L’arrivée du mois de Ramadan fait ressortir une multitude de questions en rapport avec le système digestif de la part de tous. Elle fait remarquer aussi la grande diversité de l’impact du jeûne sur chacun, certains sont en peine, d’autres au contraire ressentent un grand confort digestif durant cette période. Petit tour d’horizon de ce qui se passe dans notre corps durant ce mois sacré.
Quel impact sur mon système digestif?
L’impact digestif du jeûne est conséquent à 2 volets : Le premier est le fait de l’absence de l’alimentation durant une longue période (plus ou moins longue selon les saisons), et le deuxième est le rassemblement de plusieurs repas en une courte période qui plus est se situe le soir.
Le premier point à un impact essentiellement gastrique : tandis que l’absence d’alimentation peut faire ressentir une sorte de repos au niveau intestinal, pour l’estomac ce n’est pas vraiment le cas. La sécrétion gastrique augmente et peut occasionner des lésions pour peu que les cellules soient fragiles ou fragilisés, par exemple dans le cas de l’infection à Helicobacter Pylori. C’est ce qui explique la recrudescence des ulcères gastriques durant cette période. Le saut du repas du Shour expose plus à ces complications car que cela rallonge la durée du jeûne.
D’un autre côté, le tube digestif va travailler d’une façon saccadée une fois le soir venu, car tous les repas seront pris à quelques heures d’intervalle, et précédant en général immédiatement le coucher.
Cette activité est certes astreignante pour le tube digestif, d’autant plus que les aliments sont complexes et nécessitent plusieurs étapes dans leur digestion (laitages, viandes…). Ceci est à l’origine d’une digestion difficile et douloureuse, avec ballonnement, gaz, et spasmes. Le fait de ne pas suffisamment espacer les repas du coucher (dîner et shour) va en plus réveiller le reflux gastro-oesophagien chez la majorité.
Puis-je jeûner?
Il y a des situations diverses qui peuvent faire proscrire le jeûne tel que le diabète insulino-dépendant qu’il est toujours important de rappeler. Sur le point de vue gastroentérologique, la présence d’un ulcère gastrique ou duodénal actif (non cicatrisé) doit faire interdire le jeûne car ce dernier risque d’aggraver la situation et provoquer une hémorragie digestive ou la perforation dudit ulcère. En général, pour toute pathologie chronique, l’avis du médecin traitant est primordial avant d’entamer le jeûne.
Quel impact sur mon équilibre nutritionnel?
Autre question qui revient souvent : la nutrition et le poids pendant le mois du jeûne. Intuitivement, on penserait que jeûner fait maigrir, alors que cette équation n’est pas vraie chez la majorité. En général, le chiffre calorique quotidien est plus ou moins gardé intact même si l’on jeûne. Certains rapportent au contraire une prise de poids à chaque Ramadan. Comment cela se fait-il ? Le plus évident, c’est la nature des aliments que nous consommons ce mois-ci et qui comportent beaucoup d’hydrates de carbone et de gras comme nous le fait remarquer toutes les tables de Ftour marocain. Mais ce n’est pas tout, le rythme d’alimentation est aussi responsable : le fait de s’abstenir de manger toute la journée fait mettre le corps en mode de réserve car il s’imagine qu’il y a pénurie d’aliments, il va avoir tendance donc à stocker plus facilement tous les apports énergétiques sous forme de graisse pour mieux s’y préparer. Le saut du Shour notamment favorise ce mode-là. Un conseil alors si vous ne souhaitez pas prendre du poids, prenez votre Shour au lieu de le sauter en pensant que c’est un repas de moins.
Comment bien jeûner?
Durant la saison d’été, tout ce qui a été dit prend davantage de sens car la journée est plus longue et le soir plus court, le jeûne alors plus difficile et plus impactant. Le repas du Shour est très important, d’un côté, la durée du jeûne est raccourcie en laissant le Shour à la dernière heure possible, et protège ainsi votre estomac. D’un autre côté, il aura pour but d’apporter l’énergie nécessaire pour bien entamer sa journée. Les aliments à privilégier durant ce repas sont les sucres lents, les protéines (les œufs et les protéines végétales sont plus faciles à digérer que les viandes), fibres et légumes, graisses et l’eau. Ces derniers constituent un bon apport énergétique, et y associent une sensation de satiété. Ce qu’il faut éviter ce sont les sucres rapides car ils occasionneront très rapidement une chute de la glycémie et une sensation de faim en début de journée.
Le repas du ftour doit être pris graduellement pour ne pas brusquer notre système digestif. Un apport de féculents est également conseillé, des fruits et fruits secs. Après une petite pause, un repas plus copieux peut être envisagé ‘le diner’. Il vaut mieux éviter les laits et les viandes rouges car difficiles à digérer pour un repas du soir. Bien sûr rappelons que l’hydratation est primordiale et que l’eau doit être prise tout au long de la période des repas. Il est préférable de ne pas se coucher aussitôt pour un meilleur confort digestif.
En conclusion, l’impact du jeûne sur notre métabolisme général et notre digestion en particulier dépend de notre manière de l’appréhender et de nos choix alimentaires. Nous pouvons tout à fait épargner beaucoup d’inconfort en adoptant les bonnes habitudes.
Dr Ilham Azghari
Hépato-gastroentérologue