Don d’organes, quand la générosité des marocains est mise à l’épreuve

L’insuffisance rénale et plusieurs autres motifs médicaux continuent de faire du don d’organes, qui est un acte généreux et précieux, le refuge indéboulonnable pour sauver des vies.

Un rein, un cœur ou encore une cornée, le geste généreux de faire un don d’organes se heurte parfois à des traditions voire à des croyances qui entravent le recours à cet acte médical.

Dans ce sens, la spécialiste en néphrologie et néphrologie pédiatrique, Pr. Amal Bourquia, a indiqué que près de 600 transplantations rénales ont été effectuées depuis 1990, dont 60 à partir de sujets en état de mort encéphalique, soit environ 17 greffes par million d’habitants.

« Ce sont des chiffres dérisoires comparés à la demande », a déploré cette experte en éthique et communication médicales dans une déclaration à la MAP, notant qu’il y a seulement sept centres qui sont autorisés à pratiquer la transplantation, appartenant tous au secteur public.

Par ailleurs, les candidats éventuels au don d’organes après la mort sont rares au Maroc malgré les dispositions légales, a précisé l’experte en néphrologie.

« La première transplantation rénale avec donneur vivant a été réalisée au Maroc en 1986 », a tenu à rappeler Pr. Bourquia, faisant savoir que la loi concernant le don et la greffe d’organes a vu le jour en 1998 (loi n°16-98 relative au don, au prélèvement et à la transplantation).

« Depuis cette date, seules 1100 personnes, dont plus de 700 à Casablanca, se sont inscrites aux registres du don d’organes après la mort, mis à la disposition des volontaires au niveau des différents tribunaux de première instance du Royaume », a regretté Mme Bourquia.

Au Maroc un nombre sans cesse croissant de patients décèdent parce qu’ils n’ont pas pu être transplantés, s’est-elle indignée, faisant observer qu’une simple analyse de ces chiffres permet de noter qu’ils ne traduisent ni le niveau médical du pays ni la générosité des marocains.

Pr. Bourquia a plaidé en faveur d’une analyse profonde pour mettre l’accent sur les insuffisances et décupler les efforts à même d’augmenter le nombre de transplantations au moment où le grand besoin est sans cesse en augmentation.

C’est dans ce cadre que l’Association marocaine de lutte contre les maladies rénales « Reins » se mobilise chaque année pour la promotion du don d’organes au Royaume.

Pour faire face aux réalités sévères de la maladie du rein, « Reins » continue de plaider pour aider les patients dialysés à sortir de la dialyse par le développement de la greffe et changer la loi afin que les marocains deviennent tous donneurs potentiels.

« Notre Association a engagé de nombreuses actions dont des sessions de signatures du registre du don au niveau des tribunaux de première instance (Casablanca, Rabat, Tanger), et développe régulièrement des actions de communication et d’information pour être proche du citoyen et l’aider à faire son choix en ayant toutes les informations nécessaires « , a-t-elle dit.

S’attardant, par ailleurs, sur la frontière poreuse entre le don et le trafic d’organe, Mme Bourquia a souligné qu’un commerce libre des éléments du corps humain serait dégradant et moralement indéfendable, faisant observer que l’apparition de ce type de marché pourrait susciter des attitudes sociales avec des pauvres qui vendraient régulièrement un rein.

« Au Maroc ces pratiques sont inexistantes, d’abord par l’existence d’une loi très sévère et les difficultés logistiques nécessaires pour ces opérations », a tranché Mme Bourquia.

La présidente de l’Association « Reins » a fait savoir, à cet égard, que les interdictions de la libre disposition de la personne de son corps sont en grande partie justifiées par la commercialisation du corps humain qui peut en résulter.

« Il arrive que certaines personnes pensent que l’instauration de motivation financières en faveur du don d’organes encouragerait un plus grand nombre de personnes à y consentir, d’autres pensent qu’une telle pratique aurait de mauvaises répercussions sociales : perte du sens généreux du don, exercice d’une forte pression sur les plus démunis et développement de la commercialisation du corps humain », a-t-elle souligné.

Le corps humain, selon Mme Bourquia, n’a pas de prix et ne peut être l’objet de commerce, un principe qui ressort dans de nombreux textes de loi qui régissent les greffes d’organes dans le monde.

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