Ghazi, Tarik et Tourabi, des lectures très croisées du projet de thèse politique du PPS

En prévision du 10e Congrès national prévu en mai

Un nouveau Forum de débat autour du projet de la thèse politique du 10e Congrès national du Parti du Progrès et du socialisme a réuni, jeudi soir au siège national du parti à Rabat, une pléiade de chercheurs, de spécialistes et d’observateurs qui ont souligné la pertinence des thèses développées dans ce projet et ont également soulevé quelques «remarques», selon Sobhallah Ghazi, ses «Blancs», d’après Hassan Tarek et «le saut sur une date marquante qu’est l’année 2017», selon les propos du Abdellah Tourabi.

A l’ouverture des débats, le modérateur de cette rencontre, Mahtat Rakas, directeur de la publication des journaux «Al Bayane» et «Bayane Al Youme», a rappelé que cette rencontre s’inscrit dans le cadre des préparatifs du 10e congrès national du parti.C’est une tradition que le PPS perpétue depuis une longue date à la veille de ses congrès nationaux pour associer le plus grand nombre d’observateurs, d’universitaires et de scientifiques à l’élaboration des documents de base du ses Congrès nationaux, a-t-il ajouté.

Il a également indiqué que les débats de cette rencontre sont retransmis en direct sur la page «Facebook» du parti, qui a également créé un site appelé «nikache.ma», pour permettre au public de participer à ce débat.

Benabdallah : Le PPS appelle à un débat serein et franc

Pour le PPS, les préparatifs de son prochain congrès national sont l’occasion idoine d’«engager le débat, de manière active, ouverte et osée autour de la situation dans le pays», a expliqué pour sa part, le Secrétaire général du PPS, Mohamed Nabil Benabdallah, qui n’a pas manqué de rendre hommage aux participants pour leurs critiques, franc-parler et propos « enrichissants».

Et pourtant la situation est «inquiétante pour tout le monde, intellectuels, hommes d’affaires, politiques, acteurs de la société», mais personne n’ose s’exprimer, et quand il y a débat, il est «timide», a-t-déploré.

«Personne n’y voit clair. La situation est confuse et morose», a-t-il noté, soulignant que le parti appelle de ses vœux à un débat «plus osé et sérieux sur ce qui est inquiétant, un débat serein et franc».

Pour ce qui le concerne, le PPS a tenté de se doter à travers ce document soumis au débat d’une vision, «la plus claire possible», pour pouvoir travailler et continuer le combat sans trahir son identité de parti de gauche, socialiste, progressiste, moderniste, écologiste ouvert sur l’avenir, a-t-il dit, rappelant que la thèse en question insiste aussi sur la fidélité et l’attachement du parti à ses principes, ses valeurs, son référentiel idéologique et à l’idéal de la liberté et de la justice sociale et spatiale.

Parallèlement à cela, le projet de thèse explique que le socialisme est toujours d’actualité, tout en ne prétendant pas que le PPS seul est en mesure de redresser la situation de la gauche marocaine et encore moins du socialisme en tant que mode de pensée, d’idéologie et de système, a-t-il ajouté, faisant remarquer qu’il compte toutefois y contribuer par les modestes moyens dont il dispose.

Le Secrétaire général a laissé aussi entendre que les dernières alliances du parti avec d’autres forces politiques dont les dernières en date avec le Parti de la Justice et du développement ont semé la confusion sur son image, ce qui fait dire à d’aucuns que le parti a dévié de sa trajectoire. Non, le PPS est toujours un parti de gauche, éco-socialiste, progressiste, moderniste, attaché aux idéaux de la démocratie, de la justice sociale et spatiale, a-t-il martelé, reconnaissant toutefois que les mutations intervenues sur la scène nationale et internationale ont jeté l’ombre sur la définition de tous les partis de gauche dans le monde.

Dans le temps, il était facile de se positionner à gauche en se déclarant être anti-capitaliste et anti-impérialiste, a-t-il rappelé, notant que la situation est beaucoup plus compliquée à l’heure actuelle, en particulier dans un pays comme le Maroc.

