«L’éducation aux médias voire son institutionnalisation constitue une condition sine qua non pour immuniser la génération actuelle contre les discours de haine et toute manipulation abusive des réseaux sociaux», ont souligné les participants au colloque national initié par le Centre de recherches et de l’éducation aux médias (CREM), vendredi 22 février, à l’Institut supérieur de l’information et de la communication (ISIC) à Rabat.
Cette rencontre organisée à l’occasion du 50 e anniversaire de la création de l’ISIC et en partenariat avec l’Unesco et La Fondation Friedrich-Naumann pour la Liberté fut une occasion pour débattre des enjeux et défis de l’éducation aux médias au regard des mutations profondes du paysage médiatique national marqué particulièrement par la prolifération de l’information et la recrudescence des fake news, comme d’ailleurs tous les Etats du monde.
Il faut dire selon les intervenants que les outils de communication de masse ne sont, en fin de compte, que le reflet de leur milieu immédiat et des valeurs véhiculées par les structures sociétales et ce n’est pas seulement une affaire des pouvoirs publics- loin de là-, ils devraient être réfléchis dans un paradigme holistique incluant la société toute entière et ce dans le cadre d’une pratique citoyenne efficace, a souligné Abdelmajid Fadil, directeur de l’ISIC.
Une vision largement partagée par Fouad Chafiki, directeur des programmes scolaires au ministère de l’Education nationale qui, pour sa part, a mis l’accent sur la complexité de l’éducation à la culture informationnelle dans le système éducatif marocain, notamment en ce qui concerne l’élaboration des manuels scolaires.
Cela étant que l’école se trouve face à un véritable dilemme : outre la quête d’une certaine légitimité sociale en essayant de répondre aux attentes et besoins des familles, cet agent de socialisation est aussi appelé à s’inscrire son action dans une démarche plus scientifique et plus innovatrice.
Après avoir évoqué les multiples réformes entamées par le Royaume, notamment la Charte nationale d’éducation et de formation, le responsable ministériel a indiqué que l’objectif de son département consistait à trouver un dénominateur commun visant l’implémentation des valeurs, en mettant aussi l’accent sur la nécessité de l’approche par compétences, une entrée principale pour l’ancrage de l’éducation informationnelle, a-t-il noté en substance.
Abondant dans le même ordre d’idées, l’expert en sciences de l’éducation s’est penché sur l’importance de la culture artistique en tant que valeur sûre afin d’initier les élèves à l’esprit de la création et de l’innovation en dépit des difficultés portant sur le coût énorme de la formation des professeurs.
Faire face aux pseudo-journalistes
Sur un autre registre, Abdessamad Moutei, professeur auprès de l’ISIC, s’est attelé dans son intervention sur la nécessité de l’introduction des matières l’éducation aux médias dans les programmes scolaires afin de se mettre au diapason des temps modernes et s’inscrire de plein pied dans la société du savoir.
L’expert en nouvelles technologies de l’information et de la communication a dans ce sens rappelé les mérites du processus de l’auto-apprentissage dans l’opération éducative.
Ainsi, il a invité les décideurs à mettre en place une stratégie nationale basée sur une approche impliquant tous les acteurs concernés (institutions publics, famille, société civile…), mais ce n’est pas tout. La réforme des programmes scolaires et la requalification de l’ensemble du corps d’enseignement demeurent des axes préalables pour entamer toute réforme qui se veut ambitieuse, a-t-il déclaré avec insistance.
Même son de cloche chez Salmane Tarik El Alami, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation à Rabat.
Prenant la parole, le chercheur universitaire a fait savoir qu’il existe aujourd’hui un fossé abyssal entre les enseignants et les élèves en matière de connaissances multi-médiatiques, en faisant allusion à des études qualitatives menées dans certaine écoles marocaines et empruntant la méthode des focus groupes.
Pour lui, l’utilisation des médias nouveaux s’est transformée de nos jours à un mode de vie et l’éducation dans le sens traditionnel a perdu tout sens, tout en notant que l’élaboration d’une stratégie portant sur l’éducation à l‘information doit passer par une approche ascendante et proactive.
Le but escompté, a-t-il insisté, est celui de développer l’esprit critique chez les élèves et utilisateurs du net, et faire face générale aux pseudo-journalistes, a-t-il martelé.
Notons par ailleurs que cette rencontre a vu la participation de Mustapha Taimi, Secrétaire général du département de la communication, Olaf Kellorhof, directeur de la Fondation Friedrich-Naumann-Maroc et Mohamed Ghattas, conseiller auprès de l’Unesco. La modération a été par Abdellatif Bensfia, président du CREM.
Khalid Darfaf