Affaire Khashoggi: Donald Trump vole au secours de MBS

Jamais mort de journaliste n’aura fait couler autant de sang mais aussi autant d’encre que celle du collaborateur saoudien du Washington Post, survenue le 2 Octobre dernier dans l’enceinte même du Consulat de son pays à Istanbul, car près de deux mois après les faits et même si les conditions de l’exécution de cette macabre opération et l’identité de ses  exécutants et de ses commanditaires étaient, dès le début, connues de tous, « les dés » semblent bel et bien « pipés » car la géopolitique a, très souvent, des raisons que la Raison ignore.

Ainsi, même si, d’un côté, les autorités turques avaient évoqué l’implication du puissant prince héritier Mohammed Ben Salmane – sans l’accord duquel rien de tel n’aurait pu se faire – et que le président Erdogan avait été très explicite en affirmant que « l’ordre de tuer était venu du plus haut niveau du gouvernement saoudien » et qu’enfin la CIA a confirmé, de son côté, la responsabilité de l’héritier du trône d’Al Saoud, le président Donald Trump a, pour sa part, sa propre lecture des évènements. Aussi, en enveloppant ceux-ci comme il l’entend, le président américain a fait, ce mardi, une déclaration à laquelle il est le seul à adhérer, à savoir que l’agence américaine du renseignement extérieur n’aurait « rien trouvé d’absolument certain » s’alignant, par-là, sur les propos du procureur général saoudien et de son adjoint qui ont totalement disculpé MBS du meurtre de Jamal Khashoggi et sur ceux du ministre saoudien des Affaires étrangères qui avait affirmé que les conclusions de la CIA étaient complètement fausses.

Mais si pour un grand nombre d’observateurs la déclaration de Donald Trump est « un peu trop tirée par les cheveux », elle reste, tout de même, dictée par les impératifs politiques et les intérêts économiques du pays.

Reconnaissant, au passage, que l’assassinat du journaliste saoudien est un « crime épouvantable que (les Etats-Unis) ne pardonneront pas », Donald Trump a, par ailleurs, affirmé, du bout des lèvres, qu’« il se pourrait très bien que le prince héritier ait eu connaissance de cet évènement tragique – peut-être, peut-être pas ! ». Ainsi, même s’il est vain d’essayer de cacher le soleil à l’aide d’un tamis, Donald Trump n’en a cure dès lors que c’est une affaire « de gros sous » et les intérêts de Washington sont en jeu.

Le président américain ira même jusqu’à arrondir les angles à l’effet de « blanchir » les autorités de Riyad du meurtre de Jamal Khashoggi en reconnaissant en lui « un ennemi de l’Etat » qui appartenait aux « Frères musulmans ».

Ainsi, même si la macabre opération qui s’était déroulée le 2 octobre dernier dans l’enceinte du consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul, a terni l’image du Royaume wahhabite, le président américain estime que Washington doit demeurer « un partenaire inébranlable de l’Arabie Saoudite » et que les deux pays sont condamnés à maintenir leur alliance stratégique. Cette entente est d’abord dictée par la défense des intérêts américains et israéliens au Moyen-Orient du moment que l’Iran, qui est accusé de soutenir le « terrorisme islamique radical » et de chercher à déstabiliser la région, reste leur ennemi commun, puis parce que Riyad, en sa qualité de premier exportateur mondial de pétrole, a une grande influence en matière de stabilité des prix et, last but not least, parce que le royaume wahhabite entend investir près de 450 milliards de dollars aux Etats-Unis dont 110 milliards pour le seul achat d’équipements militaires ; ce qui, pour Trump, est une raison amplement suffisante pour ne point le pousser à commettre « la folie d’annuler les contrats » y afférents et de laisser Pékin et Moscou s’en emparer.

Interrogé sur le rôle néfaste joué par l’Arabie Saoudite dans la grave crise humanitaire dans laquelle est plongé le Yémen, le président américain rétorque que Riyad « aimerait bien se retirer du Yémen si les iraniens en faisaient autant » tant et si bien que certains sénateurs républicains lui reprochent de s’être aveuglément aligné sur la défense choisie par le royaume saoudien et d’avoir troqué son sempiternel slogan « L’Amérique d’abord » contre « L’Arabie Saoudite d’abord ! ».

Au vu de tout ce qui précède, il semble donc que le très puissant héritier du trône d’Al Saoud est encore plus puissant qu’il ne le paraissait puisqu’il est parvenu à se placer officiellement « en dehors » d’une affaire que tout le monde sait commanditée par lui. Mais en considérant que les voies de la politique sont, parfois, aussi impénétrables que celles du Seigneur, attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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