Les pesticides. Voila un thème d’actualité qui interpelle surtout lorsqu’on sait qu’elles seraient responsables de plus de 48% de l’ensemble des décès par intoxications au Maroc. Les pesticides sont des substances toxiques utilisées pour éliminer des organismes jugés nuisibles à la production agricole. Il existe une multitude de substances actives différentes.
En effet sous le terme pesticide, on trouve en réalité plusieurs produits et les plus utilisés sont les fongicides, les herbicides et les insecticides. Les fongicides sont des substances qui servent à lutter contre les champignons et les moisissures. Les herbicides permettent de nettoyer la terre avant de planter. Les herbicides inhibent (empêchent) la pousse des mauvaises herbes.
Les insecticides, eux provoquent la mort des insectes en bloquant leur système nerveux.
Les pesticides sont le plus souvent obtenus par synthèse chimique.
Ils sont constitués d’une ou de plusieurs substances actives, molécules toxiques qui agissent sur l’élément nuisible, d’un diluant, destiné à abaisser la concentration en substances actives, par exemple un solvant pour une préparation liquide, d’adjuvants, substances chimiques destinées à renforcer l’action des substances actives ou à faciliter l’emploi du produit final comme les tensio-actifs, émulsionnants, colorants, mouillants, conservateurs…Il ressort de toutes les études effectuées sur les pesticides que leur contact prolongé avec l’homme serait dangereux.
En effet, les pesticides sont souvent pointés du doigt pour leurs effets néfastes et leurs actions ne se limitent pas aux seules espèces qu’ils doivent éliminer. Elles ont des effets sur la biodiversité en éliminant certains insectes utiles, en dégradant la qualité des sols et en polluant la nappe phréatique. On sait aujourd’hui que les pesticides ont un impact sur l’environnement et sur la santé. Certains pesticides insecticides sont responsables de l’élimination progressive des insectes pollinisateurs comme les abeilles.
D’autres pesticides sont des perturbateurs endocriniens, cela signifie qu’ils peuvent entrainer des désordres hormonaux chez l’être humain, comme une baisse de la fertilité, d’autres pesticides sont des cancérogènes probables comme le glyphozate qui est l’herbicide le plus utilisé aujourd’hui. A terme, les pesticides pourraient coûter très cher en frais de santé aussi bien pour l’Etat que pour les caisses d’assurance maladie.
De plus si les abeilles venaient à disparaitre, les énormes services de pollinisation que ces insectes rendent gratuitement seraient irremplaçables et on sera privé de fruits et autres.
Il est donc urgent de revoir toute cette problématique que pose pour notre pays l’utilisation des pesticides. Il ne s’agit pas d’interdire ces produits, mais de les utiliser en respectant les normes et les lois en vigueur.
Un véritable problème de santé au Maroc
Plus de 2.000 cas d’intoxications par les pesticides ont été déclarés en 2016.
Au total, 70 intoxiqués sont décédés. Les groupes chimiques des pesticides les plus rencontrés étaient les organophosphorés (42,2%), suivis par l’alphachloralose (14,7%), les pyrétrénoides (12,4%) et le phosphure d’aluminium (12,4%). L’intoxication par les produits organophosphorés est un véritable problème de santé au Maroc. Elle réalise une affection grave dominée par la détresse respiratoire et neurologique à l’origine de la plupart des décès. Elle concerne dans notre contexte surtout des femmes jeunes qui ingèrent le produit dans un but d’autolyse pour se suicider. Cette situation n’a pas laissé indifférent le Centre antipoison et de pharmacovigilance, qui entreprend depuis plusieurs années, des recherches et des études sur les pesticides et leur impact sur la santé des individus et sur l’environnement.
Quid du mésusage des pesticides?
Pour cerner les différents éléments et comprendre mieux tous les aspects, causes et effets nocifs inhérents à l’utilisation des pesticides au Maroc, le Centre anti poison et de pharmacovigilance du Maroc a organisé a l’occasion de la journée nationale sur les effets des pesticides, une rencontre débat sur le thème « Ensemble contre le mésusage des pesticides», et ce le jeudi 06 Juillet 2017.
Selon ce centre, 2.000 cas d’intoxications aux pesticides sont enregistrés chaque année au Maroc, parmi lesquels un taux de létalité de 4%. Naima Rhalem , présidente de la Société Marocaine de Toxicologie clinique et analytique, a déclaré à cette occasion que ces chiffres alarmants dévoilés a l’occasion de la journée nationale sur les effets des pesticides, sont essentiellement dus au mésusage des pesticides, fongicides et autres herbicides, qui faut-il le rappeler sont souvent vendus de façon anarchique dans des souks, des épiceries ou la droguerie du coin, ce qui naturellement pose un très grand problème, car la population banalise ces produits qui sont exposés à la vente un peu partout. Des produits que l’on peut acheter facilement, et ce, au moment où un très grand nombre de nos citoyens ignore totalement les dangers liés à ces produits.
Outre l’accès direct de la population à ces produits, un autre facteur contribue à l’augmentation des cas d’intoxications aux pesticides. C’est le non respect des lois encadrant la vente de ces substances chimiques.
Selon le professeur Rachida Soulaymani Bencheikh, directrice du centre anti – poison et de pharmacovigilance (CAPM), le Maroc dispose d’une très bonne réglementation qui régit la commercialisation , la vente et l’utilisation des pesticides , ( la loi n°42-95 relative au contrôle et à l’organisation du commerce des produits pesticides à usage agricole ). Malheureusement, il y a beaucoup de mésusages de ces produits, c’est ce qui explique que nous soyons aujourd’hui confrontés à une augmentation des cas d’intoxications aux pesticides.
