Confinées aux alentours de 15% depuis de nombreuses années, les parts de marché de la grande distribution au Maroc ont du mal à passer ce plafond de verre et prendre une place considérable dans le commerce national. Et le fait que le tiers des consommateurs n’aurait jamais mis les pieds dans une grande et moyenne surface, selon une récente étude Sunergia, n’est pas de nature à changer la donne de sitôt.
L’étude a de quoi surprendre si l’on s’en tient par exemple aux résultats publiés par Label’Vie au mois de mars dernier pour l’exercice 2017. L’étude, c’est unsondage du cabinet Sunergia, spécialisé dans les études de marché, sur les grandes surfaces prisées par les Marocains. Et le moins que l’on puisse relever est la disparité entre les chiffres que remonte l’enquête et les chiffres de certains acteurs du marché. Tenez ! L’enquête relève d’abord que 36% de la population ne fréquente jamais les grandes et moyennes surfaces. Et sur les 64% restants, 36% préfèrent les hypermarchés Marjane.
Plus intriguant, la proportion de “la population“ qui aurait une préférence pour Carrefour ne serait que de 8%, suivi de BIM à 7%, d’Asswak Assalam à 5%, d’Acima à 4%, de Carrefour Market à 3% et d’Atacadao à 1%.Si les 36% de Marjane peuvent être acceptés, comment expliquer par contre cet écart abyssal entre Marjane et son poursuivant direct, Carrefour (groupe Label’Vie)qui, au vu de ses chiffres, peut légitimement clamer une fréquentation de ses surfaces bien plus nombreuse ?Car si l’échantillon sondé pour cette enquête s’élève à 1000 personnes, les résultats de l’enquête peuvent soulever quelques réserves et sont loin de refléter les performances de certains acteurs du marché.
Label’Vie dans de bonnes grâces
En effet, le groupe Label’Vie et son enseigne phare Carrefour ont dévoilé il y a un peu plus d’un mois des performances totalement à l’inverse de ce que pourrait laisser penser ces “8%“ de fréquentation telle que le sondage le remonte. Le chiffre d’affaires du Groupe Label’Vie en 2017 s’est établi à 8,27milliards de dirhams, en augmentation de 12% par rapport à 2016. Cette évolution positive des performances du groupe est la résultante des bons résultats des différents segments d’activité de l’entreprise. Les ventes de Carrefour Market sonthausse de 7% par rapport à l’exercice précédent et ont généré 194 millions de dirhamsde volume de vente additionnel ; celles de Carrefour ont augmenté de 13% par rapport à l’exercice précédent pour un chiffre d’affaires additionnel de 203 millions de dirhams. Enfin, l’enseigne Atacadao a vu ses ventes s’accroître de 19% par rapport à l’exercice précédent pour 422 millions de dirhams de volume de vente supplémentaires. Dans l’ensemble, les ventes du Groupe à périmètre comparable ont réalisé une progression de 7% par rapport à l’exercice 2016.
Des performances qui ont permis au groupe de réaliser un résultat net du Groupe en 2017 de 240,9 millions de dirhams, en forte croissance de 129% par rapport à l’exercice 2016.Difficile donc de voir une corrélation entre la progression du chiffre d’affaires du numéro 2 de la distribution moderne et la faible fréquentations de ses magasins remontée par ce sondage, bien que le chiffre d’affaires réalisés ainsi que la surface commerciale par le Groupe Label’Vie (Carrefour, Carrefour Market, carrefour Gourmet) soient en moyenne moitié moins importants que ceux des enseignes du groupe ( Marjane et Acima) . Mais au-delà des chiffres de ce sondage portant sur la fréquentation, l’enjeu est ailleurs. Car qu’il s’agisse de Label’Vie ou des autres acteurs, et malgré leurs efforts d’ouvertures de magasins, les GMS n’occupent au meilleur des cas que 15% de la distribution selon les statistiques.
Les 15% : finalement un mythe?
D’ailleurs, ce chiffre des 15% est devenu, au fil des années, une proportion inscrite dans le marbre. Et le fait que la part de la grande distribution n’arrive pas à franchir cette barre pose de nombreuses questions. D’abord, ce chiffre reste-t-il toujours crédible, si l’on sait qu’il est évoqué depuis de nombreuses années déjà ? Dispose-t-on réellement des vrais chiffres de la distribution au Maroc ? Car, une étude effectuée par le cabinet américain AT Kearney, sur le développement du secteur de la GMS a classé tout de même le Maroc à la 14ème place en 2015 (contre la 27èmeplace en 2014) des marchés émergents, avec un score de 49 sur 100 au «Global Retail Development Index 46».
