Abdelouahed Souhail appelle les forces de gauche à adopter une approche autocritique»
L’action politique a-t-elle encore un sens au Maroc ? Peut-on réconcilier les citoyens avec une vie politique où les acteurs sont acculés à jouer un rôle de figurant ? La démocratie au Maroc est-elle un projet pérenne ou seulement un subterfuge pour gérer la relation entre l’Etat et la société? Voilà grosso modo quelques questions sur lesquelles se sont penchés les représentants des partis de la gauche marocaine présents à la conférence-débat, organisée par le Collectif Démocratie et Libertés, jeudi 22 février, à Casablanca.
Les intervenants étaient unanimes pour diagnostiquer un malaise de la démocratie marocaine. Ils pointent du doigt une communication monocanale ou ce qu’ils l’ont qualifié par un Etat autiste à l’ensemble des revendications de la population, une décrédibilisation des structures partisanes et un grand désintéressement à la politique dû à un discours pessimiste sur l’utilité de la politique et qui fait aujourd’hui florès.
Cependant, Abdelouahed Souhail, membre du BP du Parti du progrès et du socialisme (PPS), relativise et estime que les thèses prêchant la fin de la politique sont infondées, car la politique se définit en termes de résolution des problèmes de la chose publique, relavant primordialement de l’espace de la Cité, et la fin de la politique, serait synonyme de la fin du «Vivre ensemble».
Pour le militant du Parti du Livre, la question devrait, en effet, être située sur un autre plan : celui de la manière avec laquelle s’exerce la politique au Maroc au lieu de se verser dans des approches sceptiques. D’ailleurs, c’était la question qui taraudait souvent les militants progressistes depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, a-t-il précisé. Abondant dans le même ordre d’idées, l’ancien ministre a expliqué qu’à chaque rendez-vous électoral, on assiste à l’apparition de nouveaux partis politiques, nés dans le giron du pouvoir, dont la mission consiste à fausser le jeu politique et les élections, en recourant à tous les types de fraude possible. Aujourd’hui, c’est presque la même logique qui domine où la politique s’exerce par l’assujettissement des acteurs politiques et la manipulation des médias publics, a-t-il laissé entendre.
En termes plus clairs, au moment où la société marocaine connait des mutations lentes mais importantes, on enregistre un retour inquiétant vers une culture ancestrale, a-t-il fait observer. Ce qui a obligé plusieurs militants de gauche à déserter le champ politique et se convertir de plus en plus dans l’espace associatif. Devant une telle situation, les partis de gauche trouvent beaucoup de difficultés à faire leur travail et encadrer convenablement leurs citoyens. Abdelouahed Souhail a ainsi invité les partis de gauche de se conformer au devoir de l’autocritique et qui devrait être une priorité de leur agenda pour qu’ils puissent aller de l’avant.
Renforcement des valeurs démocratiques
En sus de cela, le membre du BP du PPS a insisté sur le renforcement les valeurs démocratiques dans un système où les citoyens ont la latitude d’élire librement des représentants dotés de la légitimité démocratique.
Pour le militant progressiste, il est tout-à-fait normal que les citoyens tournent le dos aux urnes, vu la consécration d’un discours arguant que les formations politiques ne sert à rien étant donné que les véritables décisions se prennent ailleurs.
Le conférencier a évoqué, en outre, la pratique politique actuelle qui s’inscrit aux antipodes du contenu et de l’esprit de la Constitution, 2011.
Sur un autre registre, Abdelouahed Souhail s’est attelé dans son intervention sur la gestion réelle des villes où les walis et les gouverneurs sont les véritables détenteurs du pouvoir. Cela étant, le Chef du gouvernement qui s’est départi de ses responsabilités constitutionnelles, ne dispose d’aucune autorité sur eux, a-t-il noté en substance. Pour pallier à ce déficit, le Chef du gouvernement et l’institution parlementaire, en procédant par une intelligence collective, doivent assumer pleinement leurs attributions constitutionnelles et ce en interagissant avec les autres acteurs du champ politique tout en donnant suite aux revendications des citoyens. Malheureusement, a ajouté l’interlocuteur, ce qui marque principalement la scène politique, c’est l’absence d’un débat profond, courageux et objectif sur les problèmes qui se pose avec acuité. En termes plus clairs, le militant du PPS, a mis l’accent sur l’absence d’un grand débat sur les choix économique et la manière avec laquelle ces choix sont élaborés. Pour ceux qui parlent de l’échec du modèle économique actuel, l’économiste du PPS a expliqué que ce modèle n’a jamais existé ou plutôt n’a existé qu’à travers une économie de rente. Pour conclure, Abdelouahed Souhail a appelé à la mise en place de politiques publiques où tous les acteurs sont invités à assumer leur rôle et que le pouvoir inscrive son action dans le temps.
Khalid Darfaf
Ils ont dit
Nabil Mouline, Politologue : «On est face à deux systèmes»
On peut qualifier le système politique marocain d’autoritarisme électoral. Cela signifie que les élections sont considérées comme un levier de légitimité de la monarchie ou plutôt comme une vague de compression autoritaire. Le processus politique au Maroc est un jeu de lutte bien déterminé pour le contrôle des ressources économiques, politiques et aussi symboliques. Ainsi, on est face à deux systèmes, un système makhzanien se situe au-dessus du système politique et auquel il fait appel au moment de crise.
Omar Belafrej, PSU : «La démocratie, voie incontournable pour le développement»
Le Maroc n’est pas encore entré dans l’ère de la démocratie. La seule et unique voie pour lier la démocratie à un régime monarchique passe par l’instauration d’une monarchie parlementaire. D’ailleurs, aucun pays dans le monde n’a pas pu se développer sans la mise en place d’une démocratie solide et pérenne.
Ouafa Hajji, USFP : « Les partis politiques ne sont plus maitres de leurs décisions»
Aujourd’hui, les acteurs politiques ne jouent plus leur rôle d’encadrement et n’ont plus le courage de s’exprimer. Il faut dire qu’ils ne sont plus maitres de leurs décisions, en consacrant leurs énergies uniquement au jeu politicien. Autrement dit, c’est la politique politicienne qui domine le champ politique. On a l’impression que les partis politiques sont confrontés à une destruction systématique. Cette destruction doit cesser, en laissant la classe politique se reconstruire. De leurs côtés, les partis de la gauche afin de gagner la confiance des citoyens se tenus de clarifier leurs référentiels…