Attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
Même si avec près de 7,4 milliards de tonnes, la Guinée possède les plus importantes réserves mondiales de bauxite, un minerai entrant dans la fabrication de l’aluminium et qui, de ce fait, est essentiel dans l’industrie automobile et alimentaire, les retombées de son extraction – tout comme celles concernant les autres ressources naturelles dont regorge le sous-sol du pays comme le fer, l’or et le diamant – sont très disproportionnées du fait notamment de l’insuffisance des investissements au titre du développement d’un tissu économique local, du manque d’infrastructures routières, de l’absence d’un arsenal juridique et, surtout, de la présence de cette corruption endémique qui gangrène le pays.
Aussi, en considérant que malgré ses richesses naturelles et « en dépit du boom minier du secteur bauxitique (…) les revenus escomptés sont en deçà des attentes » de la Guinée qui reste l’un des pays les plus pauvres du monde, le Colonel Mamady Doumbouya, nouvel homme fort du pays et chef de la junte au pouvoir, a rencontré, ce vendredi 8 Avril, les dirigeants des compagnies minières étrangères présentes dans le pays et a exigé d’eux que, dans le cadre d’un partage équitable des revenus et pour ne point continuer à jouer « à un jeu de dupes qui perpétue une grande inégalité dans (leurs) relations » avec la Guinée, ceux-ci soumettent à l’appréciation du ministre des mines et de la géologie, au plus tard à la fin du mois de mai, des propositions ainsi qu’un calendrier précis pour la construction, sur place, « de raffineries d’alumine ». En leur signalant, par ailleurs, que des pénalités de retard seront appliquées à toute compagnie qui ne respectera pas le délai convenu, le colonel Doumbouya a exigé que toutes les matières premières nécessaires soient produites sur place.
Les sociétés étrangères qui opèrent dans le secteur de la bauxite en Guinée sont, principalement, la Société minière de Boké (SBM, un consortium formé par l’armateur singapourien Winning Shipping, le producteur chinois d’aluminium Shandong Weiqiao et le groupe Yantaï Port), la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG, détenue à hauteur de 49% par l’Etat guinéen et à 51% par Halco Mining Inc, un consortium formé par l’américain Alcoa, l’anglo-australien Rio Tinto-Alcan et Dadco Investments) et, enfin, le russe Rusal.
Et si, par ailleurs, en mars dernier et dans le cadre de la préservation des intérêts de la Guinée par les exploitants étrangers, le nouvel homme fort du pays avait ordonné la cessation, par SBM et Rio Tinto, de toute activité sur le site de l’important gisement de fer de Simandou, un accord-cadre de 15 milliards de dollars a été signé, à la fin du mois, entre l’Etat guinéen et lesdites sociétés au titre du co-développement du gisement précité.
En rappelant, enfin, que par des conventions signées, en 1983, avec l’Etat guinéen, la CBG était tenue de construire des raffineries et que la société chinoise s’était engagée, de son côté, à construire une fonderie d’aluminium, mais que ces engagements sont restées « lettre morte » puisqu’à ce jour, les intéressés n’ont même pas produit des études de faisabilité, le président Doumbouya a exigé que la transformation de la bauxite se fasse, désormais, sur place et « sans délais ».
Le nouveau président de Guinée va-t-il réussir là où ses prédécesseurs avaient échoué ?
Attendons pour voir…