Les tractations commerciales entre Londres et Bruxelles se poursuivaient jeudi matin après une nuit de pourparlers, retardant l’annonce d’un accord post-Brexit historique à la veille de Noël et à une semaine du divorce définitif entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
La présidente de la Commission Ursula von der Leyen devait initialement s’entretenir en début de matinée avec le Premier ministre britannique Boris Johnson pour sceller un compromis, qui aurait été annoncé dans la foulée. Mais cet échange n’a pas été confirmé. »Ca bagarre sur les chiffres (de la pêche). Et ça, c’est mauvais signe », a expliqué une source européenne. « Les négociations ne sont pas encore finies », a prévenu une deuxième source européenne, qui estime cependant que « le dénouement ne devrait pas trop tarder ».
L’aboutissement de ces laborieuses discussions, débutées en mars, permettrait aux deux parties de s’épargner un « no deal » aussi embarrassant sur le plan politique que dommageable au niveau économique.S’il est confirmé, un compromis entre la Commission européenne et le Royaume-Uni devra encore être validé par les Etats membres, un processus qui devrait prendre plusieurs jours.
Il reste en théorie suffisamment de temps pour qu’un éventuel traité entre en application provisoire le 1er janvier, quand le Royaume-Uni, qui a officiellement quitté l’UE le 31 janvier dernier, aura définitivement abandonné le marché unique.Le texte, de près de 2.000 pages, serait alors validé a posteriori par le Parlement européen.Sans accord, les échanges entre l’UE et Londres seraient régis par les seules règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane, de quotas, ainsi que de formalités administratives susceptibles d’entraîner des embouteillages monstres et des retards de livraison.
Un scénario noir pour le Royaume-Uni, déjà malmené par une variante plus virulente du coronavirus qui l’a isolé du reste du monde.
Les négociations sont depuis lundi entre les mains de la présidente Ursula von der Leyen et de Boris Johnson, qui ont échangé à plusieurs reprises pour tenter de surmonter l’impasse sur la pêche.
Malgré son faible poids économique, le secteur revêt une importance politique et sociale pour plusieurs Etat membres, dont la France, les Pays-Bas, le Danemark ou l’Irlande. Mais les Britanniques veulent reprendre le contrôle de leurs eaux et en ont fait le symbole de leur souveraineté retrouvée après le divorce.
Les tractations se concentrent sur le partage des quelque 650 millions d’euros de produits pêchés chaque année par l’UE dans les eaux britanniques et la durée de la période d’adaptation pour les pêcheurs européens.
Les autres sujets jusque là problématiques –la manière de régler les différends et les mesures de protection contre toute concurrence déloyale– ont pour leur part été réglés ces tout derniers jours.
La conclusion d’un texte en à peine dix mois –quatre ans et demi après le référendum de juin 2016 sur le Brexit– constituerait une prouesse pour Londres et Bruxelles, surtout pour un accord de cette envergure qui prend en général des années.
Deux ans et demi avaient été nécessaires pour négocier le traité de retrait scellant le départ britannique, conclu fin 2019, un texte qui apporte une sécurité juridique aux expatriés des deux côtés de la Manche et fournit des garanties pour le maintien de la paix sur l’île d’Irlande.
Avec cet accord, négocié par Michel Barnier côté européen et David Frost côté britannique, l’UE offrirait à son ancien Etat membre un accès inédit sans droit de douane ni quota à son immense marché de 450 millions de consommateurs.Mais cette ouverture sera assortie de strictes conditions: les entreprises d’outre-Manche devront respecter un certain nombre de règles évolutives au fil du temps en matière d’environnement, de droit du travail et de fiscalité pour éviter tout dumping. Des garanties devraient aussi exister en matière d’aides d’Etat.
Un mécanisme devrait permettre aux deux parties d’activer rapidement des contre-mesures, comme des droits de douane, en cas de divergences sur ces normes.En cas de « no deal », le Royaume-Uni perdrait beaucoup plus que l’Europe: les Britanniques exportent 47% de leurs produits vers le continent, quand l’UE n’écoule que 8% de ses marchandises de l’autre côté de la Manche.
AFP