Colombie: Ivan Duque fait face à la colère de la rue…

Dénonçant les mesures économiques, sociales et sécuritaires prises par le gouvernement de droite du président Ivan Duque impopulaire après plus de quinze mois passés à la tête de l’Etat, des centaines de milliers de colombiens – travailleurs, étudiants, indigènes ou faisant partie des partis d’opposition et des organisations de défense de l’environnement – ont manifesté ce jeudi, à travers tout le pays à l’appel des syndicats des travailleurs et ce, en tapant dans des casseroles improvisant, pour la première fois en Colombie, ces «cacerolazis» (concerts de casseroles) très courants dans d’autres pays d’Amérique latine afin de dénoncer les velléités du gouvernement de «flexibiliser le marché du travail, d’affaiblir le fonds public des retraites en faveur d’entités privées et de reculer l’âge de la retraite».

Parmi les manifestants, se trouvent également des étudiants qui demandent que l’enseignement public soit doté de moyens conséquents et des indigènes qui réclament de réelles mesures de protection après l’assassinat de 134 d’entre eux depuis la venue au pouvoir, en Août 2018, d’Ivan Duque qui a focalisé sa politique de sécurité sur la lutte anti-drogue.

Répondant aux troubles ayant touché les quartiers populaires de la capitale Bogota, métropole de 7 millions d’habitants, le maire Enrique Penalosa a décrété le couvre-feu jusqu’à samedi à 6 h du matin alors que le pays n’a pas connu une telle situation depuis 1977.

Plus tôt dans la soirée, le chef de l’Etat a déclaré, sur les ondes de la télévision nationale «Aujourd’hui, les Colombiens ont parlé. Nous les entendons. Le dialogue social a été la bannière principale de ce gouvernement. Nous devons l’approfondir avec tous les secteurs de cette société (…) Nous allons lancer, à partir de la semaine prochaine (…) une conversation nationale qui renforcera l’actuel agenda de politique sociale (…) avec une vision à moyen et long terme qui permettra de combler les écarts sociaux».

Mais s’il est certes vrai qu’il a entendu les manifestants puisqu’il est indéniable qu’ils ont fait beaucoup de bruit avec leurs casseroles, il n’en demeure pas moins vrai qu’il n’a pas réellement répondu à leur requête de dialogue direct. Restant même persuadé du fait que la carotte qu’il a offerte au peuple colombien ne fera pas fléchir ce dernier, Ivan Duque a dû, comme à son accoutumée, brandir le bâton dont il ne s’est jamais départi et sans lequel il n’est jamais parvenu à exercer le pouvoir en annonçant que, pour «renforcer la présence de la force publique», il a ordonné «le déploiement de patrouilles mixtes de la police et de l’armée dans les lieux les plus critiques».

Or, si les autorités avaient d’abord fait état vendredi d’un retour au calme sur l’ensemble du pays, il est à signaler, toutefois, que  près d’une cinquantaine de colombiens ont protesté, à l’aide de casseroles, devant le domicile du chef de l’Etat avant de quitter les lieux, dans le calme, après le début du couvre-feu. Quelques trois cents autres manifestants massés sur la principale autoroute traversant la capitale pour un nouveau «concert de casseroles» ont été dispersés par la police anti-émeute à coup de grenades assourdissantes et de bombes lacrymogènes et des incidents ont même opposé des manifestants aux forces de l’ordre aux abords des stations de transport urbain fermées suite aux actes de vandalisme dont elles furent l’objet la veille; ce qui a contraint des entreprises, des commerces et des établissements d’enseignement à fermer leurs portes très tôt dans la journée.

Selon un bilan officiel, trois personnes sont mortes durant ces manifestations, 98 ont été arrêtées (230 selon d’autres sources) alors que les blessés se chiffrent à 122 du coté des protestataires et à 151 du côté des membres des forces de l’ordre.

Enfin, à en croire le politologue Yann Basset de l’Université du Rosario à Bogota, s’il veut calmer l’ardeur de la rue et «amplifier la base de son gouvernement», Ivan Duque «va devoir ouvrir plusieurs fronts de dialogue avec les organisations sociales et les partis politiques». Le fera-t-il ? Rien ne l’indique pour l’heure alors attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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