeurs aussi bien le monde du cinéma que le monde des militants des droits de l’Homme. Ce premier exercice, permettra sans aucun doute de pouvoir faire chaque année, une lecture de l’exercice du CCM par rapport à un certain nombre d’écarts signalés dans le document entre vos mains.», a rappelé la présidente de l’ARMCDH.
Droits humains et liberté :
Un volet assez important a été au cœur des recommandations de l’ARMCDH à savoir : les droits humains et libertés. Dans son rapport, l’association a appelé au renforcement de l’harmonisation du cadre juridique et institutionnel avec les dispositions constitutionnelles et les engagements internationaux du Maroc, de manière à garantir la protection des libertés d’expression et de création comme des droits inaliénables et inhérents à la dignité de la personne humaine. Pour l’ARMCDH , cette protection de la liberté d’expression et de création devrait se renforcer par l’appui d’une tendance positive de gestion des visas d’exploitation et culturels au CCM qui tend vers la protection des publics mineurs plutôt qu’une tutelle sur les consciences des adultes ayant fait le choix d’aller à une salle de cinéma. à cela s’ajoute, l’intégration de la promotion de la culture des droits humains dans les missions du CCM et la définition des moyens de recours pour les tiers relativement aux services du CCM. Elle a en outre appelé à la réduction du pouvoir discrétionnaire du CCM en relation notamment avec les autorisations de tournage et la censure, par un cadre réglementaire légal qui régit la mise en œuvre de ces deux compétences, sans oublier l’importance de la liberté de création dans les textes régissant le ou ayant trait au statut de l’artiste.