La bonne gouvernance au Maroc

Point de vue

Par Ouzren Lamia

La nouvelle constitution qui accorde une place de choix à la gouvernance, elle insiste explicitement sur la promotion des mécanismes de la bonne gouvernance, de moralisation de la vie publique, de lutte contre la corruption, de consécration des principes de transparence, de responsabilité et de la reddition des comptes, et ce à travers la constitutionnalisation des institutions et instances de protection des droits et libertés, de la bonne gouvernance, du développement humain durable, de la démocratie participative, ainsi que les organisations de protection des droits de l’Homme.

Les Hautes Orientations Royales visant à asseoir les bases d’une bonne gouvernance et à améliorer la qualité des services publics comme étant des préalables à la réalisation du développement durable de notre pays et à l’amélioration des conditions de vie des citoyens.

Le programme du gouvernement dont la gouvernance constitue la pierre angulaire. En effet, il accorde un intérêt particulier à la gouvernance dans toutes ses dimensions : administrative, judiciaire, sociale et économique. Cet intérêt s’est matérialisé par la création, pour la première fois au Maroc, d’un Département Ministériel chargé de la gouvernance.

Origine, signification, généalogie et les champs de rattachement :

La gouvernance ou, plutôt, la «Bonne gouvernance», est aujourd’hui un concept qui vaut jugement moral.

Le terme «gouvernance», nous apprend Bernard Cassen, a une histoire chargée et n’est pas le fruit du hasard. Utilisée en ancien Français du XIIIeme siècle comme équivalent de «Gouvernement» (l’art et la manière de gouverner), il passe en anglais «Gouvernance » au siècle suivant avec la même signification. Puis il tombe en désuétude. Son grand retour s’effectue à la fin des années 1980 dans le discours de la Banque mondiale, repris par les autres agences de coopération, le Fonds Monétaire International (FMI) et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Les institutions financières internationales ont en effet pris conscience qu’il était impossible de tout régler par des réformes économiques et de continuer à reléguer les questions politiques et sociales au second plan dans le débat sur le développement. Peu à peu, il est apparu qu’aucun projet économique ne pouvait aboutir sans une légitimité politique et une efficacité minimum des institutions politiques. Le politique a donc bien vite été perçu comme un obstacle au bon fonctionnement des marchés et d’une manière générale à la progression du libéralisme dans ces pays. Ghazi Hidouci considère cela comme une «évolution du concept : de l’économie au politique».

Le terme de gouvernance sera à partir de là transposé sans restriction, du monde de l’entreprise à celui du pouvoir politique.

Signification

«Gouvernance» et «bonne gouvernance» sont des mots clés actuellement utilisés dans la littérature sur le développement.

La mauvaise gouvernance est considérée comme l’une des sources des maux de nos sociétés. Les principaux donateurs et institutions financières internationales accordent de plus en plus leurs aides et leurs prêts à la condition que des réformes garantissant une « bonne gouvernance  » soient prises. Alors que signifient en fait la « gouvernance » et la « bonne gouvernance »?

Gouvernance

Le concept de « gouvernance » n’est pas nouveau. Il est aussi vieux que la civilisation humaine. C’est le processus de prise et d’application des décisions. La gouvernance peut être utilisée dans plusieurs contextes: entrepreneurial, international, national et local.

Le gouvernement est l’un des acteurs de la gouvernance. D’autres acteurs sont impliqués selon le niveau et la région concernés. Dans les campagnes, par exemple, d’autres entités peuvent  intervenir tels, les coopératives, les ONG, les instituts de recherche, , les institutions financières et les partis politiques. Au niveau national, les média, les lobbyistes, les pourvoyeurs de fonds internationaux, les multinationales, etc. peuvent jouer un rôle au cours de la prise de décision et en influencer la procédure.

La bonne gouvernance

Selon la banque mondiale, la bonne gouvernance signifie «la manière par laquelle le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays au service de développement».

Dans ce sens, la «bonne gouvernance» constituerait dons l’optimisation de tous les moyens humains, financiers, techniques… afin d’atteindre un objectif ultime : le changement organisationnel.

La bonne gouvernance repose sur huit caractéristiques majeures. Elle repose sur la participation, recherche le consensus et se montre responsable, transparente, réactive, efficace, équitable, inclusive et respecte la force de la loi. Elle veille à ce que la corruption soit minimisée, les vues des minorités prises en compte et les voies des membres les plus vulnérables de la société entendues lors des prises de décision. De même, elle doit répondre aux besoins actuels et futurs de la société.

Les piliers

Participation : La participation tant des hommes que des femmes est une pierre angulaire de la bonne gouvernance. La participation peut être directe ou passer par l’intermédiaire d’institutions ou de représentants légitimes. Il est important de souligner que la démocratie représentative ne  signifie pas nécessairement que les préoccupations des membres les plus vulnérables de la société seraient prises en considération lors des prises de décisions. La participation exige la circulation des informations et une certaine organisation. Ce qui revient à respecter d’une part la liberté d’association et d’expression et d’autre part une société civile organisée.

