Les iraniennes contre le port obligatoire du voile…

Depuis son instauration en 1979, la République islamique d’Iran oblige les femmes à  couvrir tout leur corps et à ne laisser apparaître que leur visage et leurs mains. Une brigade spécifique dite «police des mœurs» est appelée à veiller au bon respect de l’application de cette loi. Toute femme surprise «mal voilée» est immédiatement arrêtée, conduite au poste de police où elle sera photographiée au même titre qu’une vulgaire criminelle puis, s’il y a lieu et que le chef du poste de police le juge nécessaire, condamnée à payer une amende.

Lundi dernier, 29 janvier, alors que les rues de la capitale étaient recouvertes d’un épais manteau de neige, une jeune fille, bravant le froid et la peur du policier, est monté sur un bloc de pierre d’environ un mètre de hauteur, a ôté son voile blanc et l’a noué autour d’un long bâton qu’elle s’est mise à agiter, les cheveux au vent, durant quelques instants pour attirer l’attention des passants.

Un ruban de couleur verte symbolisant le mouvement de protestation qui s’était soulevé en 2009 contre la réélection contestée du président populiste Ahmadinejad (2005/2013) était noué autour du poignet. La jeune femme qui a pour nom Narges Hosseini a été arrêtée. Il n’en fallait pas plus, cette fois-ci, pour que sa photo circule immédiatement sur les réseaux sociaux poussant d’autres femmes à faire de même en d’autres villes du pays en utilisant des foulards rouges et blancs.

Le lendemain, c’est un jeune homme portant un tee-shirt blanc qui, à Téhéran, est monté sur le même bloc de pierre que Narges Hosseini et qui, pour montrer sa solidarité avec toutes ces iraniennes qui souhaiteraient être libres de se vêtir comme elles l’entendent a brandit un foulard blanc en demandant aux passantes de lui communiquer leurs prénoms en criant à leur adresse « Votre nom est le mien».

Le lendemain, à la surprise générale, c’est une femme en tchador noir qui, dans la ville très religieuse de Machhad au nord-ouest de l’Iran, est montée sur un bloc de pierre en agitant un foulard blanc pour montrer que même les religieuses soutiennent leurs compatriotes qui dénoncent le port obligatoire du voile.

Mais tout ceci ne doit rien au hasard car ce mouvement de dénonciation et de révolte a commencé le 27 décembre dernier lorsque Azin Movahed était montée sur ce bloc de pierre les cheveux au vent en brandissant son foulard blanc noué autour d’un long bâton. Immédiatement arrêtée par la police, l’intéressée a été relâchée quinze jours plus tard sans que l’on sache si elle a fait l’objet d’un procès judiciaire. Tout ce que l’on peut dire c’est que son action semble avoir fait tache d’huile puisqu’en l’espace d’une semaine, elle s’est étendue à tout le pays.

La coïncidence de cet évènement avec le début des manifestations qui avaient secoué le pays le mois dernier, avait fait de cette femme le symbole de la contestation alors même que les deux phénomènes n’avaient rien de commun sinon le ras-le-bol contre le régime des Mollahs.

Ainsi, à la fin de Décembre 2017, il avait été annoncé officiellement par le régime que la fameuse «police des mœurs» n’allait plus procéder à l’arrestation des mal-voilées mais qu’en tenant compte de  la place importante que le président modéré Hassan Rohani veut accorder aux femmes dans la société, ces dernières seront appelées à suivre «des cours portant sur les bienfaits du port correcte du voile». Cette décision a été contestée notamment depuis que les Saoudiennes peuvent assister aux matchs de foot-ball des équipes masculines – ce qui n’est pas le cas des iraniennes – alors que les autorités de Téhéran ne se privaient pas de vanter les «privilèges» accordées aux femmes iraniennes comme le droit de conduire, de voter ou encore d’étudier et que les saoudiennes en étaient privées. Une jeune iranienne de 34 ans dira, à ce propos que «les iraniennes ont l’impression qu’en une nuit, les saoudiennes les ont devancées».

Les deux régimes – celui des Mollahs et celui des Gardiens des Lieux Saints de l’Islam – qui se disputent le leadership de la région vont-ils continuer leur combat par femmes interposées?

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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