Capture 14: Israre, le gamin à la lampe à pétrole

Arrêt sur image

Par Driss Makkoudi

Dans le silence lourd de la nuit, seul le crépitement de la lampe à pétrole brise l’immobilité. L’odeur de l’huile brûlante flotte dans l’air tandis que la chaleur de la flamme réchauffe son visage. Mais la lumière, aussi fragile soit-elle, éclaire son regard déterminé. Israre, le gamin de la campagne, fait ses devoirs, seul dans cette pièce plongée dans l’obscurité. Ses mains, un peu tremblantes sous l’effet de la lumière vacillante, s’accrochent à chaque mot écrit, chaque calcul posé sur le papier. Dans cette pièce où l’ombre semble peser comme un fardeau, il y a cette lueur, cette flamme fragile mais tenace, qui n’est pas seulement celle de la lampe. C’est celle de l’espoir.

Cette lumière incarne l’espoir d’un avenir meilleur, d’un chemin à parcourir malgré la pauvreté qui l’entoure. Ses rêves ne sont pas simplement des échappatoires ; ce sont des promesses qu’il se fait à lui-même. Car il sait que l’éducation est la clé, le seul chemin vers une vie meilleure. Cette lumière vacillante qui brille devant lui n’est pas simplement celle du pétrole dans la lampe, mais celle de la connaissance, un savoir qu’il est déterminé à acquérir.

Là, dans l’obscurité, il médite sans le savoir sur une idée que les philosophes ont longuement explorée, comme dans la caverne de Platon, ces hommes (adultes) enchaînés dans l’obscurité, ne voyant que des ombres projetées sur les murs. Mais un gamin comme Israre, celui qui s’échappe, trouve la lumière. C’est un voyage difficile, mais essentiel. Pour Israre, l’éducation est cette lumière. Même quand la lampe à pétrole semble prête à s’éteindre, il sait qu’il porte en lui une flamme que personne ne peut éteindre. Cette flamme, c’est son désir de savoir, de comprendre, d’apprendre.

Dans l’obscurité de son humble demeure, il vit une vérité universelle : « Le savoir est lumière. » La lumière de la lampe, aussi vacillante soit-elle, n’est rien comparée à celle du savoir, car celui-ci éclaire même l’âme la plus perdue. L’Énéide de Virgile raconte comment Énée, guidé par un dessein divin, surmonte les épreuves pour fonder une nouvelle ville, Rome. L’épreuve, la souffrance, la nuit de l’âme, ne sont que des étapes dans la quête vers une réalisation plus grande.

Israre est aussi le porteur de l’espoir. Un espoir qui n’est pas naïf, mais nourri par une détermination féroce. Dans les moments d’incertitude, l’espoir devient un acte de foi. Il se souvient peut-être des paroles de Nelson Mandela, qui disait : « Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce que ce soit fait. » La pauvreté, les murs froids et décrépis de sa maison, la solitude, tout cela ne le fait pas fléchir.

L’espoir est ce qui a permis à de nombreux grands hommes de se redresser. Thomas Edison, par exemple, fut rejeté de l’école à cause de son manque de capacités et échoua mille fois avant d’inventer l’ampoule électrique qui continue d’éclairer ceux qui ont réussi. Chaque échec ne l’a pas abattu, mais l’a rapproché un peu plus de la réussite…. la vraie! Tout comme Israre, qui, malgré ses propres obstacles, continue de croire qu’il finira par trouver la clé de son avenir.

Israre incarne aussi une sagesse ancienne, celle des grandes traditions de résilience face à l’adversité. Il enseigne que la souffrance fait partie de la vie, mais elle ne doit pas dominer l’esprit. « Ce n’est pas que nous ayons trop peu de temps, mais que nous en perdons trop. » Le gamin, dans sa lumière ténue, est loin de perdre son temps. Chaque minute qu’il passe à étudier est un acte de rébellion contre les circonstances de sa naissance, un acte de résistance contre la fatalité. Il sait que la souffrance, loin de l’abattre, le forge.

Victor Hugo, qui a vécu dans la misère pendant de longues années, est également une source d’inspiration. En exil, et à l’écart, Hugo écrivait ses plus grandes œuvres. Il avait compris que le savoir, l’engagement, et la conviction profonde qu’il pouvait changer les choses étaient des armes puissantes contre la pauvreté et l’isolement.

Mais Israre, dans sa naïveté courageuse, croit aussi à une forme de légende. Il a la conviction que, comme dans les contes de son enfance, il sera un jour sauvé de sa misère, non par la chance, mais par sa propre force. C’est un principe ancré dans la littérature épique, celui du héros qui, face aux pires adversités, trouve en lui-même la force de transcender son sort. Le gamin de la campagne, Israre ne sait peut-être pas encore que la légende qu’il attend est déjà en train de s’écrire à travers lui, que chaque mot qu’il apprend est une page ajoutée à cette épopée personnelle.

Pour ce gamin, la lumière de la lampe à pétrole n’est pas seulement une lumière physique; elle est le symbole d’un voyage, celui de l’homme qui se dépasse, qui lutte, qui ne se résigne pas, convaincu que chaque souffrance le rapproche d’un but supérieur.

Pour Israre, la vision est claire: « Un enfant, un professeur, un livre et un stylo peuvent changer le monde. » Cette conviction, que l’éducation peut être un salut légendaire, rappelle la croyance du gamin que son salut viendra par la lumière de son savoir, malgré la pauvreté et l’obscurité de son environnement.

La lumière de la lampe peut vaciller, l’obscurité peut envahir la pièce, mais la flamme qui brûle en Israre reste inaltérable. Elle ne dépend ni du vent, ni de la lampe ; elle est en lui, dans son désir ardent de savoir, dans sa conviction que l’éducation est la clé. Une lumière qui, avec chaque livre ouvert, éclaire non seulement son avenir, mais le monde entier.

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