Les autorités turques ayant affirmé détenir un enregistrement sonore prouvant que le journaliste saoudien Jamal Khashoggi a bien fait l’objet de tortures – sans aucun doute jusqu’à la mort – dans les locaux du consulat de son pays à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est entretenu au téléphone avec le roi Salmane d’Arabie Saoudite.
Ce dernier, qui dément les accusations d’assassinat et soutient que Khashoggi a bien quitté le consulat après avoir demandé l’obtention d’une autorisation administrative, a, néanmoins, donné son accord pour permettre à la police turque d’entrer à l’intérieur du Consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul et d’y effectuer les investigations requises. Et si la fiancée du journaliste disparu assure qu’il n’en est pas ressorti puisqu’elle est restée à l’attendre dans un véhicule, des sources proches des services de sécurité turcs affirment qu’il a été assassiné, dans l’enceinte même du consulat, par une équipe de quinze «barbouzes» saoudiens qui sont rentrés au consulat peu de temps après lui et qui ont quitté les lieux dès l’accomplissement de leur mission.
Le journal pro-gouvernemental turc «Sabah» a reconnu en ces derniers des officiers des services de sécurité saoudiens ainsi que des proches du prince héritier Mohammed Ben Salmane dont un expert en médecine légale qui travaille au ministère de l’intérieur.
Et si, pour liquider Jamal Khashoggi, sans laisser de trace, les saoudiens avaient tout planifié, ils ne pouvaient pas prévoir qu’il allait entrer dans l’enceinte du consulat en ayant à son poignet une montre intelligente connectée à son téléphone et qu’il allait laisser celui-ci chez sa fiancée. Raison pour laquelle cette dernière a pu suivre, de l’extérieur, les évènements dramatiques qui se déroulaient à l’intérieur du bâtiment : Jamal Khashoggi a été interrogé, torturé avant de mourir après avoir été forcé à ingurgiter une surdose de sédatifs. Pour faire quitter à sa dépouille le consulat à l’abri des caméras de surveillance, celle-ci aurait été démembrée et mise dans différents sacs.
Mais malgré toutes ces «précautions», la disparition du journaliste saoudien n’est pas passée inaperçue et c’est même le branle-bas de combat dans plusieurs chancelleries occidentales qui, à l’instar des Nations-Unies et de diverses ONG exigent que l’Arabie Saoudite fournisse des explications.
Ainsi, aux Etats-Unis, plusieurs parlementaires -aussi bien démocrates que républicains- exigent «un réexamen des relations avec Riyad» et remettent même en cause les contrats de vente d’armes liant leurs deux pays quand bien même Donald Trump s’y accroche encore de peur de laisser ces transactions aux russes et aux chinois.
Richard Branson, le fondateur du groupe Virgin a décidé de « geler plusieurs projets d’affaires » en Arabie Saoudite et ce, alors même que le Prince Héritier saoudien Mohammed Ben Salmane lui avait promis d’investir un milliard de dollars dans ses projets de tourisme spatial.
Le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a annoncé, pour sa part, qu’il n’assistera pas à la fameuse conférence économique dite «le Davos du Désert» qui doit s’ouvrir à Riyad le 23 Octobre prochain.
C’est dire que cette affaire Khashoggi va incontestablement compromettre la stratégie en vertu de laquelle le prince héritier saoudien et nouvel homme fort de Riyad entendait diversifier une économie saoudienne qui repose essentiellement sur les revenus du pétrole.
Et si à la suite de l’accord donné par le Roi Salmane d’Arabie Saoudite, un convoi de 6 véhicules a déposé, ce lundi devant l’enceinte du consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul, plusieurs policiers turcs à l’effet de procéder aux investigations nécessaires à l’intérieur même dudit consulat, quelles seront les conclusions des «enquêteurs» turcs ? Que révèleront-elles que l’on ne sait déjà ? Attendons, quand même, pour voir…
Nabil El Bousaadi