L’autorité de la loi : La bonne gouvernance requiert un cadre juridique légal et juste appliqué en toute impartialité. Elle requiert aussi le respect total des droits de l’homme et notamment ceux des minorités.

Transparence : La transparence implique que la prise de décisions et leur application obéissent aux règles et aux réglementations. Elle signifie aussi que l’information est disponible et accessible à tous ceux qui seront affectés par de telles décisions et leur application.

Réactivité : La bonne gouvernance requiert que les institutions et les procédures essaient de servir toutes les parties prenantes dans un délai raisonnable.

Recherche du consensus : Il y a autant d’acteurs que de points de vue dans une société donnée. La bonne gouvernance requiert une médiation entre les différents intérêts de la société pour atteindre un large consensus sur ce qui est dans le meilleur intérêt de toute la communauté et la manière dont il convient de l’atteindre.

Equité et absence d’exclusion : Le bien être d’une société est atteint lorsque tous ses membres estiment en faire partie et ne se sentent pas exclus de la société. Ce qui implique que tous les groupes mais notamment les plus vulnérables aient l’opportunité d’améliorer ou de maintenir leur bien-être.

Efficacité : La bonne gouvernance signifie que les procédures et les institutions produisent des résultats qui répondent aux besoins de la société tout en faisant la meilleure utilisation des ressources à leur disposition. Le concept d’efficacité dans le contexte de la bonne gouvernance couvre également l’utilisation durable des ressources naturelles et la protection de l’environnement.

Responsabilité : La responsabilité est une exigence clé de la bonne gouvernance. Non seulement les institutions gouvernementales mais aussi le secteur privé et les organisations de la société civile doivent être responsables vis-à-vis du public mais aussi vis-à-vis de leurs parties prenantes institutionnelles. La responsabilité ne peut pas être mise en œuvre sans transparence et sans autorité de la loi.

La situation au Maroc

La mondialisation offre de nouvelles possibilités pour tous les pays de bénéficier de manière efficace de la libéralisation des échanges, des investissements, des flux de capitaux et des mutations techniques, afin de s’engager dans la dynamique d’intégration économique mondiale.

Si étymologiquement, le terme gouvernance trouve ses origines dans la langue française dès le 13ème siècle, celui-ci a vu sa signification évoluer aux grès des transformations de sociétés qui l’adopteront, notamment anglo-saxonnes.

En France, dès son origine médiévale, les termes gouvernance, gouverne et gouvernement renvoient à la même signification qui est celle de l’action de piloter ou guider quelque chose, ou encore l’art et la manière de gouverner et ce en rapport avec la métaphore du gouvernail d’un navire.

Dès l’âge classique où le concept de l’Etat-moderne émerge à partir du 16ème siècle, le terme gouvernance commence à prendre distance en s’autonomisant vis-à-vis de la notion de gouvernement. Celui-ci indique dans le contexte naissant que le pouvoir reste l’apanage de l’état qui en est le centre et dans l’exercice, se ferait sur une population qui serait circonscrite dans un territoire donné.

Aussi pour reprendre le cas Français de l’époque, le terme gouvernement prenait implicitement place au niveau des collectivités locales par la délégation de l’autorité de l’état.

Aux Etats-Unis, les termes gouvernance et gouvernement étaient utilisés d’une façon équivalente depuis la création de l’état-fédéral. C’est bien l’idéologie libérale des fondateurs de ce pays qui justifia l’équivalence de ces deux termes.

On remarque aussi cette équivalence en Angleterre ou traditionnellement les collectivités  locales conservent une certaine indépendance politique vis-à-vis du gouvernement central.

L’état conserve son rôle de gendarme (régalien) tout en participant, avec les autres pans de la société, à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques publiques.

Notion et changement organisationnel :

Dans une étude parue à la Revue International des Sciences Administratives de 1988 , deux auteurs américains ont arrivé à démontrer qu’il existe quatre catégories de réformes administratives qui correspondent à quatre définitions :

La première liée au changement en profondeur;

La deuxième, liée à l’amélioration des techniques de gestion interne des organismes et des secteurs bien précis;

La troisième serait l’amélioration des méthodes utilisées pour assurer les services;

La dernière est liée à la décentralisation et à la démocratisation.

C’est à peu près à cette typologie que conclut le XXème congrès international de l’Institut International des Sciences Administratives d’Aman de 1986 consacré à l’évolution économique et à la réforme administrative. Les rapports dégagés des rapports nationaux peuvent être classés en quatre catégories : Limitation des coûts de personnel ; Limitation des effectifs ; Amélioration de l’administration ; La décentralisation.

En d’autres termes, la mise  à niveau administrative est définie comme étant la capacité de l’administration d’être à la hauteur d’un référent vers lequel on évolue : le modèle d’administration capable d’affronter le 21ème siècle.

Les niveaux du changement organisationnel concernent deux niveaux:

L’organisation elle-même, c’est à dire sa culture, sa structure, et son personnel;

Le changement de la stratégie qui peut concerner la vision de la stratégie, le portefeuille d’activités, le positionnement stratégique et les ressources de l’organisation;

En ce qui concerne les formes du changement organisationnel, deux courants principaux se dégagent des travaux de plusieurs auteurs tels que Tushman, et Romanelli (1985), Miller, et Friesen (1984).

