«La politique linguistique de l’Etat reste ambigüe et vague»

Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef

Al Bayane : Cette rentrée, encore une fois, la polémique sur la darija et la langue arabe ont refait surface.  Qu’en pensez-vous?

Ahmed Assid: C’est un faux débat parce que ça se passe en l’absence totale d’un bilan objectif de l’arabisation. Ce processus qui était accompagné d’une vague d’islamisation massive depuis 1980 a conduit à la catastrophe, mais personne n’en parle. Si aujourd’hui la question d’une langue alternative est posée, c’est à cause d’une réalité amère qu’on essaye de dissimuler.

Peut-on parler d’une «guerre de langues» au Maroc?

Oui mais c’est une guerre idéologique et politique qui reflète différents projets de société. Tenez par exemple, la défense de  la langue arabe chez les islamistes, est liée au projet de l’Etat religieux qui ne peut avoir lieu sans la sacralisation de la langue du coran. Pour les laïcs, il faut absolument libérer les esprits et les attacher un peu plus à la réalité, pour faire aboutir le processus de sécularisation. C’est pourquoi, ils référent aux langues populaires qui sont une production purement nationale, à savoir l’amazighe est la Darija.

Qu’en est-il de la gestion de la chose linguistique au Maroc?  Quid de la langue amazighe dans tout cela?

Malheureusement le problème est là, la politique linguistique de l’Etat reste ambigüe et vague. Les décideurs ne veulent pas trancher, ils préfèrent continuer à jouer sur les contradictions et les paradoxes au lieu d’avoir une politique claire et nette. C’est pourquoi, nous sommes devant la situation suivante : ce que l’Etat a l’intention de faire il ne le déclare pas ; par contre ce qu’il ne veut plus faire, il continue à en faire des slogans dans ses références.

Ces conflits linguistiques ont-ils un rapport avec les changements sociaux, économiques et politiques que connaît notre pays?

Bien entendu, tout est lié au processus de changements qui ne cesse d’influencer notre pays. Malheureusement, ces changements ne sont pas pris en considération. Même les études qui se font de temps en temps restent noir sur blanc, les recommandations de la société civile aussi. Mais par la force des choses, je crois qu’on sera emmené à repenser notre système éducatif de manière radicale, comme cela a été fait dans les états émergents qui ont réussi à sortir de leur sous-développement.

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