Les Européens ont annoncé la création d’un système de troc afin de préserver leur commerce avec l’Iran tout en échappant aux sanctions américaines, une décision-camouflet à la veille d’un discours mardi à l’ONU de Donald Trump visant à mobiliser contre Téhéran.
Cette initiative vise à sauver l’accord sur le nucléaire iranien de 2015 malgré la sortie fracassante des Etats-Unis de ce texte en mai.
« Concrètement, les Etats membres de l’Union européenne vont instaurer une entité légale pour faciliter les transactions financières légitimes avec l’Iran », a expliqué la cheffe de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini dans une déclaration lue lundi soir conjointement avec le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif.
« Ce système permettra aux compagnies européennes de continuer à commercer avec l’Iran conformément au droit européen et pourrait être ouvert à d’autres partenaires dans le monde », a-t-elle ajouté.
Les représentants des six pays signataires encore membres de l’accord – France, Grande-Bretagne, Chine, Russie, Allemagne et Iran – étaient présents à cette réunion, organisée en marge de l’Assemblée générale annuelle des Nations unies.
Selon des sources européennes, ce « véhicule dédié » (Special purpose vehicle – SPV) fonctionnera comme une bourse d’échanges ou un système de troc sophistiqué à partir de la vente de pétrole iranien, première ressource du pays.
Si par exemple l’Iran vend du pétrole à l’Espagne et l’Allemagne des machines-outils à Téhéran, la somme correspondant à la livraison du pétrole servirait directement à payer le fournisseur allemand.
« Il y aura une sorte de chambre de compensation qui vérifie que la valeur des biens exportés et importés par l’Iran se compensent », explique une source diplomatique française.
Ce mécanisme « immunise » acheteurs et vendeurs en évitant des transactions en dollars qui pourraient les exposer à des sanctions américaines.
« Le pétrole est la seule contrepartie que l’Iran peut donner (…) Il permet aux recettes du pétrole d’être utilisées pour importer des biens », poursuit la source française.
L’accord conclu en 2015 est censé empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique et le sortir parallèlement de son isolement économique grâce à une levée des sanctions qui l’étranglaient.
Mais en sortant de l’accord, Donald Trump a rétabli une série de lourdes sanctions visant aussi les entreprises ou pays étrangers qui continueraient de faire des affaires avec Téhéran. Sous la menace, nombre de grands groupes (Total, Daimler…) très engagés aux Etats-Unis ont depuis cessé toute activité avec l’Iran par craintes de représailles américaines.
Le 4 novembre, une nouvelle vague de sanctions frappera directement les exportations de pétrole iraniennes et les opérations bancaires avec ce pays, qui va se retrouver de facto déconnecté des circuits financiers internationaux.
Les nouveaux canaux de paiement doivent « rassurer les acteurs économiques », a souligné devant la presse Federica Mogherini.
Il s’agit de préserver les bénéfices économiques attendus par l’Iran en échange de son maintien dans l’accord et de son renoncement à un programme nucléaire militaire, a-t-elle expliqué en substance.
Lundi, le président iranien Hassan Rohani a affirmé à la chaîne de télévision NBC que son pays avait choisi de rester pour l’instant dans l’accord nucléaire.
L’Iran détient les quatrièmes réserves mondiales prouvées de pétrole et nombre de pays, en Asie particulièrement, ont besoin de se fournir en brut iranien, d’autant que leurs raffineries sont spécialement conçues pour traiter cette variété de pétrole et pas une autre.
Les Européens sont déterminés à sauvegarder l’accord afin de prévenir une reprise du programme iranien susceptible de déclencher une course à l’arme atomique dans la région.
Ils s’inquiètent aussi d’un affaiblissement du président iranien Hassan Rohani, ardent défenseur de l’accord nucléaire mais qui, pour l’heure, n’en a pas engrangé les bénéfices économiques escomptés, au profit des éléments les plus radicaux du régime.
« La préservation de l’accord est dans l’intérêt de la communauté internationale », a martelé Mme Mogherini.
(AFP)