La France en zone de turbulences politiques après les législatives

Avec une Assemblée nationale sans majorité claire

Emmanuel Macron apparaît isolé lundi au centre d’un paysage politique sens dessus dessous, avec une Assemblée nationale sans majorité claire, où son camp recule fortement au profit de la gauche et de l’extrême droite, et le risque désormais d’un pays ingouvernable.
« Ma hantise, c’est que le pays soit bloqué », a déclaré lundi matin la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire, alors que la France avance politiquement en terre inconnue, seulement deux mois après la réélection du président Emmanuel Macron.

« Il va falloir de l’imagination, de l’audace, de l’ouverture », a-t-elle estimé, réitérant l’idée d’une main tendue à destination de « tous ceux qui veulent faire avancer le pays ».
« Cette situation inédite constitue un risque pour notre pays », avait mis en garde la veille la Première ministre Elisabeth Borne, élue de justesse dans le Calvados, en promettant de travailler dès lundi à « construire une majorité d’action », car « il n’y a pas d’alternative ».
Les tout prochains jours s’annoncent agités pour M. Macron. Il va devoir manoeuvrer sur le front intérieur, avec un remaniement de son gouvernement « dans les prochains jours » selon Mme Grégoire, au moment même où il sera happé dans un tunnel d’obligations internationales (Conseil européen, G7, sommet de l’Otan).
Le chef de l’Etat « est déterminé à continuer à agir pour l’intérêt supérieur des Françaises et des Français », assure son entourage.

Mme Borne, qui fera son discours de politique générale devant les députés le 5 juillet, va, elle, affronter immédiatement de fortes turbulences, d’autant que l’exécutif souhaite pousser avant les vacances d’été un projet de loi sur le pouvoir d’achat, en pleine flambée de l’inflation.
Si l’opposition de gauche réclame sa démission et promet « une motion de censure » contre son gouvernement, la Première ministre reste à son poste, a indiqué Mme Grégoire, au moment où des poids lourds du gouvernement ayant échoué à se faire élire vont le quitter (Amélie de Montchalin à la Transition écologique, Brigitte Bourguignon à la Santé et Justine Benin à la Mer).

Les macronistes d’Ensemble! ont perdu la majorité absolue fixée à 289 sièges sur 577: ils comptent désormais 245 députés, devant la coalition de gauche Nupes et ses alliés (137 sièges) et le Rassemblement national, qui réalise une percée historique (89 sièges), selon un décompte AFP, avec un taux d’abstention de 53,79%.
Après cinq années où les députés de la majorité présidentielle avaient voté tous les projets du chef de l’Etat pratiquement sans discuter, celui-ci hérite à la place d’une Assemblée nationale où vont désormais siéger deux oppositions puissantes qui lui sont résolument hostiles et pilonnent depuis des semaines ses projets de réforme, dont celle très sensible des retraites.
Dans ces conditions, M. Macron pourrait-il choisir de dissoudre ? « Au moment où je vous parle, non », assure Mme Grégoire.

Pour elle, l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat devrait constituer « l’épreuve de vérité » pour le RN et la Nupes, constituée de quatre partis (LFI, EELV, PS, PCF) aux visions parfois divergentes.
A LFI, le numéro deux Adrien Quatennens assure que « le pays n’est pas bloqué » mais que « l’on va assister plus que jamais à une forte parlementarisation de la vie politique du pays », ce qui est « une bonne chose ».
Pour Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’université Panthéon-Sorbonne, le second mandat de M. Macron sera en tout cas « un quinquennat de négociations, de compromis parlementaires. Ce n’est plus Jupiter qui gouvernera ».

A gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui doit renoncer à son espoir d’être « élu Premier ministre », s’est félicité d’une « déroute totale » du parti présidentiel, en annonçant que la Nupes allait « mettre le meilleur » d’elle-même « dans le combat » parlementaire. Même si le score de la Nupes ressemble finalement à un succès en demi-teinte.
« Comptez sur nous pour être extrêmement offensifs », a promis la députée de Seine-Saint-Denis Clémentine Autain, réélue elle aussi, à l’Assemblée nationale lundi matin.
Ensemble! devra aussi composer avec un Rassemblement national nettement renforcé qui, avec 89 sièges, constitue la grande surprise de ce deuxième tour. Le RN, qui ne comptait que huit députés élus en 2017, pourra former un groupe parlementaire pour la première fois depuis 1986.

« Je ne reprendrai pas la tête du RN. Je me concentrerai sur la présidence de ce très grand groupe », a déclaré lundi Marine Le Pen. La finaliste à la présidentielle a aussitôt réclamé que la présidence de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, aux pouvoirs étendus, revienne à un député du parti de Marine Le Pen.
Le poste est aussi revendiqué par LFI.
Les Républicains (LR), qui représentaient la deuxième force dans l’Assemblée sortante, conservent quelque 70 députés avec leurs alliés de l’UDI et des centristes, un chiffre quasi inespéré vu leur crash à la présidentielle. Leur position sera centrale dans l’Assemblée puisque le camp Macron aura besoin de voix pour atteindre la majorité absolue.
Le chef du parti Christian Jabob a affirmé que LR resterait « dans l’opposition » mais le maire LR de Meaux Jean-François Copé appelle à un « pacte de gouvernement » avec Emmanuel Macron, estimant qu' »il appartient à la droite républicaine de sauver le pays ».

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