La guerre d’Ukraine a-t-elle fait chuter le gouvernement bulgare ?

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Arrivé au pouvoir il y a six mois, à la tête d’une coalition hétéroclite, avec pour objectif d’éradiquer la corruption qui gangrène une bonne partie de la classe politique du pays, Kiril Petkov, le Premier ministre bulgare, libéral, pro-européen, qui s’était imposé comme porte-drapeau d’une Bulgarie décidée à rompre avec la décennie (2009/2021) du controversé Boïko Borissov qui fut émaillée de scandales de corruption a été évincé du pouvoir par la motion de censure qui a été adoptée la semaine dernière par 123 voix contre 116.

Si les raisons de ce « renvoi » sont multiples, elles trouvent, pour la plupart d’entre elles, leur raison d’être dans la guerre d’Ukraine qui, à en croire Rouslan Stefanov, chercheur au Centre d’Etude de la Démocratie (CSD) auprès de l’AFP, aurait « accentué les divisions et fragilisé le gouvernement » à telle enseigne que la coalition gouvernementale bulgare se serait disloquée au fur et à mesure de l’avancée des troupes russes en Ukraine.

La flambée des prix des produits de première nécessité consécutive à l’invasion de l’Ukraine ayant  mis à nu l’incapacité du gouvernement bulgare à la juguler, ce dernier a immédiatement perdu le soutien du  parti antisystème ITP qui est devenu très critique à son endroit.

Un autre point de discorde a trait au fait que, bien qu’elle ait toujours été proche du Kremlin, donc traditionnellement pro-russe, la Bulgarie qui est, également, membre de l’Union européenne, a soutenu, sans réserves, les sanctions européennes contre Moscou et même refusé d’ouvrir, comme le lui avait demandé la Russie, un compte en roubles pour le paiement de son gaz en dépit de sa trop grande dépendance à l’énergie russe  – ce qui a eu pour conséquence immédiate, une coupure de l’électricité, forcément impopulaire.

L’autre point d’achoppement a trait à la décision du Premier ministre Kiril Petkov afférente au renvoi de 70 membres du personnel diplomatique russe qu’il a accusés de « travailler contre les intérêts bulgares » ; ce que Korneliya Ninova, la vice-Première ministre et cheffe du Parti Socialiste Bulgare (BSP), qui est « en profond désaccord avec cette décision », a considéré comme étant « un acte sans précédent dans la diplomatie bulgare qui aura des conséquences à long terme » et ce, d’autant plus que cette décision n’a été prise ni par le Conseil des ministres ni par le conseil de la coalition au pouvoir.

Aussi, après le refus de la Bulgarie de revoir sa position malgré la mise en garde qu’elle lui avait lancé la veille, l’ambassadrice russe à Sofia, Eleonora Mitrofanova,  a fait part de son intention « d’aborder, sans délai, avec les dirigeants (russes) la question de la fermeture de l’ambassade russe en Bulgarie ; ce qui entraînera automatiquement celle de la mission diplomatique bulgare à Moscou  et mettra fin à la traditionnelle amitié russo-bulgare même si, de l’avis de Kiril Petkov, « le ministère russe des Affaires étrangères » exigera de cette dernière de « baisser le ton  parce que ce n’est pas productif » et qu’en n’ayant « pas le droit de mettre en péril » les relations bilatérales entre la Russie et la Bulgarie, Madame Mitrofanova «essaie(rait) juste de jouer sur les peurs des gens ».

Est-ce à dire que le Premier ministre bulgare sortant a raison et que l’ambassadrice de la Russie en Bulgarie a simplement fait preuve d’un excès de zèle qui lui sera reproché par son ministère de tutelle ? Attendons pour voir…

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