Salima El Koulali est titulaire d’un Doctorat en Lettres et Sciences Humaines. Actuellement elle exerce comme chercheur à l’IRCAM, au centre de traduction. Elle maitrise l’espagnole, l’arabe, le français et bien sur sa langue maternelle amazighe. Très active, elle a participé à différents colloques et a, à son actif, plusieurs traduction d’œuvre littéraires vers l’amazighe.
Qui est Salima El Koulali?
Salima El Koulali : Je suis née à Zegangan, une municipalité très connue de la ville de Nador. J’ai grandi dans une famille amazirophone. En relation avec mon parcours académique, j’ai suivi mes études lycéennes dans la même ville où j’ai obtenu mon baccalauréat en lettres modernes, et après à la Faculté des lettres et des sciences humaines Dhar El Mehrez-Fès. J’ai eu ma licence en études hispaniques, spécialité linguistique. En poursuivant une formation de deux ans à l’école supérieure Roi Fahd de traduction à Tanger, j’ai obtenu mon diplôme de traductrice rédactionnelle dans le domaine de la traduction juridique. Actuellement, je suis titulaire d’un doctorat en traduction, obtenu à la faculté des lettres et des sciences humaines Fès-Sais, et je suis chercheur à l’Institut Royal de la Culture Amazighe à Rabat.
Vous exercez au Centre de traduction, de documentation, d’édition et de communication à l’IRCAM. Pourquoi avoir choisi cette institution?
J’ai choisi cette institution car avant d’être une institution publique, c’est un lieu de recherche où chaque jour on apprend plus de choses. Elle réunit des chercheurs de différentes disciplines pour avoir une culture et une langue amazighe globale qui répondent aux aspirations de tous les Marocains. On peut affirmer que l’IRCAM est une institution interdisciplinaire qui vise à promouvoir la langue et la culture amazighes. Et la traduction comme domaine d’étude et de recherche a une place importante dans l’institut.
Parlez-nous de votre thèse de traduction : quel est son sujet et ses motivations?
Ma thèse intitulée « le conte amazigh : collecte, classement et traduction » porte sur la traduction du conte amazigh, en particulier le rifain. Elle est inscrite dans le cadre de la traduction littéraire. J’ai fait un travail sur le terrain pour la collecte des contes qui sont classés selon des différents domaines, et je les ai traduits vers l’arabe en analysant et décrivant les techniques et la théorie de la traduction suivies. J’ai intégré la transcription en caractère tifinaghe dans la version originale des contes pour garder son authenticité amazighe. Ce qui m’a motivé à choisir ce thème c’est sa relation avec notre identité et histoire puisque les contes reflètent l’image et la mentalité de l’homme amazighe. En outre, j’ai pu retrouver un lexique amazighe riche qu’on a oublié vu le développement tant de la langue que de la vie. Et c’est grâce aux travaux de terrain qu’on peut acquérir une langue correcte et authentique.
En quoi consistent vos actions au sein de l’IRCAM? Quelle est votre contribution à la promotion de l’amazighe, en matière de traduction?
Dès mon intégration au sein de l’IRCAM j’ai contribué pour laisser mon empreinte dans ma spécialité et promouvoir la langue amazighe. J’ai commencé par la traduction des contes qui peuvent servir comme supports pédagogiques pour faciliter l’apprentissage de la langue : j’ai quatre publications dans le domaine de la traduction littéraire, à savoir : tinfussin n imzyann(contes pour les enfants), Tasddit (la parure), tinfusin zg wayda agravlan (contes du patrimoine mondiale), ufrinn n tmdyazin n Pablo Neruda (extraits de poèmes choisis de Pablo Neruda). Actuellement, je me focalise sur la traduction juridique pour enrichir les domaines de recherche en matière de traduction vers la langue amazighe. J’ai traduit le Code des libertés publiques qui sera publié prochainement en deux parties vu le volume des actes ; la traduction spécialisée et le manque qu’il y a au niveau des dictionnaires juridiques amazighes me motivent beaucoup. Sans oublier que j’ai d’autres publications réalisées dans des colloques nationaux et internationaux, et qu’au niveau de mon centre. On contribue à la formation des traducteurs amazighs, et nous sommes satisfaits de les voir poursuivre la tâche qui a été entamée au sein de l’IRCAM. Plusieurs institutions traduisent vers l’amazighe en s’appuyant sur le personnel formé par l’IRCAM.
Que peut apporter la traduction pour la langue amazighe?
La traduction est un moyen pour faire communiquer les cultures à travers la langue. Découvrir la langue de l’autre est égal à la connaissance de sa mentalité, sa culture et son idéologie, et cela s’applique aussi quand on traduit de la langue amazighe à une autre langue ou vice-versa. A travers la traduction, la langue amazighe sera plus diffusée à l’échelle nationale et internationale, en particulier quand on fait un bon choix des sujets à traduire.
Quels sont vos projets d’avenir?
Mes projets consistent à poursuivre le travail qu’on a entamé au sein de mon centre, c’est-à-dire traduire des textes juridiques, et je commencerai prochainement la traduction des textes de la loi relative aux énergies renouvelables au Maroc, en plus d’autres activités de rayonnement, pour l’année 2019.
Votre dernier mot
J’espère que la langue amazighe atteigne ses objectifs, qu’il soit promulgué et présenté dans tous les domaines comme il a été prévu dans les textes de la loi organique, et que les recherches soient multipliées afin de la sauvegarder. On rappelle à nos chers lecteurs que les peuples les plus modernes font recours aux moyens matériels, logistiques et humains pour sauver leurs langues de l’extinction car ils sont fiers d’elle et de notre part, nous sommes chanceux d’avoir une langue qui a survécu pendant des millénaires. C’est pour ça que les idéologies qui sont contre l’officialisation et l’insertion de la langue amazighe dans la vie publique doivent être changées. L’amazighe est un héritage de nos ancêtres que nous ne pouvons pas négliger ou nier. Il fait partie de notre identité marocaine.
Propos recueillis par Moha Moukhlis