Ce samedi, deux villes africaines ont été pendant quelques instants, à feu et à sang, pratiquement au même moment… En effet, deux explosions ont eu lieu le même jour à Addis Abeba en Ethiopie et à Bulawayo au Zimbabwe et ce, bien que les deux villes soient distantes de près de quatre mille kilomètres et qu’il est clair qu’il n’y a pas d’autre lien entre les deux évènements que celui d’une opposition aux réformes entreprises dans les deux pays.
Ainsi, à Addis-Abeba, le nouveau premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a échappé, ce samedi, à un attentat à la grenade perpétré au moment où il venait de terminer un discours en présence de milliers de personnes réunies sur la place Meskel. L’explosion a fait un mort et près de 180 blessés dont 10 ont été hospitalisés dans un état très grave selon le ministre de la santé.
«Les gens qui ont fait çà appartiennent à des forces opposées à la paix. Vous devez arrêter…Vous n’avez pas réussi dans le passé, vous ne réussirez pas dans le futur» a déclaré, à l’adresse des attaquants, le premier ministre éthiopien imputant l’incident à des groupes opposés à son programme de réformes.
Pour Fitsum Arega, le chef du cabinet du Premier ministre, cette explosion qui, pour l’heure n’a toujours pas été revendiquée, ne serait pas l’œuvre de jihadistes des «Chababs» somaliens qui opèrent dans la région mais plutôt le fait de personnes «dont le cœur est rempli de haine; allusion faite à ceux qui, au sein de la vieille garde du Front de Libération du Peuple Tigray (TPLF), désormais marginalisée, s’opposent aux réformes menées par le nouveau Premier ministre.
A noter, toutefois, que la police n’était pas intervenue comme à son accoutumée lorsqu’un groupe de personnes avaient brandi des drapeaux du Front de Libération Oromo (OLF), un groupe armé rebelle, ainsi qu’une ancienne version du drapeau éthiopien.
Après ces évènements, «plusieurs milliers de personnes ont continué à chanter dans le calme et à manifester leur mécontentement à l’égard des autorités» selon un journaliste de l’AFP. La police ayant fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser la foule, la place Meskel était vide à la mi-journée hormis une forte présence policière.
Au même moment, à quatre mille kilomètres de là, à Bulawayo au Zimbabwe, un même son de cloche, même s’il n’y a aucun lien entre les deux évènements.
En effet, alors qu’il participait à une réunion de campagne tenue dans un stade de Bulawayo en marge des élections générales qui se dérouleront le mois prochain au Zimbabwe, le Président Emmerson Mnangagwa, candidat du parti au pouvoir la Zanu-PF, a échappé de justesse à un attentat à la bombe après qu’il ait prononcé un discours devant ses partisans. D’origine encore indéterminée, l’explosion a fait une quinzaine de blessés. Evacué sain et sauf après la déflagration, le chef de l’Etat qui, en condamnant «un acte lâche» a invité ses compatriotes au calme, a déclaré à l’intention des journalistes : «Je suis habitué à ces tentatives… mais ce n’était pas mon heure» avant d’écrire sur son compte Twitter : «Cette campagne se déroule dans un climat libre et pacifique, nous ne permettrons pas que cet acte lâche perturbe notre marche vers les élections».
Il convient de relever, au passage, que Nelson Chamisa son principal rival à la présidentielle et candidat du Mouvement pour un changement démocratique (MDC) qui a très peu de chances de l’emporter alors que son parti est tiraillé par des divisions internes depuis le décès en février dernier de son chef historique Morgan Tsvangirai, a regretté ces «terribles évènements» ajoutant même «la violence n’a pas de place dans notre vie politique».
A première vue, il semble que les attaques perpétrées ce samedi en Ethiopie et au Zimbabwe seraient le fait de personnes opposées au train de réformes mené par les nouveaux dirigeants.
En Ethiopie, le nouveau Premier ministre entend changer le visage du pays; d’abord en faisant la paix avec le voisin Erythréen puis en ouvrant à la concurrence des secteurs de l’économie qui étaient contrôlés depuis des décennies par des personnes proches du pouvoir. Se voyant donc menacées ces dernières cherchent à éliminer le nouvel homme fort du pays.
Au Zimbabwe, l’idée d’assassiner le nouveau président est aussi une manière de servir des intérêts particuliers que la réorganisation du pouvoir voulue par le nouveau chef de l’Etat est en train de heurter de plein fouet.
Ainsi, en Ethiopie tout comme au Zimbabwe, ce sont donc deux tentatives de réformer la vie politique qui ont été la cible des attentats de ce samedi et il appartiendra aux responsables visés de ne pas tomber dans le piège du durcissement du pouvoir car cela constituera une victoire pour leurs auteurs.
Comment donc vont réagir le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed et le président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa après les attaques à la grenade et à la bombe qui les ont visés ce samedi ? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi