Avancée démocratique ou show médiatique

Les premières dans le système politique

Une campagne avant la campagne : les primaires citoyennes pour la désignation du candidat des socialistes et des écologistes pour les présidentielles françaises de 2017 défrayent la chronique politique et médiatique. Toute la journée du dimanche, l’attention était focalisée sur le taux de participation; il y va de la légitimité de cette nouvelle pratique politique. Maintenant on connaît les deux élus qui s’affronteront au deuxième tour, Benoît Hamon et Manuel Valls. C’est dire que le marathon médiatique qui accompagne ces primaires, a encore de beaux jours devant lui!

Entre-temps, on a le droit de s’interroger avant que cette mode ne soit importée  chez nous : s’agit-il d’un nouveau pas vers la consolidation de la participation des citoyens, des militants d’en bas, au processus de prise de décision ?  Ou est-ce l’aveu d’un échec, la reconnaissance de la crise profonde, à la fois du système de représentation classique et du mode de fonctionnement des partis ? La formule de toutes les façons a le vent en poupe.

Introduite en France avec les socialistes en 20011, elle a été adoptée par la droite en 2016 et qui a donné François Fillon élu surprise pour l’ultime scrutin. Une première qui avait mobilisé plus de quatre millions de votants confortant son succès populaire. Un succès qui installe désormais les primaires comme nouveau dispositif central d’un système politique qui commençait à montrer des signes d’essoufflement, illustré par l’abstention croissante. Cela reste au niveau de l’image et des bulles envoyés par les conseillers en communication. Qu’en est-il en fait de la réalité de la pratique, et qu’est-ce que cela cache comme soubassements politiques?

Rappelons que la formule a été importée d’Italie et surtout des Etats-Unis. Dans le pays de l’Oncle Sam, les primaires sont considérées comme le socle de la démocratie dans une configuration originale, compliquée pour les non natifs ; elles donnent lieu à un folklore qui s’étale sur des mois.

Le recours aux primaires est un symptôme révélateur d’un malaise. Il est avéré que les primaires sont adoptées pour répondre à la crise de leadership qui caractérise le champ politique. Les partis ne produisent plus de leaders charismatiques dotés d’une stature nationale et historique. On prête à Mitterrand, maître en cynisme politique, cette citation : «après Jacques Chirac tout le monde peut être président de la république». Les faits lui ont donné largement raison. La voie est libre où se bousculent les prétendants qu’aucune différenciation ne permet de distinguer. Le politologue Rémi Lefebvre rappelle dans ce sens : «les primaires constituent bien davantage un moyen de régler les problèmes des partis que d’une affaire démocratique». Présentées comme une avancée démocratique, les primaires ne sont là que pour mettre de l’ordre dans la guerre des chefs.  En somme, une affaire d’élites. Rémi Lefebvre note encore : «les primaires sont une stratégie de survie et de «re» légitimation».

En outre, il me semble que le principal bénéficiaire de cet exercice ne sont autres que la sphère médiatique, notamment la télévision qui en est le maître d’œuvre ainsi que les réseaux sociaux numériques ; ils ont là de quoi alimenter le flux permanent des images se bousculant les unes après les autres, créant un buzz qui neutralise dans l’œuf toute velléité de distanciation et d’esprit critique.

Je comprends alors que le principal concerné, l’actuel président de la république, a choisi d’aller dans une salle de spectacle au lieu de suivre le show des primaires. Sauf qu’à sa place je n’aurais pas choisi Michel Drucker mais un vieux western style Règlement de compte à OK Corral….

Mohammed Bakrim

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