Impressions post-olympiques

Les Marocains ont suivi avec une certaine sérénité, voire une certaine distance, l’édition brésilienne des jeux olympiques. Rien à voir avec l’engouement de jadis.

Il fut un temps en effet où cette grande manifestation sportive se transformait, notamment à l’occasion des épreuves d’athlétisme et de boxe, en véritable fête familiale et populaire. Heureux ceux qui ont vécu ces moments de joie collective, dans une communion sans frontières. Tout a changé en effet : non seulement les performances sportives de nos athlètes ne sont plus aux rendez-vous mais le mode de transmission et de diffusion du sport a complètement métamorphosé sa réception publique.

Aujourd’hui la multiplication de l’offre, sa dimension commerciale a fait éclater les anciennes formes de réception publique. Désramis, il est rare de trouver une formule qui réunisse une large communauté de spectateurs autour du même écran, du même spectacle. L’offre globale et fragmenté a détruit les anciennes communautés de spectateurs homogènes.

Dans les années précédentes, les exploits d’Aouita, d’Achik, ELguerrouj… réunissaient un large public bien au-delà du cercle familial, offrant au peuple des moments de liesse et de joie collective. Avec la fragmentation de l’offre, des communautés spécifiques voient le jour…sur la base des moyens, des compétences et de l’accessibilité.

Une famille aux revenus  modestes se voit par exemple partagée entre le père qui rejoint ses amis au café disposant d’un abonnement à réception numérique, les jeunes eux  scotchés à la toile guettant les images et les informations insolites et les épouses réduites à revoir de vieux films égyptiens sur des chaînes moyen-orientales.

Certes, la retransmission des jeux olympiques est moins fermée, moins commerciale que la coupe du monde…mais le fait est là. L’offre  dans sa diversité   continue à multiplier les formes de réception, à fragmenter le public. La télécommande devient alors un tapis volant transportant son possesseur en voyageur à travers la mediapsphère. Tantôt, il suit un match de handball sur une chaîne marocaine, tantôt une compétition de natation sur une chaîne émiratie ou encore une épreuve d’athlétisme sur une chaîne francophone.

Ce voyage numérique ne manque pas de piquant non seulement en élargissant l’éventail du spectacle mais aussi en découvrant  les différentes performances non pas cette fois des athlètes mais de ceux qui commentent, les journalistes.

C’est toujours un spectacle dans le spectacle. Comme cette pépite captée lors de la passionnante finale de football entre le Brésil et l’Allemagne. Le commentateur de cette chaîne émiratie décrivant la formidable soirée passée ensemble n’hésite pas à ajouter un commentaire « oui tout était magnifique lors de cette finale sauf ce maudit drapeau… ».

Il avait aperçu en effet comme tous les spectateurs du monde un drapeau israélien au sein du public du Maracaña; un plan furtif que le réalisateur n’a pas cherché à mettre en valeur captant par ailleurs d’autres emblèmes dans le mouvement panoramique de la caméra. Mais le speaker a été touché dans ses convictions et que le suspense des tirs au but n’a pas altéré. Cela me rappela un autre épisode non moins  hilarant lors d’un match du championnat anglais avec le joueur Yossi Benhayoun d’origine israélienne qui officiait à l’époque au sein des Reds de Liverpool. A chaque fois qu’il touchait la balle, c’était silence radio de la part du journaliste de cette chaîne qatarie.

Le comble c’est lorsque Benhayoun avait marqué le but pour son équipe : le commentateur réalisait la prouesse de répéter le résultat sans jamais prononcer le nom du buteur.

Mohammed Bakrim

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