La communication politique… c’est quoi au juste?

A l’approche des élections au Maroc, le phénomène électoral, de son volet discursif à son intérêt pour l’image, se voit dans l’obligation de faire appel à la communication politique. Outil indispensable jusqu’à devenir une matière à la mode dans les pays les plus développés démocratiquement, la communication se voit convoitée par tout aspirant au pouvoir. Toutefois, son objet demeure des plus méconnaissables de nos hommes politiques. D’où la nécessité d’approcher ce concept de la manière qui nous semble adéquate à un pays, toujours à la recherche d’une définition de ce phénomène, indispensable pour mieux appréhender la chose politique.

La communication politique se voit comme un ensemble de théories et de techniques servant l’action politique. Son objet intéressant trois acteurs de la vie politique (politiques, médias, public), consiste à répondre aux intérêts de ces trois constituants des espaces public et politique.

Dans les sociétés démocratiques modernes, communiquer est un droit appartenant à tout un chacun. Toutefois, il reste à définir ce qu’est «communiquer» , qui relève plus d’un acte et droit civiques, et la différence qu’il exige d’être devant «parler», qui tend plus vers une connotation historique du langage ; le rapportant à la naissance de la parole d’où découlera une forme plus sophistiquée qui prendra le nom de «communication».

Ceci dit, nous voyons d’emblée sauter aux yeux une première évolution de la «parole» vers la «communication» qui s’en approprie la définition mais s’en voit plus raffinée par un ensemble de règles dont la plus importante réside dans la valorisation d’autrui, du récepteur en l’occurrence, devenant selon le modèle bilatérale de la communication, à son tour émetteur.

Relations-PresseDans le monde moderne, il faut dire que la communication en tant que champ de recherche s’est vue sollicitée par diverses disciplines (histoire, philosophie, droit, psychologie, biologie, informatique, mathématique, linguistique etc.), rassemblant par ce fait sciences exactes, sociales et humaines ; le caractère à la fois théorique, technique et pratique de la communication étant utile pour servir leur objet d’étude et subvenir aux différentes perspectives de recherche à toutes ces disciplines.

Et ce n’est pas fortuit de voir la politique réserver un tel engouement pour la communication et ce depuis des siècles (démocratie athénienne) ou encore, aujourd’hui, pour l’établissement d’une démocratie participative suivant les socles du modèle égalitariste dans la prise de parole (iségoria) dans l’Assemblée du peuple pour asseoir une Vox populi libre de se manifester (parrhésia) tel fût le cas dans la Cité athénienne d’Aristote, qui, quant à lui, octroie à l’Homme deux valeurs précieuses (nature sociale/nature symbolique) et qui exigent des règles strictes pour régir le fonctionnement de la Cité et encourager la vive participation aux affaires publiques.

Pour éclaircir davantage cette idée philosophique aristotélicienne, les psychologues humanistes du 20e siècle attestent que la nature interdépendante de l’être humain le pousse impérativement à établir le contact avec autrui, allant même jusqu’à dire que cette matière est un besoin vital (hors le cas d’une anomalie mentale) !

La communication permet donc la construction des ponts qui nous relient les uns aux autres et nous regroupent. Et c’est cette réalité que les acteurs que nous sommes, en ces temps modernes, avons saisi et compris.

Par ailleurs, et après cette mise en situation par rapport au concept interdisciplinaire qu’est la «communication», il serait maintenant temps de relier l’exercice communicationnel à la sphère politique, ou à la politique tout court, pour ainsi nous arrêter sur l’acception que nous donnons à la communication politique.

Commençons alors dans un premier temps par livrer notre propre définition de la « Communication politique »et qui fera l’objet d’un point de décollage avant de ne s’engager dans le rôles et les différentes conceptions de cette discipline. Toute communication politique nécessite une politique communicationnelle qui à son tour requiert la présence d’acteurs fondateurs dont chacun constitue l’une des chaînes indispensables à la naissance d’interactions interinstitutionnelles œuvrant à l’atteinte d’objectifs spécifiques et ce, au sein de n’importe quel régime politique, des plus rigides au plus souples.

Nous nous situons d’ores et déjà par rapport au champ hôte de notre communication et qui n’est autre que la politique. Le mariage de ces deux sœurs -parfois ennemies- s’opère en la présence indispensable des trois acteurs principaux assurant soit sa mise en œuvre, ou encore, l’entravant. Ces acteurs sont les politiques, les médias puis le public.

Ayant cité les trois acteurs phares de la communication politique, enchaînons par notre deuxième définition à cette discipline et laquelle constitue sa complémentarité mais également.Contrairement à l’exercice primaire de converser pour assurer un rapprochement, le but premier de la communication politique et la condition impérative pour que cette dernière puisse être effective d’un point de vue sémantique (au niveau de son acception) et efficiente d’un point de vue objectif (au niveau du terrain), c’ est de pouvoir pousser au rapprochement les trois acteurs avant même l’intention de converser : la volonté de discuter engendrant naturellement la volonté du rapprochement, la volonté de se rapprocher ne justifiant aucunement la volonté de discussion.

Par ailleurs, la communication politique est aussi  un champ regroupant des protagonistes (politiques, médias, citoyens) à forces d’expression inégales et disproportionnées et ce même dans une démocratie, – régime lequel censé être des plus souples -. Son caractère d’«outil», et c’est  là son deuxième rôle, lui permet de servir des intérêts tantôt communs, tantôt personnels – ou encore les deux intérêts à la fois! -.

Nous constatons déjà s’établir un rapport de force que causent l’absence d’égalité des forces entre les trois acteurs en question. Mais précoce serait à ce stade d’intégrer les rôles des médias et des citoyens pour cerner l’objet de la communication politique. Nous préférons donc nous arrêter un moment sur l’élément auquel et duquel raisonne le plus ce concept de communication politique à savoir, le Politique même !