Ou bien, assiste-t-on à une expansion des commerces de proximité, de sorte que les effets de tous les investissements et programmes d’ouvertures de magasins de tous les acteurs du marché se trouvent annihilés ? Et si le foncier et les RH sont cités comme des entraves au développement des grandes et moyennes surfaces, suffisent-ils à justifier une proportion qui fait du surplace alors que dans d’autres pays, comme la Tunisie, cette part qui était de 10% il y a quelques années frôle désormais les 30% ?Les raisons de cette stagnation de la distribution moderne sont peut-être à rechercher ailleurs.
D’autant plus que le plupart des grands acteurs de ce secteur connaissent des progressions de leurs chiffres d’affaires d’année en année. À l’ère du digital, une évolution des modèles est peut-être à considérer.En tous cas, selon une étude publiée par Euromonitor, entre 2016 et 2020, le volume des ventes de la GMS devrait continuer de croître de l’ordre de 7% pour le segment supermarché et de l’ordre de 6% pour le segment Hypermarché. Amen.
Encadré 1 : Les GMS ? Non, merci
Loin de l’engouement sur l’axe Casablanca-Rabat, les fréquentations des grandes et moyennes surfaces piétinent. L’enquête du cabinet Sunergia, mené sur un échantillon de 1000 personnes, révèle que 36% de la population n’a jamais fréquenté un super ou hypermarché. De plus, et parmi ceux qui fréquentent les grandes et moyennes surfaces, 20% le font au moins une fois par semaine. Sur l’axe Casablanca-Rabat, ce sont plutôt 35% de personnes qui affirment fréquenter au moins une fois par semaines les super et hypermarchés. De plus, 12% des personnes y vont 1 fois par quinzaine et 18% le font 1 fois par mois. Puis, les occasionnels y passent 1 fois tous les 3 mois pendant que les curieux, 8% de la population, y vont plutôt rarement. Grosso modo, 50% de l’échantillon ne fréquentent pas les GMS ou y va par parcimonie.
Cette population plutôt “réfractaire“ aux nouvelles surfaces de commerce serait principalement constitué de personnes à faible revenu et vivant dans le monde rural. Ceux-ci, certainement par manque de grandes surfaces dans leur environnement et sûrement pour une question de niveau de revenu, continuent de faire leurs courses dans le circuit traditionnel des souks. Les régions de Beni-Mellal, Marrakech, du sud-marocain d’une part et du nord-est (Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Oriental et Fès-Meknès) d’autre part abritent respectivement les populations qui ne fréquentent pas les grandes surfaces et ceux qui les fréquentent de manière occasionnelle.
Le sondage, réalisé par Sunergia et publié dans les colonnes de L’Economiste, s’est déroulé du 18 janvier au 02 mars. Il a été mené par Marketphone, filiale de Sunergia.
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Une histoire d’entraves
Dans un marché global de la distribution estimé à plus de 200 milliards de dirhams, les grandes et moyennes surfaces trainent encore à prendre réellement pied. Elles représenteraient encore que 15% de ce marché, soit un peu plus de 30 milliards de dirhams. Le reste est porté par les épiceries et petits commerces des quartiers. Par comparaison, la distribution moderne dans les pays du nord accapare plus de 80% de la distribution globale.
Au Maroc, les Groupes Marjane et Label’Vie jouent les premiers rôles dans la distribution moderne et agrègent à eux deux quelque 80% du chiffre d’affaires du secteur. Entre accessibilité et niveaux de prix rédhibitoires pour certaines catégories de consommateurs, les grandes et moyennes surfaces affirment souffrir d’une rareté ou plutôt d’une cherté du foncier, notamment dans les zones urbaines et péri-urbaines des grandes villes, pour le développement de leurs infrastructures. En plus du foncier, les grandes et moyennes surfaces souffrent d’un manque de ressources humaines compétentes. Ce qui oblige certains acteurs à développer leur propre école interne afin de former les recrues aux différents métiers de la grande distribution. Enfin, l’informel constitue une autre entrave au développement de cette activité très capitalistique de la distribution moderne.
Tunisie : changement de modèle en cours !
Bonjour,
Nous vous remercions d’utiliser nos chiffres pour votre analyse.
Cependant, nous vous serions reconnaissant de bien vouloir ajouter un lien vers l’article original publié sur notre site : https://groupe-sunergia.com/market-insights/etude-marche-grande-distribution/
Merci d’avance
Cordialement,
Riad Mawlawi