Le mythe de la jeunesse éternelle

Entretien avec Dr. Fassi-Fihri Mohamed, spécialiste en médecine intégrative et anti-âge

«Toute intervention ne peut que ralentir ou corriger les dégâts de l’âge»

Propos recueillis par Omayma Khtib

A l’heure où la science permet de croire que tout est devenu possible, la plupart des femmes et même les hommes désirent y croire aussi. Aujourd’hui, le «no-age» ou le mythe de la jeunesse éternelle est une tendance qui ne souffre d’aucune contestation; tout le monde souhaite rester dans la course.

Vouloir gommer les effets de l’âge est devenu courant partout dans le monde. Il y a quelques années,  ces pratiques étaient réservées aux personnes plus au moins aisées. Actuellement, elles sont devenues accessibles à tous.

Parce ce que les normes esthétiques sont aujourd’hui fixées au gré des développements technologiques; et malgré les immenses progrès dans toutes les sphères de la société, particulièrement sur le marché du travail, les femmes plus particulièrement ne se sont jamais senties aussi mal dans leur corps.

Certaines en font même une obsession. Les transformations corporelles sont devenues très courantes ; les techniques de plus en plus raffinées, au point où les adeptes de ces pratiques ne lésinent pas sur les moyens pour s’offrir un visage ou un corps «à la carte», remodelé pièce par pièce. Au nom du progrès, on expérimente, on s’améliore ou on se transforme. Au nom du progrès, les industries médicales et pharmaceutiques façonnent le rapport des femmes à leur corps.

Nous avons contacté le Dr. Fassi-Fihri Mohamed qui est à la tête du Comité scientifique de «l’Australian Medical Centre» au Maroc et président du collège national de médecine régénérative et anti-âge, pour nous parler de cette nouvelle tendance. Les propos.

Al Bayane: Une beauté naturelle et sans chirurgie, c’est ce que propose votre «Centre Médical Australien». Plusieurs s’interrogent sur la possibilité et l’efficacité de ces nouvelles méthodes. Parlez-nous un peu plus de ces technologies.

Dr. Fassi Fihri Mohamed:   Une beauté sans chirurgie est possible depuis longtemps déjà. En effet, des techniques comme le comblement des rides à l’acide hyaluronique et/ou l’élimination des rides d’expression par la toxine botulique représentent des techniques médicales qui ne nécessitent aucune chirurgie. Les lasers médicaux ont aussi beaucoup avancé. Il existe donc de nombreuses techniques non chirurgicales dont l’efficacité est connue. Ces solutions non chirurgicales se développent de plus en plus et tirent effectivement profit des dernières avancées technologiques.

La nouveauté réside dans la notion de médecine anti-âge et dans le concept de beauté «naturelle». Il faut d’abord préciser que le terme «anti-âge» est mal traduit de l’anglais où il est en réalité «anti-aging» qui serait donc antivieillissement et plus exactement antivieillissement pathologique et accéléré.

La médecine esthétique permet d’optimiser la beauté pour atteindre des critères esthétiques de beauté. La médecine « anti-âge » quant à elle se base sur l’analyse du vieillissement de tout un chacun et a pour objectif de préserver, restaurer et conserver les traits de jeunesse de la personne le plus longtemps possible.

La médecine anti-âge s’intéresse aussi aux problèmes de santé qui apparaissent avec l’âge et qui représentent des souffrances réelles sans pour autant être des maladies : Fatigue, stress, surmenage, surpoids, ménopause… La médecine anti-âge a donc une dimension interne où votre santé et votre vieillissement global sont pris en compte.

Par exemple, une injection antiride en médecine esthétique peut entièrement supprimer
des rides. En médecine anti-âge, la même injection sera faite de façon plus modérée pour garder un aspect naturel et sera souvent accompagnée d’une nutrition spéciale qui permettra de faire durer le produit injecté plus longtemps. Concrètement, une personne de 45 ans paraitra avoir 35 ans à 45 ans, 40 ans à 55 ans, 45 ans à 60 ans… Elle paraitra donc toujours plus jeune, plus fraiche et mieux conservée par rapport à sa génération tout en restant en harmonie avec sa génération.

Et c’est là qu’entre en jeux la notion de beauté «naturelle» primordiale en médecine anti-âge. Certaines rides d’expression existent chez certaines personnes dès leur plus jeune âge, même dès 10 ans parfois. Est-il logique de les supprimer entièrement à 30 ou 40 ans ? Aussi, les expressions de notre visage participent à la communication et à notre développement psycho social. Ne serait-il pas mieux de les modérer plutôt que de les supprimer entièrement ? On comprendra alors la différence entre la médecine esthétique classique dite plastique, et la médecine anti-âge plus naturelle et qui prend en compte la santé globale et le vieillissement de chaque individu.