Khalid Naciri : un projet de thèse où tous les militants peuvent se retrouver

Pour sa part, Pr. Khalid Naciri, membre du Bureau politique du parti a indiqué que le PPS est l’un des rares partis politiques du pays qui soumettent au débat public leurs documents politiques.

Ila rappelé que le projet de la thèse politique est le fruit d’un travail de réflexion collective, à travers lequel le parti a tenté de redéfinir sa vision à la lumière de l’analyse de la situation nationale et internationale et de répondre à plusieurs questions concernant aussi bien son identité en tant que parti politique de gauche, éco-socialiste, progressiste que de nombreuses autres problématiques nationales et internationales. Il y essaie aussi de dégager la signification du congrès, qui offre l’occasion propice de développer et de murir les visions. Le Congrès national n’est pas un «Moussem» , mais une occasion de réfléchir sur l’évolution de la situation générale qui influe sur le parcours du parti, en partant des données internationales, régionales et nationales, a-t-il dit, notant que le PPS n’est pas non plus «un club de discussion».

Le projet de document tente de répondre aux questions relatives au système de pensée et de valeurs du parti, à son œuvre politique, aux perspectives économiques, sociales et écologiques du pays et aux questions sociétales et culturelles qui se posent. Il aborde aussi les principales caractéristiques de la situation internationale et revient sur la valeur ajoutée du parti dans le paysage partisan national, a-t-il ajouté.

Au-delà donc de son contenu, le projet en question réaffirme l’élan de mobilisation, de renforcement de ses rangs et de «Remontada» que connait le PPS, qui a mis en place toute une panoplie de mécanismes démocratiques internes, afin que tous les militants du parti se reconnaissent dans le projet de thèse, objet de débat, a-t-il relevé.

Sobhallah Ghazi et les occultations du projet

Lui succédant, Pr Sobhallah Ghazi, ancien membre du Conseil constitutionnel a indiqué que les thèses politiques constituent une sorte de Constitutions du parti, qui encadrent son action durant les périodes de cinq ans qui séparent ses congrès nationaux.

Ce sont des programmes qui précisent la vision du parti, alors que la tradition des débats publics poursuivie par le parti est une pratique louable qui mérité d’être soulignée, selon lui.

Exposant ses observations au sujet du contenu du texte, il a indiqué que ce ne sont pas uniquement les clivages et les divergences au sein de la Koutla démocratique qui ont ouvert la voie à la montée des courants islamistes, qui ont occupé le devant de la scène politique, mais également et surtout l’échec de l’expérience de l’Alternance consensuelle. C’est d’ailleurs cet échec qui était à l’origine de la crise qui secoue toujours les partis politiques nationaux, a-t-il dit, rappelant que l’échec de l’expérience de l’Alternance consensuelle a été du au fait qu’elle n’était pas correctement négociée, compte tenu du déséquilibre des forces qui prévalait à l’époque.

Revenant sur la montant de l’Islam politique, il a estimé que c’est surtout la défaite de 67 qui avait provoqué cette marée, faisant savoir que tous les partis islamistes rejettent les valeurs universelles et le modernisme. Même le PJD n’adhère pas au fond à un certain nombre de conventions internationales ratifiées par le Maroc, car il s’agit bel et bien d’un parti conservateur.

Il a également proposé de tenir compte dans l’analyse concernant la prolifération des partis politiques du pays qui en compte une quarantaine maintenant du mode de scrutin à la proportionnelle, qui empêche l’émergence d’un parti majoritaire. Il faut rétablir le mode de scrutin majoritaire à un ou deux tours pour remédier à la situation, a-t-il recommandé.

Il a reproché au document d’avoir occulté aussi la crise des syndicats comme il ne désigne pas les responsables de la lenteur qui entache la mise en œuvre de Constitution de 2011, qui a enclenché «une transition» en remplacement du «processus démocratique» dont on parlait avant.

Selon lui, s’est au gouvernement qu’il faut attribuer la responsabilité de cette lenteur dans la mise en œuvre de la Constitution.

