Le monde arabe dans l’orientalisme artistique
Par Abdallah Cheikh
Malgré les thèses critiques, portées notamment par des penseurs comme Edward Saïd, Malek Alloula, Abdelkebir Khatibi, et Fatema Mernissi, qui ont exposé les arrière-plans idéologiques de l’orientalisme, les débats autour de ce phénomène continuent de captiver les cercles intellectuels et les créateurs, souvent avec émerveillement et fascination, au-delà de toute idéologie. Sommes-nous face à un anti-orientalisme ? Ou bien à une forme d’orientalisme interne ?
Dans une approche anthropologique, l’analyse objective dévoile une cartographie différente de l’orientalisme artistique dans le monde arabe. Cette perspective transcende les jugements préconçus et les biais subjectifs hérités de l’époque coloniale et de ses ambitions impérialistes. Une étude inductive, dépassant la simple documentation descriptive et historique, mène à une conclusion scientifique : l’orientalisme artistique a joué un rôle dans l’émergence des beaux-arts dans le monde arabe, particulièrement dans la peinture, la sculpture, la photographie et l’architecture.
L’impact esthétique et la rupture moderniste
Cet héritage a permis une prise de conscience graduelle des œuvres visuelles aux dimensions ethnographiques et figuratives, dans un contexte où l’art abstrait dominait sous l’influence d’une lecture dogmatique des esthétiques visuelles islamiques. Les œuvres créées avant et après la période coloniale témoignent soit d’une imitation des artistes orientalistes (comme c’est le cas pour les peintres figuratifs et réalistes arabes), soit d’une rupture totale avec cet héritage, adoptée par des artistes modernistes arabes ancrés dans des registres d’expression abstraite.
Une fascination occidentale pour l’exotisme de l’Orient
Les artistes orientalistes ont développé leurs langages créatifs en puisant dans l’exotisme des traditions et des paysages orientaux. L’Orient, selon les orientalistes, est apparu comme une alternative spirituelle à l’impact écrasant de la modernité capitaliste occidentale. Cet exotisme, lié à une quête inconsciente de l’étrange, était parfois empreint de condescendance, mais aussi souvent d’un pur émerveillement.
La diversité des regards sur l’Orient
Chaque artiste orientalisait l’Orient selon son propre style et ses préoccupations : scènes de harem, paysages désertiques, architectures somptueuses, cérémonies religieuses et quotidiennes. Certains se basaient sur des voyages réels, d’autres sur des images stéréotypées et imaginaires. Le corps, en particulier celui des femmes, occupait une place centrale dans ces représentations, souvent idéalisées et empreintes de fantasmes.
Une relecture arabe contemporaine
Au XXᵉ siècle, les artistes arabes se sont éloignés des cadres orientalistes pour interpréter l’Orient avec une sensibilité locale, souvent dans une quête d’indépendance esthétique et culturelle. Ce virage s’est accompagné d’une critique plus radicale de l’orientalisme, désormais perçu comme une extension du colonialisme.
L’orientalisme artistique reste un sujet complexe, oscillant entre fascination esthétique et questionnement critique, laissant derrière lui une empreinte indélébile dans l’histoire des arts plastiques et des cultures visuelles.