Dirham

Le grand argentier du royaume a exprimé sa colère en plein ramadan. Pour le faire sortir de ses gonds, Il a fallu la spéculation sur le dirham juste après l’annonce de sa flexibilité. Malgré toutes les réunions d’information tenues avec des gens de bonne conduite et d’une moralité irréprochable, agissant au sein des banques et des entreprises, l’appât du gain et une méfiance à l’encontre des directives de la Banque Centrale ont été plus fortes que le civisme et la conscience professionnelle.

Le flegmatique Wali de Bank Al Maghrib est allé même jusqu’à manifester son exaspération avec une phrase lourde de sens. «Je ne suis pas content» a-t-il dit. Il a raison de l’être, lui qui connaît bien ses ouailles, il se rend compte que «ses calculs» ont été pris en défaut avec ces «tensions sur les devises dues à une ruée sur les salles de marché par les opérateurs financiers».

Le mécontentement du Wali de Bank Al Maghrib se comprend. Ce tripatouillage sur le dirham risque de faire chuter les réserves en devises de l’Etat beaucoup plus vite que prévu. Les injonctions du Wali de Bank Al Maghrib pour préserver le dirham de la dévaluation vont l’obliger à le soutenir. Il saura comment, mais certainement pas avec des mots. Il pourra compter sur la «ligne de précaution et de liquidité» accordée par le Fonds Monétaire International, instigateur cynique de cette politique de flexibilité de notre monnaie nationale.

Bank Al Maghrib a tellement tout préparé à l’avance, s’assurant de tout maîtriser au sujet de sa décision volontaire d’introduire une flexibilité des changes que cette honorable institution a été choquée par la «ruée sur les salles de marché par les opérateurs financiers». Qu’en sera-t-il si les risques de spéculation sur le dirham se confirment ? Quelles garanties que cela ne se répétera pas ? Le choc ne se limitera pas à provoquer l’ire du Wali de Bank Al Maghrib, somme toute limitée, mais touchera d’une manière frontale le pouvoir d’achat des marocains. La colère de ces derniers sera certainement beaucoup plus grave que l’expression du mécontentement de Monsieur le Wali. Le système bancaire jugé «résilient et capable d’accompagner cette opération» ne semble pas avoir été acquis à l’entreprise de flexibilité du dirham.

Il serait intéressant que le Wali de BAM, après qu’il retrouve sa bonne humeur, communique sur le montant, la nature des spéculations entreprises, les couvertures ayant servi à ce dessein et la part des réserves en devises qui a été ainsi subtilisée ? Mais pour quelle raison Bank Al Maghrib va-t-elle garder des réserves importantes en devises ? Elle n’en aura plus besoin puisque c’est le réajustement de la monnaie nationale qui servira de pare-choc aux variations de l’offre et de la demande ! Alors, que les riches en profitent !

Cette affaire de la flexibilité de change est menée pour les autres et non pour faire bénéficier l’ensemble du peuple marocain d’une probable croissance économique. Parrainée par le FMI, elle est le fait de Bank Al Maghrib, responsable de la politique monétaire, et ne s’intègre pas dans le cadre des mesures générales prises par le gouvernement pour consolider l’économie nationale. Aucune allusion à cet aspect de la politique monétaire et de ses conséquences ne figure dans le programme du gouvernement.

Il a fallu la pression des publications dans les réseaux sociaux pour que le Ministre de l’Economie et des Finances apparaisse dans une vidéo (et non sur les chaînes audiovisuelles nationales) pour répéter les mêmes litanies précédentes avec une antienne «Cela sera pire si l’on n’entreprend pas maintenant ce qui a été décidé». Motus et bouche cousue sur «ces tensions sur les devises dues à une ruée sur les salles de marché par les opérateurs financiers». Une conférence de presse conjointe avec le Wali de BAM est annoncée (?) sans aucune date précise.

Le gouvernement garde à ce sujet un mutisme complice et de mauvais augures. Il ne se prononce aucunement et ne prend aucune initiative pour garantir la stabilité du pouvoir d’achat des marocains, à défaut de l’améliorer. La détermination d’un nouvel indice du coût de la vie à même de refléter convenablement l’écart inflationniste et l’indexation des pensions et des salaires sur les prix sont deux mesures, entre autres, qui peuvent encadrer les conséquences de cette instigation du Fonds Monétaire International dans une conjoncture économique nationale qui reste à consolider et une situation sociale sous tension et dont il faudrait assurer la sérénité et la quiétude.

Le principal objectif de la politique monétaire doit être de stimuler la croissance économique et l’emploi et non de garantir, par la sueur du labeur des Marocains, l’exploitation des richesses nationales par les capitaux étrangers, sans aucune amélioration des conditions de leur vie. Déjà que la libéralisation des prix des carburants a montré que si bienfaits il y a, ce ne sont pas les consommateurs qui en ont profité!

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