Colombie : Attaque contre l’hélicoptère présidentiel

Attendons pour voir…

« C’est un lâche attentat, on voit les impacts de balle » a déclaré, ce vendredi, dans un communiqué, le président colombien Ivan Duque après que l’hélicoptère à bord duquel il se trouvait en compagnie de ses ministres de l’Intérieur et de la Défense et du gouverneur du département Norte de Santander et qui avait décollé du village de Santander pour se diriger vers la ville de Cucuta, ait été la cible de tirs nourris près de la frontière vénézuélienne.

C’est en survolant cette région de grande insécurité qui constitue la plus importante route de contrebande vers le Venezuela et les Caraïbes et le lieu où s’affrontent, sans répit, l’Armée de libération nationale (ELN), les « Pelusos » qui sont des vestiges d’une insurrection maoïste démobilisée, des dissidents des anciennes Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) et où les forces gouvernementales sont régulièrement aux prises avec des gangs de trafiquants de drogue et des guérilleros qui se disputent le contrôle des 41.000 hectares de plantations de feuilles de coca, que l’appareil présidentiel a été visé.

Rendant grâce à son service de sécurité et à la solidité de l’hélicoptère qui est parvenu à atterrir sans encombre malgré plusieurs impacts de balle sur sa queue et son rotor principal, le président colombien a tenu à préciser que son pays « est assez fort pour affronter ce genre de menace ».

Pour rappel, après l’attentat à la voiture piégée qui, en 2019, avait visé l’école de police de  Bogota et fait 22 morts malgré la signature, par le gouvernement colombien, d’un accord de paix avec les FARC en 2016 à Cuba, Ivan Duque avait mis un terme au processus de paix engagé et rompu les négociations que son prédécesseur, Juan Manuel Santos, avait entamé avec l’ELN (Ejercito de Liberacion – Armée de libération nationale).

Le gouvernement des Etats-Unis et la délégation de l’Union européenne en Colombie ont condamné « énergiquement » la « lâche attaque » qui a visé, ce vendredi, l’hélicoptère du président colombien et qui constitue le premier attentat visant un chef d’Etat colombien depuis qu’en Février 2003, une bombe de forte puissance avait explosé dans une maison située prés de l’aéroport de Neiva, au sud-ouest du pays, quelques instants à peine avant l’atterrissage de l’avion du président colombien d’alors, Alvaro Uribe, et fait 15 morts et 66 blessés.

Mais l’attaque perpétrée ce vendredi contre l’hélicoptère présidentiel ne peut pas être considérée comme étant un « acte isolé » dès lors que, depuis l’arrivée d’Ivan Duque à la tête du pays en 2018 et le désarmement des FARC, la Colombie est confrontée à la pire vague de violence de son histoire  – une violence liée notamment aux rivalités pour le contrôle du trafic de drogue et de l’extraction minière illégale – et son président confronté, depuis avril dernier à une crise sociale sans précédent.

La Colombie est, en effet, à feu et à sang depuis le 28 Avril dernier lorsque les colombiens s’étaient soulevés contre un projet de réforme fiscale qui visait à augmenter la TVA et à élargir la base de l’impôt sur le revenu ; une contestation qui n’a pas faibli même quand le gouvernement d’Ivan Duque s’est rétracté et a abandonné son idée puisque des colombiens tombent chaque jour lors des manifestations qui secouent le pays.

Pour  faire taire la profonde colère populaire qui secoue le pays, le président avait ordonné au début du mois, le déploiement de l’armée dans les rues de Cali, une ville de plus de 2 millions d’habitants considérée comme étant l’épicentre de la manifestation mais cette erreur manifeste a été fatale puisqu’elle s’est traduite par la mort d’au moins dix personnes chaque jour.

Aussi, le pape François a exhorté les forces de l’ordre de Colombie à « éviter, pour des motifs humanitaires, les comportements nuisibles à la population dans l’exercice de son droit à manifester pacifiquement » et l’épiscopat colombien a lancé un appel « au dialogue et à la concertation ».

Est-il permis de croire que le dialogue et la concertation que plusieurs observateurs appellent de tous leurs vœux vont finir par prendre le dessus à plus ou moins brève échéance ? Aucune certitude tant la situation est compliquée et les protagonistes nombreux mais attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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