Abdelkader Ababou, un stratège du théâtre national

On ne peut parler de théâtre dans le Souss, voire à l’échelon national, sans évoquer le nom d’un vieux routier hors pair de l’art dramatique. Abdelkader Ababou, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a roulé sa bosse dans le domaine, plus de quatre décennies, sans relâche ni répit. Mordu du théâtre jusqu’à la moelle, engagé aux côtés des questions des démunis et des idéaux de la liberté, de la dignité, de la justice, l’illustre dramaturge national se donne corps et âme, à travers le fond et la forme,  pour honorer cet enrôlement prolifique, des années durant.

Pendant tout ce parcours laborieux, cette sommité du théâtre engagé faisait montre d’un altruisme hors pair, faisant preuve d’innovation artistique, à travers une panoplie d’œuvres toutes aussi magistrales les unes que les autres. Lors de ses tout premiers débuts, dans les années soixante, il avait annoncé la couleur de ce long itinéraire théâtral, à peine avait-il foulé le sol de la capitale du Souss. Ensuite, il explosait au sein de l’association Anouar Souss d’Agadir, par des chefs-d’œuvre qui plaçaient bien très haut la vision créative dramatique, en termes de scénographie, de dramaturgie, d’interprétation et de mise en scène.

Cette conception innovante, axée d’une manière intégrée et interactive, sur le contenu du message et l’approche esthétique, allait bouleverser la tendance théâtrale, habituée aux airs statiques, stéréotypés et figés. Dans nombre de trouvailles artistiques, notamment «le soldat et le sculpteur», écrit par le dramaturge marocain Meskini S’ghir ou encore «la mission», créée par l’écrivain allemand Hainer Moller, pour ne citer que ceux-là, Abdelkader Ababou s’était profondément distingué en tant que fin et éminent réalisateur d’une expérience qui lui tient tant à cœur fondée sur la dialectique des phénomènes. Sans trop s’étendre sur les tenants et les aboutissants de cette expérimentation qui s’érige en modèle de la parfaite illustration de la valeur spécifique de tous les éléments de la représentation théâtrale, à commencer par le texte, le comédien, l’accessoire, le vestimentaire, la mise en scène, il y a lieu de mettre en évidence l’aspect engagé qui demeure l’ingrédient fondateur de la prestation.

Aux côtés de cette mission proprement artistique qui se poursuit, par la suite, avec la troupe Ounamir, toujours avec la même tonitruance, en particulier, dans des œuvres de belle facture «Kaab Ghzal», «Sayyad N’am» ou encore «Hadda ouzermoumiat», Abdelkader Ababou s’est lancé, au début des années quatre-vingt, en compagnie d’une pléiade d’intellectuels et de créateurs, membres de plusieurs troupes de théâtre de la région, dans la création d’un festival national dont les quatorze éditions ont vivement marqué le mouvement théâtral marocain et contaminé d’autres événements d’envergure à Meknès, Mohammedia, Oujda, Casablanca…

Enfin, on mettra en exergue également la nouvelle expérience tentée par cette icône de théâtre national, au niveau de la formation des jeunes comédiens, au sein du théâtre Ounamir, fondé récemment, sous la houlette d’un jeune et talentueux artiste Aziz Idrissi. Une belle initiative qui vise à imprégner les jeunes mordus de l’art dramatique des principes élémentaires de cette pratique. Il faut bien dire, dans ce sens, que des générations de comédiens et de metteurs en scène avaient beaucoup appris de cette pyramide du théâtre, pendant plus de quarante ans. On ne peut que rendre un vibrant hommage à Si Ababou pour cet apport bénévole sans limite !

Saoudi El Amalki

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