Hassan Tarek et les Blancs du texte

Après avoir tenté de répondre à la question de savoir s’il faut désormais parler de processus ou de transition, il a convenu avec Pr Ghazi que l’on avait échoué lors de l’expérience de l’Alternance démocratique. C’est ainsi que les Marocains avaient boudé en grand nombre les élections de 2009, faisant dire à des «observateurs» que les électeurs avaient boudé non pas la politique mais les politiques.

Mais le printemps arabe est venu remettre sur la table le problème entier, dont la réponse avait été recherchée à travers la Constitution de 2011.

Dans son actuel document politique, le PPS avance un certain nombre d’analyses pour clarifier sa vision et élaborer des réponses, a-t-il rappelé, estimant que le texte comporte toutefois des «Blancs» en «sautant par exemple sur l’après-élections de 2016».

Un autre «blanc» concerne les partenaires éventuels avec lesquels le PPS propose de travailler et les pratiques du parti au cours des dernières années.

Il s’est arrêté aussi sur une série d’autres «blancs» au niveau des valeurs, des principes,  des contradictions et des luttes entre les classes en présence dont la contradiction principale entre l’oligarchie et les bénéficiaires de rentes d’une part et les autres classes d’autre part. Il a émis aussi un certain nombre de critiques au sujet de la thèse du projet de document, selon laquelle tous les conflits sociaux ont une dimension culturelle, estimant que les clivages gauche droite qui «facilitaient» la distinction ont disparu et que le Maroc ne fait peut être pas exception dans ce domaine.

Abdellah Tourabi : 2017 est une année marquante

Avec les événements d’Al Hoceima, 2017 est l’année la plus marquante dans l’évolution de la situation du pays et non pas 2011, qui avait pourtant suscité chez de larges couches populaires l’espoir d’améliorer leur situation, comme le souligne le document de thèse politique, a estimé le journaliste et chercheur Abdellah Tourabi.

Selon lui, les événements du Rif ont montré que le pays n’a pas réussi à se doter d’un Etat-nation qu’il peine à se construire depuis son indépendance. Elle a montré aussi que l’on est en présence d’une crise d’identité nationale et que l’Etat manque de corps intermédiaires crédibles (partis politiques, syndicats, associations et organisations de la société civiles), sans lesquels aucune démocratie dans le monde ne peut se construire.

Les manifestants dans le Rif n’en voulaient plus en entendre parler. C’est pourquoi, ils sont sortis protester dans la rue pour réclamer justice et réparation de préjudices commis suite à des erreurs commises dans le passé.

Ces événements ont marqué donc l’année 2017, au terme de laquelle le citoyen a décidé de prendre la parole dans le rue et de s’exprimer directement sans passer par les intermédiaires. C’est pourquoi, 2017 revêt plus d’importance que 2011 dans l’histoire récente du pays, a-t-il estimé.

2017 est l’année de l’inquiétude qui continue de planer sur la scène politique, devenue de plus incertaine.

Plus personne n’ose parler de «grand récit» de peur d’être démenti par l’évolution incertaine de la situation, comme c’est le cas de l’islam politique au Maroc où il est entrain de perdre du terrain, a-t-il estimé.

Il a par ailleurs invité le parti à accorder davantage d’intérêt à la classe moyenne , qui constitue la principale clientèle politique des partis politiques de gauche, à qui il a reproché d’avoir laissé ses ennemis s’emparer de son discours intellectuel, après avoir échoué sur le plan politique.

Il a en outre estimé qu’il y a des gauches au Maroc et non pas une gauche, donne dont il faut tenir compte pour se positionner dans une société en pleine mutation.

Même le champ religieux est en train de changer  pour développer de nouvelles pratiques marquées de plus en plus par la distinction entre le religieux et le social. On assiste en effet à une véritable sécularisation au sein de la société en la matière, a-t-il relevé.

Plusieurs questions ont été soulevées au cours du débat qui a marqué cette rencontre, dont les recommandations ne manqueront pas d’enrichir les prochains forums programmés sur le sujet.

M’Barek Tafsi

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