Faut-il un bilan médical avant d’entamer ce genre de traitements ? Y-a-t-il un âge précis pour commencer ou arrêter ces traitements?

Certaines techniques nécessitent un bilan préalable, d’autres pas. Aussi, l’âge et le problème à traiter jouent un rôle important. Une personne de 20 ans pourra souvent se passer de bilan alors qu’à 35-45 ans, il est souvent indispensable. Aussi, une chute de cheveux quelle que soit l’âge devra passer par un bilan préalable avant toute approche
thérapeutique car il faut identifier la source du problème pour pouvoir le traiter de façon précise et efficace.

Les traitements utilisés vont dépendre de votre génétique et de votre âge. En effet, il existe des traitements préventifs légers et d’autres structurants et correcteurs. Par exemple, une personne jeune sans rides pourra utiliser des techniques comme la radiofréquence qui permettra de stimuler la production de collagène et de maintenir une peau plus jeune et plus ferme plus longtemps. Elle pourra optimiser la qualité de sa peau avec de l’oxygène et des soins adaptés. Par contre, si vous avez déjà des rides et du relâchement marqué, ces techniques ne seront pas suffisantes et ne pourront au mieux que préserver votre état.

Quelle est la pratique la plus populaire dans votre centre?

Les plus jeunes ont tendance à vouloir se débarrasser des cicatrices d’acné et obtenir une peau plus nette, plus lisse et plus éclatante. Les plus âgés sont concernés par les rides et le relâchement cutané ainsi que les problèmes de ménopause chez la femme et d’andropause chez l’homme. Sur le plan global, la demande en gestion du stress, de la fatigue, du surpoids et l’optimisation des performances concerne tous les âges.

Vos traitements sont-ils combinés à une certaine hygiène de vie?

L’hygiène de vie est la base de la médecine moderne, qu’elle soit anti-âge ou autre. Aujourd’hui, les Marocains sont plus que jamais sensibilisés à la qualité de leur nutrition et de leur environnement, et sont conscients de l’importance de l’activité physique pour le maintien de la santé. Et c’est aux professionnels de la santé de les guider.

La médecine anti-âge inclut toute la partie environnementale dont le dépistage et la gestion des différentes formes de toxicité (Toxines, allergies, intolérances, métaux lourds…) qui vont créer de l’inflammation chronique. En effet, ce type d’inflammation est
impliqué dans la quasi totalité des maladies dont le cancer, et fait partie des causes de vieillissement accéléré.

Quel type de clientèle recevez-vous ? La plus jeune ? Classe sociale?

On reçoit des gens à partir de 16 ans de toutes les classes sociales, même les plus défavorisées. La médecine anti-âge n’est encore une fois pas limitée à l’apparence. Elle peut aider des étudiants qui ont du mal à se concentrer, des jeunes qui se sentent trop souvent fatigués, des moins jeunes qui voient leur corps changer et leur santé se dégrader sans qu’aucune maladie ne se soit encore déclarée…

Quel est le plus grand mythe que les gens continuent à avoir à propos du monde de la médecine esthétique?

Il faut comprendre que notre corps est en constante évolution, avec une dégradation progressive dès l’âge de 20 ans. Toute intervention n’aura pour but que de ralentir et/ou corriger les dégâts de cette dégradation. Autrement dit, aucun résultat ne pourra durer indéfiniment. Par contre, il faut comprendre que ne rien faire reste une garantie de dégradation continue. Le secret réside dans la prévention, le maintien et l’entretien.

Ne pensez vous pas que le recours à la médecine esthétique est plus souvent dicté par les autres (la mode, la tendance, la pression sociale)?

Il est certain que la société a un impact direct sur nos goûts et désirs esthétiques. Les silhouettes rondes jadis adulées sont devenues aujourd’hui disgracieuses. Cela va certainement continuer de changer et d’évoluer.

Par contre, la médecine anti-âge répond à un désir d’une santé optimale, d’absence d’handicaps et d’une apparence jeune par rapport à sa catégorie d’âge. Ce sont donc des demandes légitimes et humaines qui ne changent pas d’une société à une autre ni d’une mode à une autre.

Vieillir, dans un futur idéal, ça ressemble à quoi?

L’idéal serait de pouvoir vieillir comme ceux d’entre nous qui disposent des meilleurs gènes antivieillissement. A savoir des gens qui jusqu’aux âges les plus avancés conservent leur autonomie, leurs performances physiques, psychiques et sexuelles, continuent à vivre leur vie pleinement sans maladies handicapantes, et enfin garderaient une grande partie de leur attrait esthétique.

Top