Il est à dire que dans notre monde moderne – ou pas -, les innovations technologiques ont indubitablement changé la conception des liens interpersonnels ; d’où résulte une retraduction de la notion de « lien social » en tant que concept sociologique. La rapidité des flux émoussant le sensoriel et le cérébral ont produit un Homme dépendant de toutes les formes de consommation, notamment, celle de l’information et de l’image. Et c’est à ce niveau que les hommes politiques ont enfin pu comprendre le caractère crucial de la mise en œuvre des stratégies de communication- en changement perpétuel – en vue d’une meilleure appréhension des aspirations de leurs électeurs ; ou du moins comme le souhaiteraient la logique et les bases fondatrices du suffrage universel, en vue de mieux servir l’intérêt du peuple qui en délibère dans l’espace public virtuel (le Web) ou à travers leurs représentants (au niveau du parlement). Là, nous sommes bel et bien dans la conception délibérative de la communication politique qui, selon Jacques Gerstlé, tient du caractère consubstantiel de la communication et de la politique dans une démocratie délibérative qui, selon Joshua Cohen, requiert de manière impérative une association démocratique, fruit d’un processus argumentatif et de raisonnement auquel ont contribué des citoyens égaux, satisfaits du cadre adéquat à une délibération publique libre que leur offrent leurs institutions.

Etant une condition sine qua non pour un exercice démocratique sain, la concurrence se voit aux portes de tous les candidats aux élections. Mais juste avec l’avènement du Web et le pullulement des idéologies d’une vidéosphère permanemment évolutive, ce que Raymond Aron avait qualifié de «concurrence pacifique» a changé selon nous – tout en gardant l’oxymore – en une «une guerre pacifique». Et quand il s’agit de guerre, tous les moyens sont bons pour s’en sortir sain et sauf, ou du moins avec les moindres dégâts. Cela oblige à évoquer les conceptions compétitive et instrumentale de la communication politique. La deuxième servant la première tout en lui ôtant sa bonne foi à l’esprit compétitif qui consiste du point de vue du théoricien de la communication et des médias Jay G. Blumler à «influencer et contrôler, grâce aux principaux médias, les perceptions publiques des événements politiques majeurs et des enjeux». Acte par lequel ladite conception instrumentale de la communication dans la politique mutile radicalement la vision œcuménique qui définit la communication politique comme un «processus interactif concernant la transmission de l’information entre les acteurs politiques, les médias d’information et le public» et par conséquent – et paradoxalement – ronge la consubstantialité de la communication et de la politique pour ainsi les ranger subséquemment dans deux environnements distincts en tant que deux notions dichotomiques et compromettre, par ce fait là, le bon chemin qu’elles peuvent ensemble emprunter pour l’atteinte de l’idéal démocratique au sein d’une société donnée !

Dans ce sens, nous pouvons bel et bien accorder au Web l’étiquette d’ « unificateur » par sa capacité à livrer un espace discursif pour faire part de son opinion et s’engager dans la vie politique et le débat démocratique. Toutefois, nous percevons que cette perception est très simpliste car, pour nous, l’opinion publique s’y voit annihilée.

L’annihilation de l’opinion publique

L’optimisme lié par rapport à la prédisposition du Web à concilier le citoyen et son «action politique» afin de réanimer la volonté de la participation électorale se voit évaporé. La cyberdémocratie est un concept loin d’être à même de reconquérir la confiance d’un citoyen en déperdition constante de son droit de revendiquer pacifiquement la refonte de sa propre perception du «politique» avant même son droit d’élire ses représentants lesquels opèrent selon les prérogatives – sacrées – de la Constitution, seule référentiel dominant, tant sur le plan expressif que pragmatique. Une réalité que nous remarquons clairement dans le volet consacré à la liberté d’expression  qui stipule que «libre est au citoyen de s’exprimer sans porter atteinte à la personne du roi – chose que l’on peut comprendre et que l’on s’oblige à respecter pour la simple raison que notre pays est le mieux placé démocratiquement par rapport à ses voisins du Maghreb qui connait un désordre accablant. Nous sommes une sorte «d’ordre dans le désordre» et c’est là, encore, l’une des raisons qui nous poussent à être fiers de cette adaptation. Mais il faut le dire haut et fort : la toile marocaine contient plus de surveillants que de surveillés.

Ce n’est tout de même pas fortuit de la part des Etats de veiller sur la toile d’araignée et censurer ce qui s’y produit comme opinions détracteurs ou prônant la réformation de la réforme, ou du moins, de certains de ces aspects nuisibles aux droits civiques et que livrent les divers commentaires via les réseaux sociaux.

Pour le citoyen marocain, la démocratie est présente tant que sa propre survie – et non sa vie – est assurée. Le boire et le manger garantis, le marocain se sent rassasié de valeurs démocratiques. Cette vision individualiste de la joie de survivre – seulement- engendre naturellement une mise à l’écart du sentiment de «concitoyenneté», plus fort que la simple «citoyenneté». Ce dernier en ressort une «incommunication intra-personnelle» qui n’est pas l’absence de communication mais tout au contraire, la diffusion d’un bon nombre de messages avec soi-même dans un but de se démarquer de son environnement et de ne plus se soucier de la satisfaction de ses concitoyens quant à leurs droits. Avec le net, la philosophie du groupe s’éteint pour laisser place à l’individualisme ou le rejet du citoyen par son concitoyen, jusqu’à l’extermination et l’éradication de l’amour du pays. Le réel !

Ahmed Mesk

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