D’après ces auteurs, il y a deux formes du changement organisationnel :

Un changement qui ne provoquerait pas des transformations majeures, mais se contenterait d’ajuster les orientations de la stratégie déjà existante.

Un changement radical, qui va révolutionner toute l’organisation existante.

D’après cela, nous pouvons dire que les organisations publiques marocaines ont connu plusieurs changements organisationnels, chose qui a influencé sur la culture organisationnelle.

Ce concept de culture d’entreprise a connu un grand succès il y a quelques années, certains auteurs (Peters et Watermann, Le Prix de l’excellence, 1983) la présentant comme l’un des principaux facteurs de performance de l’entreprise. Perçu comme un phénomène de mode par certains, il n’en demeure pas moins que la culture d’entreprise permet une approche spécifique de chaque firme, ce qui constitue une des conditions de l’efficacité de l’analyse stratégique.

Pour Maurice Thevenet, la culture d’entreprise est «un ensemble de références partagées dans l’organisation, construites tout au long de son histoire en réponse aux problèmes rencontrés dans l’entreprise».

La culture organisationnelle est une dimension très importante même si ce n’est pas une dimension directement visible. La culture organisationnelle permet de donner une cohérence à l’organisation, de l’orienter de manière pérenne dans le temps, d’avoir des objectifs cohérents.

La culture est en grande partie explicative du succès de l’organisation. Mais évidemment, la culture de l’entreprise n’est pas neutre pour les salariés, qui doivent s’en imprégner, ils doivent changer leurs comportements, leurs attitudes, leurs habitudes, etc.

Le gouvernement est convaincu de la nécessité de prendre des mesures rapides et efficaces pour  réhabiliter le service public. Ces mesures doivent permettre de traduire dans le vécu des citoyens et des fonctionnaires les valeurs et les principes fondamentaux sur lesquelles doit reposer le fonctionnement de nos services publics.

Orientations pour améliorer la gouvernance

À cet égard, le Maroc doit donner la priorité à l’amélioration de la gouvernance et la consolidation des fondements de l’intégrité, de la transparence et de la responsabilisation conformément à des orientations principales, notamment :

1 : renouvellement des approches de planification comme moyen efficace pour la bonne gouvernance par la promotion d’une culture de responsabilisation, l’évaluation des programmes et des projets, la mise en œuvre de mécanismes de veille stratégique et la connaissance approfondie de la société ;

2 : rationalisation et interactivité du système de prise de décision, en orientant les efforts vers plus de transparence pour les acteurs politiques, économiques et sociaux ;

3 : mise en place d’une administration citoyenne moderne, se caractérisant par des structures administratives stables, par la valorisation des ressources humaines, la coordination et l’intégration des politiques publiques et la rationalisation de la gestion publique ;

4: promouvoir l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire ;

5 : donner un nouveau souffle à la politique de décentralisation, comme principal domaine pour étendre la portée de la pratique démocratique, favoriser l’organisation de la politique de proximité et la participation de la population et à surmonter la complexité et la lenteur des procédures de prise de décision ;

6 : moralisation globale de l’environnement des affaires, en renforçant les mécanismes nécessaires pour garantir la concurrence et assurer la liberté des marchés et la prévention de toutes les pratiques illégales ;

7: lutte contre la corruption, selon une approche globale et participative qui intègre des mesures préventives, contraignantes et éducatives, impliquant tous les acteurs du secteur public et privé et la société civile.

Sur la base de ces orientations, l’Instance Central de Prévention de la Corruption (ICPC) avait présenté aux autorités publiques, dans son rapport annuel de 2009, un ensemble de propositions et de recommandations réorganisées dans le cadre d’une plateforme recommandations prioritaires, dont notamment :

La préparation d’une loi garantissant l’accès inconditionnel à l’information, modifiant l’article 18 du Statut général de la fonction publique relatif du secret professionnel ;

L’accélération de la mise en œuvre du programme e-administration (administration électronique) ;

L’introduction d’une législation et des textes d’application pour prévenir les conflits  d’intérêts ;

L’adoption d’un système moderne et approprié pour la gestion des ressources humaines,

En ce qui concerne le renforcement du système judiciaire et la promotion de son rôle dans la lutte contre la corruption, l’Instance propose la mise en œuvre de 22 dispositions classées en 6 principales propositions à savoir :

Le renforcement de l’indépendance de la magistrature ;

La promotion de l’intégrité dans le secteur de la justice ;

Le renforcement de la transparence de l’activité judiciaire,

L’accroissement de la compétence du système judiciaire, La garantie de l’efficacité du système judiciaire,

L’adoption d’un système judiciaire spécialisé dans la lutte contre la corruption.

Bases constitutionnelles

Selon la nouvelle Constitution de 2011, le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire, et sociale, fondée sur la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative, et les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes, en mettant l’accent sur le fait que l’organisation territoriale du royaume est décentralisée basée sur la régionalisation avancée.

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