En effet, il ressort de l’enquête qui a été réalisée par le Centre anti- poison et de pharmacovigilance que les pesticides seraient responsables de plus de 48 % de l’ensemble des décès par intoxications au Maroc. Toujours selon le Centre anti – poison et de pharmacovigilance 16 cas ont été enregistrés en 2016, soit 10% de plus que l’année 2015.
Quels sont les effets des pesticides sur la santé?
On ne peut pas certifier que les pesticides sont tous des produits dangereux, comme on ne peut pas non plus les innocenter définitivement d’être responsables de certains troubles et affections. Si les effets des pesticides sur la santé sont l’objet de vives controverses, ils sont toutefois soupçonnés de jouer un rôle majeur dans l’apparition de certains cancers, dans l’augmentation de certaines maladies neurologiques ou endocriniennes ou encore de participer fortement à la baisse de la fertilité observée ces dernières années dans certains pays grands utilisateurs de pesticides. Les intoxications aiguës sont essentiellement répertoriées dans le milieu professionnel, par exemple lorsqu’un agriculteur est accidentellement exposé aux émanations de sa cuve de pesticides. Les symptômes dépendent du produit auquel les personnes ont été exposées, mais le plus souvent, on retrouve des céphalées, des brûlures des voies respiratoires et cutanées, des troubles digestifs.
L’impact de l’utilisation des pesticides sur l’augmentation des cas de cancers a été particulièrement mis en évidence avec l’utilisation du chlordécone dans les Antilles durant les années 70 à 90. L’utilisation de ce pesticide a en effet fortement majoré les cas de cancers de la prostate. Les agriculteurs ont un risque plus élevé de développer des affections respiratoires comme l’asthme, par rapport au reste de la population.
Les pesticides sont fortement soupçonnés de provoquer un dysfonctionnement du système hormonal. Par exemple, l’herbicide Round Up, le plus vendu au monde, est fortement soupçonné d’être un perturbateur endocrinien et de provoquer, après exposition d’un des deux parents, le doublement des avortements spontanés tardifs. Les pesticides sont soupçonnés de provoquer une augmentation : des syndromes parkinsoniens chez les agriculteurs et les personnes résidant près de parcelles sur lesquelles ont été répandus des pesticides, des troubles de l’attention ou de l’humeur avec une augmentation de l’irritabilité, de l’anxiété et une augmentation des cas de dépression, une baisse de la coordination motrice.
On ne peut sous estimer le rôle, l’apport des pesticides dans le domaine de l’accessibilité pour le plus grand nombre à l’alimentation.
En effet, il est indéniable que les pesticides ont permis de grands progrès dans le domaine de l’agriculture. Leur utilisation n’est malheureusement pas sans risque à la fois pour la santé humaine et l’environnement.
Au Maroc, on estime le nombre de personnes qui travaillent dans le secteur agricole entre salariés permanents, occasionnels, et ceux qui sont dans des entreprises ou terres familiales à plus de 4 millions de personnes, dont un grand nombre de femmes.
Il s’agit de réfléchir sur tous les moyens susceptibles de protéger ces citoyens, de prévenir tous risques pour leur santé ou celles de leurs enfants, en mettant en place tous les outils à même de garantir leur sécurité et celle de toute la population concernant l’utilisation des pesticides.
Le marché national des pesticides
Selon les résultats d’une étude réalisée en 2006 sur les pesticides au Maroc, il ressort que hormis l’aspect réglementaire, le secteur de pesticides au Maroc demeure parmi les moins maitrisés sur le plan statistique et de l’information. Cette situation est due en grande partie à l’absence d’une coordination interprofessionnelle des sociétés opérant dans l’importation et la formulation et celles de la distribution des produits phytosanitaires. Elle est accentuée par l’infiltration illicite de ces produits à partir des pays voisins.
L’absence d’unités de fabrication de produits phytosanitaires dans notre pays, fait que 95 % des produits sont importés (en moyenne 15425 tonnes/ an), le reste est formulé à base de pré-mix ou de concentré. Par contre 35% à 45% de ce qui est importé est reconditionné en petits emballages adaptés pour satisfaire les besoins des petits agriculteurs.
Selon l’ONSSA, on compte au Maroc, 1055 spécialités commerciales de pesticides et 375 matières actives (Index Phytosanitaire, 2015). La part du marché montre que les insecticides viennent en premier, suivis par les fongicides. Ensuite viennent les herbicides.
A noter aussi qu’une part du marché estimée entre 10% et 15% est issue de la contrebande et de la contrefaçon qui constituent non seulement un fléau pour l’économie nationale, mais représentent surtout un danger pour la santé des utilisateurs et des consommateurs, et un risque pour l’environnement
L’importation, la fabrication, la détention en vue de la vente, la mise en vente ou la distribution même à titre gratuit des produits pesticides à usage agricole sont sujettes à l’obtention d’une attestation d’homologation ou, à défaut, d’une autorisation de vente.
Cette décision est délivrée par le ministère de l’Agriculture et de la Pêche maritime représenté par l’ONSSA dans les conditions prévues par la loi 42-95 et de ses textes d’application. Dans ce sens, l’homologation des pesticides à usage agricole est effectuée selon une procédure qui vise à garantir l’efficacité, la sélectivité et l’innocuité du produit mis sur le marché.
Abdelaziz Ouardirhi