«La population du Jammu-et-Cachemire occupé s’attend au pire. Je tremble à l’idée de mentionner ici le terme «génocide», mais il le faut. Si l’on se réfère à la Convention sur les crimes de génocide, les Cachemiriens habitant la partie occupée du territoire font face à de graves menaces sur leur vie en tant que groupe national, ethnique, racial et religieux, des menaces venant d’un régime meurtrier, misogyne et xénophobe.
Une ONG basée eux États-Unis a déjà lancé une alerte, affirmant que la situation avait franchi les 10 étapes qui mènent au génocide. Si l’Inde n’a rien à cacher, elle doit permettre un accès sans entrave à une commission d’enquête telle que la Haute Commissaire l’a recommandé. Au Pakistan, nous sommes prêts à donner à cette commission ou à tout autre mécanisme l’accès à notre côté de la ligne de contrôle, tandis que le même type d’accès est donné du côté occupé par les Indiens. M. le président, le Conseil des droits de l’homme doit entendre la demande du peuple cachemirien, et répondre aux signes avant-coureurs d’une catastrophe (…) Depuis 6 semaines, des dirigeants politiques du Cachemire de tous horizons sont en résidence surveillée, en prison et bâillonnés.
Telles sont, en substance, les grandes lignes du discours prononcé ce mardi, devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, par Shah Mehmood Qureshi, le ministre pakistanais des Affaires étrangères qui a demandé au dit Conseil d’ouvrir une enquête sur les actions de l’Inde dans le Cachemire indien de peur qu’un «génocide» ne s’y produise.
Pour rappel, lors de la partition de l’Empire colonial britannique en 1947, le Cachemire avait fait l’objet d’un partage entre l’Inde qui s’était vu confier l’administration de l’Etat du Jammu-et-Cachemire, le Pakistan à qui avait été attribuée la gestion des territoires de l’Azad Cachemire et du Gilgit-Baltistan et la Chine qui s’était vu octroyer la région de l’Aksai Chin et la vallée de Shaksgam.
Aussi, par son article 370, la Constitution indienne avait conféré au Jammu-et-Cachemire un statut spécial n’autorisant New Delhi à légiférer qu’en matière de défense, de relations internationales et de communications et soumettant tout le reste à la compétence de l’Assemblée législative locale.
Mais, après avoir été triomphalement réélu au printemps dernier, pour un second mandat, le premier ministre nationaliste indien Narendra Modi, qui avait fait de la révocation de l’autonomie du Cachemire une promesse de campagne avait mis sa «menace» à exécution, en Août dernier, en invoquant la nécessité de «libérer du terrorisme et du séparatisme» ce territoire himalayen à majorité musulmane revendiqué par le Pakistan. Il avait alors fait passer un décret présidentiel annulant l’Article 370 de la Constitution indienne, remplaçant tous les articles constitutionnels afférents à l’administration du Jammu-et-Cachemire et abolissant, ainsi, le statut spécial initialement conféré à cette région.
Le territoire se trouve donc, depuis cette date, soumis par New Delhi à une politique de bouclage drastique ; à savoir, un couvre-feu accompagné de coupures de téléphone et d’internet etc…
Aussi, en rappelant que, depuis 2018, le Haut Commissariat de l’ONU aux Droits de l’Homme avait demandé, à plusieurs reprises, au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU de lancer une commission d’enquête nationale, Michelle Bachelet, la Haute-Commissaire de l’ONU aux Droits de l’Homme, «très préoccupée par les actions récentes du gouvernement indien sur les droits humains des Cachemiris, notamment en ce qui concerne les restrictions touchant à Internet, au droit de réunion pacifique et à la détention de dirigeants politiques et militants locaux» a indiqué avoir «lancé un appel particulier à l’Inde pour alléger les mesures actuelles de restriction ou de couvre-feu, assurer que les personnes aient accès aux services de base et respecter le droit à un procès juste pour toutes les personnes qui ont été détenues».
Craignant donc une attaque de son pays par l’Inde au nom de la lutte contre le terrorisme, le ministre pakistanais des Affaires étrangères a profité de la tenue de l’actuelle session du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU pour inviter les diplomates à se saisir de la question du Cachemire indien.
Va-t-il être écouté alors que New Delhi et Washington accusent, depuis longtemps, le Pakistan «d’attiser l’insurrection au Cachemire indien et d’armer les groupes jihadistes ? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi