En entendant le message audio de 46 minutes diffusé ces derniers jours par l’agence Al Furqan chargée de la propagande de l’organisation terroriste Etat islamique, on pourrait penser qu’Abou Bakr Al Baghdadi, laissé pour mort, à maintes reprises, sur le champ de bataille, serait vraiment ce «messie» comme ses adeptes ont bien voulu nous le présenter et qui, tel un phénix, renait constamment de ses cendres et nous donne, ainsi, l’occasion d’assister à sa résurrection.
Dans cette longue litanie, en sa qualité d’Amir Al Mou’minine (Commandeur des Croyants), Al Baghdadi demande à ses fidèles combattants de «résister» face à leurs ennemis car «pour obtenir la grâce de Dieu et la victoire, il (leur) faut faire preuve de patience et résister face aux infidèles quelque soient leurs alliances». Il s’en prend, par la suite, à ces «nations infidèles» que sont l’Amérique, la Russie et l’Iran qui ont infligé à ses troupes des revers en Syrie et en Irak.
Evoquant dans son discours la crise avec la Corée du Nord ainsi que l’évacuation de Mossoul, ancien bastion du Groupe Etat islamique, intervenue le 9 Juillet dernier et à propos de laquelle il félicite ses hommes pour n’avoir pas baissé les bras devant la puissance de feu de la coalition, cet enregistrement permet à l’auditeur de reconnaître qu’il a eu lieu bien longtemps après que la Russie ait affirmé l’avoir tué lors du raid aérien lancé par son aviation sur une réunion de hauts dirigeants du Groupe près de Raqqa en Syrie le 28 Mai dernier.
Appelant, à la fin de son discours, les sunnites à poursuivre le Jihad et les syriens à se mobiliser «face à l’ennemi», le leader terroriste, dont le «califat» crée en 2014 se réduit comme peau de chagrin, ordonne, enfin, à ses troupes continuer le combat et de cibler les «organes médiatiques».
Mais même s’ils démentent les déclarations faites par la Russie quant à l’élimination d’Al Baghdadi à la fin du mois de Mai 2017, ces propos ne sont pas une preuve qu’Al Baghdadi est toujours vivant et, par ailleurs, qu’elle soit réelle ou supposée, la disparition du leader de l’organisation Etat islamique ne risquerait pas de changer grand-chose à la situation. N’étant plus apparu en public depuis plus de trois années car traqué sans relâche par les forces de la coalition menée par les Etats-Unis, ce dernier n’assurerait plus, depuis cette date, le commandement opérationnel du groupe et semblerait plutôt être plus préoccupé par sa propre survie. En outre, la disparition du leader terroriste ne peut plus porter un coup très dur à Daech puisque son commandement est de plus en plus décentralisé.
Ainsi, comme la mort de Ben Laden n’a pas donné lieu à la disparition d’Al Qaïda, celle d’Al-Baghdadi n’entrainera pas, de facto, la fin du Groupe Etat islamique puisque l’absence du culte de la personnalité au sein des groupes jihadistes illustre parfaitement leur pragmatisme.
Traqués sans répit, ceux-ci sont donc préparés à la mort et tireraient même une certaine fierté du fait que la faucheuse peut les emporter à tout moment «sur le champ de bataille» et non pas dans leurs lits à l’instar du commun des mortels.
Enfin, si l’élimination méthodique de leurs cadres peut donner, à moyen terme, à ces groupes, un sang nouveau, cet enregistrement qui se veut être un rappel à l’ordre destiné aux «croisés» peut aussi n’être qu’un des derniers barouds d’honneur d’une organisation qui peine à poursuivre son combat…
Nabil El Bousaadi