Si j’étais de l’autre côté
De l’autre côté de la porte
Attendant que mon hôte sorte
Espérant sa bonté
Implorant sa générosité
Quémandant son hospitalité
M’ouvrirai-il sa porte
M’accueillant à bras ouverts
M’offrant le gîte et le couvert?
Ou s’enfermerai t-il à double tour
Me laissant lâchement aux vautours
Bien à l’abri dans son intérieur
Snobant orgueilleusement mon extérieur
Fier d’être confortablement chez lui
N’ayant cure de mes cris?
Si j’étais de l’autre côté
De l’autre côté des frontières
Rescapé de la guerre
Survivant de la misère
Espérant franchir les barrières
Pour une terre plus hospitalière
Serais-je reçu comme un frère
Avec chaleur et sourire
Tendresse et douceur?
Ou serais-je rejeté à la mer
Comme une vulgaire pourriture
Bon pour l’enfer?
Si j’étais de l’autre côté
De l’autre côté du trottoir
Ayant le pavé pour dortoir
La poubelle pour réfectoire
Et le square pour mouroir
N’habitant nulle part
Errant, vagabond, clochard
Le passant pressé, en retard
Donnerait-il un moment de sa vie
Pour traverser curieusement la rue
Venir voir fraternellement ma survie
Me tendre tendrement une main salvatrice
Généreuse, altruiste, bienfaitrice?
Ou passerait-il son chemin
Mine de rien
Vers son destin
M’abandonnant à la faim
Comme un chien?
Si j’étais de l’autre côté
De l’autre côté du mur
Souffrant le martyre
Dans une geôle obscure
Croupissant dans la moisissure
Rêvant de revoir la lumière
Avant de périr
L’autre , libre, hautain et fier
M’ouvrirait-il son cœur
Ses verrous, ses cadenas, ses serrures
Me laissera-t-il sortir
Devenir mon libérateur
Ne plus être mon tortionnaire
Cesserait-il de me punir
Acceptant mon repentir?
Ou me laisserait-il souffrir
Comme une bête blessée à mort
Se délectant de mes blessures
Se gavant de mes pleurs
Se réjouissant de ma peur
Jusqu’à ce que je meure?
Si j’étais de l’autre côté
De l’autre côté des atrocités
Pourrais-je supporter
Endosser, patienter
Militer, lutter?
Ou me laisserais-je emporter
Par les crocs de la cruauté
Sans résister?
Dieu merci
Je ne suis pas de l’autre côté!
La sécurité, la prospérité
Le confort, la sérénité
Sont-ils immortels
Indélébiles
Éternels?
Et si demain je me retrouvais
De l’autre côté du bonheur
Serais-je capable de survivre
Ou me laisserais-je mourir?
Mostafa Houmir