A quelque chose, malheur est bon, dit-on ! Et cette chose, dans le cas présent, serait (malheureusement, encore une fois !) la mort, dans des conditions atroces, du collaborateur saoudien du Washington Post car elle aura obligé la communauté internationale à tourner son regard vers un pays que l’on croyait au-dessus de tout soupçon mais qui s’est révélé être la plus odieuse des dictatures en ce début du 21ème siècle.
En effet, l’exécution du journaliste saoudien a eu le mérite – si l’on peut s’exprimer ainsi – de rappeler au monde qu’il existe un peuple qui, depuis trois années, vit une crise humanitaire sans précédent puisque outre la mort de plus de 10.000 personnes, celui-ci a vu mourir de faim ou de maladie et dans d’abjects conditions, 85.000 de ses enfants selon l’ONG «Save the children» alors que 14 millions de ses habitants se trouvent, actuellement, en situation de pré-famine d’après un rapport de l’Organisation des Nations-Unies. Vous l’aurez compris, ce pays c’est le Yémen situé au sud-ouest de la péninsule arabique au contact de la Mer Rouge et de l’Océan indien ; ce qui lui confère une importance stratégique!
Pour rappel, en 2015 et pour aider le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi à contrecarrer une offensive des «Houtis» soutenus par l’Iran, Riyad avait pris la tête d’une coalition militaire. Ainsi, aujourd’hui, après trois ans de guerre, le pays, qui se trouve en proie à la pire crise humanitaire que le monde ait jamais connu, est divisé en deux ; d’un côté les forces progouvernementales, soutenues par l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis et contrôlant le sud et une bonne partie du centre et, de l’autre, les rebelles chiites aidés par Téhéran qui occupent Sanâa, le nord et une bonne partie de l’ouest.
Ce serait donc la mort, dans d’effroyables conditions, du journaliste Jamal Khashoggi qui aurait contraint la communauté internationale à tourner son regard vers cette partie du globe pour découvrir ce qui s’y passe et notamment le calvaire d’un peuple qui, en étant soumis aux incessantes frappes aériennes de la coalition menée par Riyad et à un effroyable embargo est en train de périr sous un déluge de feu et de mourir de faim.
Aussi, après avoir invité, le 30 Octobre dernier depuis Manama au Bahrein, les belligérants au Yémen à cesser les hostilités et à ouvrir des négociations dans un délai de 30 jours, le secrétaire d’Etat américain à la Défense Jim Mattis a annoncé, ce mercredi 21 Novembre, que des pourparlers de paix destinés à mettre fin au conflit qui déchire le pays se tiendront en Suède au début du mois prochain. « Je ne crois pas – a dit le secrétaire d’Etat américain – que nous allons réussir à faire çà en Novembre mais il semble qu’au tout début décembre, en Suède, nous verrons la partie rebelle houthie et le gouvernement reconnu par l’ONU du président Abd Rabbo Mansour Hadi»; ce à quoi les houtis ont répondu, ce dimanche, qu’ils sont prêts pour un cessez-le-feu si l’Arabie Saoudite «veut la paix».
C’est dans ce cadre que l’ONU a dépêché Martin Griffiths ce mardi à Sanaa, la capitale du pays, puis jeudi à Hodeïda, la ville portuaire par laquelle transitent l’aide humanitaire et 80% des importations de produits alimentaires en lui donnant pour mission de sensibiliser les deux parties sur «la nécessité d’une trêve dans les combats» et de «finaliser les modalités en vue des pourparlers en Suède».
La paix au Yémen sera-t-elle au bout du tunnel après trois années de désolation ? Osons l’espérer et attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi