Une semaine après que la justice allemande ait décidé d’extrader vers l’Espagne l’ex-président catalan Carles Puigdemont pour malversation et non pas pour rébellion, Pablo Llarena, le juge du tribunal suprême espagnol qui était chargé de l’enquête sur la tentative de sécession de la Catalogne en Octobre dernier, a retiré ce jeudi les mandats d’arrêt internationaux qui avaient été émis contre le dirigeant séparatiste et ses collaborateurs.
Mais si ceci pourrait faire croire que tout va pour le mieux pour Carles Puigdemont, à y bien regarder, il n’en est rien. Carles Puigdemont allait être extradé par l’Allemagne avec pour seul chef d’accusation, la malversation de fonds ; une charge de très faible gravité comparée à celle ayant trait à la sédition à laquelle s’accroche la justice espagnole et pour laquelle il reste passible de 30 années d’emprisonnement.
Pour le tribunal régional supérieur de Schleswig-Holstein, l’accusation pour laquelle est poursuivi le dirigeant catalan par la justice espagnole n’est pas recevable en droit allemand dès lors que Carles Puigdemont «n’était pas le chef spirituel de violences» et que celles-ci n’étaient pas d’une ampleur pouvant « justifier de telles poursuites».
Or, il convient de relever que, d’un autre côté, le tribunal allemand a, tout de même, réfuté les arguments du leader catalan qui voulaient que son extradition soit interdite du moment qu’il est victime de poursuites politiques en estimant qu’il serait «aberrant de porter (une telle accusation) contre l’Etat espagnol, membre de la communauté de valeur et de l’espace juridique de l’Union Européenne».
Contestant donc, ce jeudi, la décision prise par le tribunal allemand, le juge espagnol Pablo Llarena considère que celui-ci aurait dû «vérifier si les faits décrits par la justice espagnole peuvent être qualifiés pénalement en Allemagne» et non pas chercher l’équivalent allemand de «rébellion».
Dénonçant donc le fait que le séparatiste catalan ne soit extradé par l’Allemagne que pour malversation, la Cour Suprême espagnole entend donc rejeter son extradition.
Aussi, dans son compte Tweeter, l’ex-président catalan note que la levée du mandat d’arrêt initialement émis à son encontre par la justice espagnole démontre «l’immense faiblesse» du dossier pour lequel il est poursuivi alors que Quim Torra, son successeur à la tête de l’exécutif régional catalan, a, pour sa part, salué «une nouvelle victoire politique et judiciaire».
Mais si le dirigeant séparatiste catalan et les autres sécessionnistes qui, avec lui, ont fui le pays pour l’étranger y sont désormais libres de leurs mouvements et ne courent pas le risque d’être arrêtés et extradés, force est de reconnaitre, toutefois, qu’ils seront, tout de même, incarcérés dès lors qu’ils fouleront le sol espagnol où les mandats d’arrêt émis à leur encontre sont toujours en vigueur.
Aamer Anwar, l’avocat de Clara Ponsati séparatiste catalane qui serait en fuite en Ecosse, a notamment déclaré : «Si nous accueillons positivement cette annonce, nous devons aussi rester prudents jusqu’à ce que le gouvernement espagnol nous garantisse que c’est la fin de l’affaire» car le juge Llarena avait déjà retiré en décembre dernier un premier mandat d’arrêt international émis à l’encontre des responsables catalans puis l’avait réactivé en mars.
Saluant la nouvelle de l’annulation du mandat d’arrêt émis à l’encontre de Clara Ponsati, Nicola Sturgeon, la première ministre indépendantiste de l’Ecosse, a estimé, dans son compte Twitter, que «les divergences politiques devraient être réglées démocratiquement, pas devant les tribunaux».
Gonzalo Boye, un des avocats du leader catalan a déclaré, pour sa part à l’AFP, être très satisfait du retrait des mandats arguant même qu’il est insensé que des faits « qui ne sont pas un délit dans le reste de l’Europe, le soient en Espagne» – allusion faite à l’inculpation pour rébellion – alors que son autre avocat Paul Bekaert a annoncé que Carles Puigdemont quittera l’Allemagne pour la Belgique la semaine prochaine.
Au vu de tout cela, il semble donc que la levée des mandats d’arrêt internationaux émis par la justice espagnole contre l’ex-président catalan et ses collaborateurs à la suite du soulèvement de l’automne dernier ne signifie pas la fin des poursuites contre les sécessionnistes catalans mais, plutôt, le début d’un long feuilleton judiciaire. La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), juridiction de type fédéral, où le droit communautaire est supérieur aux droits des Etats membres, pourra-t-elle prêter main forte aux séparatistes catalans ? Rien n’est moins sûr pour l’heure. Alors, attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi