Benabdallah: se mettre d’accord sur un socle commun d’un projet politique unifiant les forces de gauche»

Conférence-débat sur l’avenir de la gauche

Khaled Darfaf

Une alliance des forces de gauche est une option tout-à fait  possible voire réalisable, ont souligné les participants à la conférence-débat, organisée vendredi 23 décembre, au Centre Links situé  à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales (FSJES) à Casablanca.

Placée sous le thème : «Quel avenir pour la gauche au Maroc ?», cette rencontre a vu la participation de Mohamed Nabil Benabdallah, Secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), Nabila  Mounib, Secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU), Brahim Rachidi, membre du bureau politique de l’Union socialiste  des forces populaires (USFP) et Ali Bouabid, directeur de la Fondation Abderrahim Bouabid. La modération a été assurée par Rachid Moktadir, professeur universitaire et directeur du Laboratoire de recherche Laredcospos.

Nabil Benabdallah : «S’orienter davantage vers l’avenir»

Prenant la parole, Nabil Benabdallah a mis, avant tout,  l’accent sur les conditions objectives permettant l’émergence d’un pôle de gauche, influent et capable de créer une dynamique au sein au sein du champ politique national. Pour ce faire, le leader du Parti du Livre a appelé à une lecture positive de l’histoire, qui s’inscrit en faux contre toute approche égocentrique.

L’objectif escompté consiste à en tirer les leçons qui s’imposent afin de s’orienter vers l’avenir, a-t-il indiqué.  En termes plus clairs. «Ce qui est passé est passé et personne ne peut se targuer de détenir la plénitude de la vérité  de ses choix politiques», a-t-il clarifié.

Il va sans dire, a-t-il insisté, que l’édification d’un projet de gauche passe par l’adoption d’un comportement de modestie qui s’inscrit aux antipodes de toute attitude mégalomane.  Et de poursuivre, « notre devoir consiste à réfléchir sur les modalités et la nature de notre projet politique. Il s’agit d’un projet qui devrait être audacieux,  ambitieux,  mobilisateur, reflétant la diversité des forces de la gauche et adapté à la réalité du pays. » Autant dire que  ce projet de gauche doit  être l’œuvre d’une clarification et d’un processus  interactif ouvert sur les citoyens qui sont  acquis aux idéaux de la gauche.

Théoriquement, il ne serait point difficile  de se mettre d’accord sur un socle commun d’un projet politique unifiant les forces de gauche, devant aboutir  à l’Etat national démocratique, qui est toujours un slogan d’actualité, a-t-il martelé.

D’ailleurs, le combat pour la démocratie, la mise en œuvre des dispositions de la Constitution et la lutte pour  l’édification de la société des libertés sont de véritables référentiels idéologiques, voire  des principes unificateurs de la gauche marocaine, a-t-il clarifié.

Pour le dirigeant du PPS, force est de constater que gouvernement actuel qui  s’est approprié le discours de la gauche, en prétendant arborer le slogan de l’Etat social,  a failli sur toute la ligne de la démocratie. En termes plus clairs, la démocratie, la défense des libertés, les réformes politiques sont absentes de l’agenda gouvernemental. Qui plus est, le malheur consiste aujourd’hui qu’on vit une certaine dévitalisation de la société marocaine et une régression flagrante de la société civile.

Le Secrétaire général du PPS a relevé aussi les faiblesses de l’économie nationale, tout en appelant à la lutte contre la rente et  l’édification d’un champ économique fort où le secteur privé a un rôle à jouer et ce conformément aux valeurs de la transparence et la règle de droit…

Toujours, selon le leader du PPS, cette force de gauche ne pourrait prendre une contenance, sans pouvoir unifier ses revendications tout en œuvrant à s’allier à un mouvement élargi des citoyens, comme c’est le cas dans plusieurs Etats du monde. Il faut dire, selon le responsable du PPS,  que le dépassement de la crise de la gauche ne peut se faire sans un débat intellectuel et politique devant élaborer un mode opératoire efficace, basé sur ce qu’il a désigné de l’action militante électorale et institutionnelle et ce loin de tout discours byzantin . A cela s’ajoute également  le développement des outils d’encadrement des masses populaires en se basant sur une approche d’écoute afin de créer un nouvel élan politique en harmonie avec l’institution monarchique qui a un rôle pivot dans le champ politique national.

Nabila Mounib : «Pour une autocritique objective»

De son côté, Nabila Mounib, s’est attelée dans son intervention sur les contraintes qui entravent les forces de gauches. Des contraintes qui sont d’abord d’ordre exogènes et qui sont dues à la domination de la pensée unilatéraliste et de l’idéologie financière défendue acharnement par les néoconservateurs. En plus de cela, a-t-elle poursuivi, le consensus de Washington a contribué amplement au recul de l’Etat face à un pouvoir supranational et l’amplification des inégalités, de la pauvreté et des catastrophes environnementales. D’où la question sur la souveraineté économique des Etats dans un ordre mondial déséquilibrée, s’est-elle interrogée.

S’agissant du cas du Maroc, la conférencière a indiqué que le pays, depuis l’indépendance, a pratiqué une «démocratie de façade», conjuguée à une «technocratisation» de l’action politique. Il faut dire, selon l’intervenante, que la crise de la gauche est due également à des facteurs endogènes. Une gauche de plus en plus balkanisée.

En procédant à une classification, la Secrétaire générale du PSU a fait distinction entre trois types de gauche. D’abord, il y a la gauche radicale qui, soit disant,  rejette catégoriquement les règles du jeu politique. A cela s’ajoute une gauche qui a décidé de participer au jeu politique qui a été couronné par l’alternance politique ou ce quelle  a désigné de «gauche makhzénisé» et vient par la suite une gauche qui a préféré de rester hors du jeu politique en se souciant plus du «regroupement numérique», et ce loin de toute planification stratégique, a-t-elle poursuivi.

Pour la dirigeante du PSU, la raison recommande d’emblée de faire preuve d’abnégation et d’éthique et  s’adonner à une autocritique objective. Il s’agit d’une condition sine qua pour que les partis de gauche puissent renforcer leurs structures afin de créer une contre-force instaurer le changement démocratique.

Brahim Rachidi : «s’écarter des visions manichéennes»

Pour Brahim Rachidi, «la crise de la gauche trouve son origine dans la gauche elle-même». «ne gauche qui demeure marquée par la défiance et  vit dans la déperdition et l’angoisse»-a-t-il déclaré avec insistance.  Il s’agit bel et bien d’une gauche faible aussi bien au niveau qualitatif que quantitatif. En termes plus clairs, l’absence de la démocratie interne et la culture de l’exclusion, le non-respect de l’opinion des autres ont concouru à la faiblesse des partis de la gauche, a-t-il avancé.  Cette faiblesse est due également à l’impact de l’environnement international, a-t-il ajouté.

Cependant, selon le militant de l’USFP, ceux qui croient que la gauche est morte ont tort. Le professeur universitaire a mis dans ce sens l’accent sur les déficiences du dernier processus électoral où on a assisté à une utilisation massive de l’agent et la neutralité négative des autorités, sans omettre les attaques violentes dont ont fait l’objet les partis de gauche. Ainsi, il a appelé toutes les forces de gauche de faire montre d’une autocritique constructive  et de mettre de côté leurs différences tout en s’écartant des visions manichéennes.

Ali Bouabid : «La droite œuvrait à dépolitiser les enjeux politiques»

Par ailleurs, Ali Bouabid s’est penché dans son intervention sur les défaillances du champ politique marocain,  ponctué par une crise d’identification politique et l’effacement du clivage gauche/droite. Pour lui, le vrai clivage, c’est entre les partisans et les non partisans.

Aujourd’hui, il y a une confusion généralisé dans les slogans, d’où l’importance d’interroger les trajectoires des acteurs politiques. Le paradoxe, a-t-il ironisé, c’est qu’on assiste à plusieurs rencontre sur la gauche alors qu’on  on a jamais assisté à une conférence sur le devenir de la droite, a fait remarquer.

Pour lui, que l’on on parle d’une appartenance ou d’une identification à un courant ou à une sensibilité politique, on le fait de deux manière.  «On le fait soit  en regard à un référentiel ou dans le cadre d’un positionnement politique», a-t-il précisé.

Or, Il est manifeste que ce que l’on dénomme «la droite au Maroc» et ce  dans toute sa diversité, a souvent tissé un rapport de peur ou de  frilosité avec la politique. Dans les années 60, 70 et 80, l’action politique avait une connotation péjorative et la politique était synonyme de prise des risques. Le deuxième trait dominant consiste dans le fait que « faire de la politique était pareille à une affaire d’opportunité individuelle  et non pas une question de conviction, dans le dessein de se mettre au service d’un internet général », a expliqué le conférencier.

D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle que les partis dits de droite étaient des cases vides ou des partis sans militants. Autre caractéristique de la droite au Maroc c’est qu’elle œuvrait à dépolitiser les enjeux politiques. «Etre de droite au Maroc c’est être historiquement dans la sous-traitance politique», a-t-il noté en substance.

Autre point non moins important souligné par le conférencier, celui que les marqueurs politiques de la droite au Maroc n’ont pas grand-chose à voir avec les marqueurs politiques de la  droite conservatrice et libérale que l’on retrouve dans les pays développés. «Il est assez paradoxal de voir au Maroc vanter les mérites d’un libéralisme économique mais le  libéralisme politique qui est la quintessence de la pensée de droite n’a jamais été porté par la droite partisane», dixit-il.  Le libéralisme politique au Maroc a été souvent défendu  par la gauche. En fait, «Le drame de notre pays c’est que nous n’avons aucune droite libérale », a-t-il regretté.

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