«Constateur»

Juste avant la présentation du programme gouvernemental qui n’apportera aucun éclairage là dessus, la libéralisation du dirham est annoncée par Bank Al-Maghrib.

Avec l’accompagnement du Fonds Monétaire International et la bénédiction de la Banque Mondiale, une réforme de la politique monétaire du pays est entamée. Elle est irréversible. Le dirham va ainsi flotter.

Loin de la polémique politico-électorale, on assure donc que l’économie nationale est solide pour « que la valeur de sa monnaie traduit l’économie réelle du pays ». L’ouverture commerciale du Maroc est telle qu’il faudrait ainsi préserver la balance commerciale du pays en payant les  importations en fonction de l’offre et de la demande de la monnaie nationale alors que les exportations seraient commercialisées avec beaucoup d’élasticité.

Si on ne peut se comparer à la Chine ni prétendre connaitre autant que Bank Al-Maghrib sur le dirham, sur la politique monétaire du pays, ses enjeux et ses modèles, les inquiétudes à ce sujet sont légitimes. Pour la simple raison que l’honorable institution, malgré tous les indicateurs dont elle peut disposer, ne connait pas autant que le peuple marocain ce qu’il subit dans son quotidien pour assurer sa nourriture et celle de sa famille, pour se soigner et se préserver de la maladie, pour assurer l’éducation et la formation de sa progéniture. Tout cela et bien d’autres choses nécessaires se font à travers l’échange du dirham et la confiance qui lui est accordé en dépit des fluctuations économiques.

Et; même à vouloir comprendre les données macroéconomiques, leurs évolutions et les enjeux qui leurs sont relatifs, en disposant du modeste savoir nécessaire, le constat est que le gouvernement dans sa politique budgétaire n’arrive pas à améliorer sa capacité à se procurer des revenus par une fiscalité juste alors que l’endettement s’aggrave et les services dans les secteurs sociaux aussi importants que l’éducation, la santé et l’emploi, pour ne citer que ceux-là, enregistrent des déficits accrus par rapport aux besoins de la société dans son ensemble. La nouvelle politique monétaire va-t-elle se faire aux dépens de la population  qui est appelé à «un vrai apprentissage» suite à la flottabilité du dirham. Quelles conséquences aura une monnaie qui flotte sur le pouvoir d’achat des masses populaires ? Renforcer la compétitivité du commerce extérieur est une bonne chose, renforcer le front intérieur en est aussi une autre, aussi fondamentale que prioritaire.

D’une politique discrétionnaire avec une valeur du dirham fixée par rapport à l’euro et au dollar US, Bank Al-Maghrib, suivant les conseils du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, passe à une politique de règle dans un contexte néolibéral global où la spéculation, pour réaliser des profits rapides et consistants, est monnaie courante. Si Bank Al-Maghrib s’est engagée dans des formations sous forme de cours, d’ateliers et d’études de cas préparant la libéralisation du dirham en juin prochain, l’opinion publique nationale reste dans l’ignorance la plus totale sur la compréhension des mécanismes de la politique monétaire entreprise et des mesures qui s’imposent pour assurer la stabilité des prix, la stabilité macroéconomique, la stabilité financière et la relance de l’économie réelle.

Alors ; si pour une fois, au lieu de donner satisfaction une énième fois au Fonds Monétaire International et à la Banque Mondiale, on inversait les recommandations qu’ils formulent en donnant la priorité aux besoins nationaux avant de garantir ceux des institutions financières internationales. Que Son Excellence le vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA puisse souffrir la reprise de sa déclaration à ce propos comme suit  «il convient d’améliorer la qualité de l’éducation pour permettre aux jeunes d’acquérir les compétences requises pour obtenir des emplois. En même temps, Ces pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord se doivent d’entreprendre les réformes et la diversification économiques qui sont indispensables au développement (des forces productives nationales) et qui contribueront ainsi à créer ces emplois dont ils ont cruellement besoin».

N.B : Le «constateur» est celui qui est en charge de constater les dégâts provoqués par une Ferrari, conduite en état d’ivresse, à une Dacia. Il semble qu’il a été suspendu de ses fonctions à cause d’un homonyme du dirham ! Pauvres de nous autres après sa libéralisation.

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