Farid Belkahia
Mohamed Nait Youssef
Farid Belkahia (1934-2014, Marrakech) est une figure emblématique de la modernité artistique marocaine et même arabe. Artiste majeur, Belkahia est incontestablement l’un des fondateurs et précurseurs fondamentaux de l’art contemporain. Son œuvre inscrite dans son temps, enracinée dans sa culture et ouverte sur le monde a marqué l’histoire de l’art.
C’est à l’âge de 15 ans que cet artiste à la touche unique et singulière s’est mis à peindre ses premières toiles. Après une période expressionniste, l’artiste s’envole à Paris où il avait entamé une formation à l’École nationale supérieure des Beaux-arts (de 1955 à 1959). C’est là d’ailleurs où il avait suivi l’apprentissage de sa démarche artistique dans les ateliers de Maurice Brianchon et celui de Raymond Legueult jusqu’en 1959.
Une quête de l’appartenance culturelle et identitaire le guide au Moyen-Orient où il avait effectué un long voyage initiatique, notamment à l’Égypte, à Damas, à Bagdad ou encore à Jérusalem.
Après un séjour parisien, il s’installe à Prague où il suit des cours de scénographie à l’académie de Théâtre de Prague (de 1959 à 1962).
Quelques années plus tard, le peintre entame une nouvelle aventure artistique et académique à l’Academia di Brera de Milan, de 1965 à 1966. À cette époque, le travail artistique de cet éternel voyageur prend forme, et attient surtout sa maturité. Le cercle et la flèche habitent ses œuvres. C’était en effet l’expression d’une conception particulière de l’être voire d’une dénonciation de la violence humaine.
Retour aux origines, au bercail. De 1962 à 1974, Farid Belkahia a dirigé l’Ecole des Beaux-Arts de Casablanca. L’artiste avait ce souci permanant de la rénovation et de la modernisation de l’art et de la reconstruction culturelle du pays.
Un travail qu’il a accompli avec brio aux côtés de certaines figures de proue de la peinture marocaine, de la critique et de l’enseignement des arts dont Mohamed Chebâa, Mohamed Hamidi, Mohammad Melihi, Mustapha Hafid, Tony Maraini, Jacques Azéma, Bert Flint, entre autres. Il ne faut pas l’oublier, c’est avec Belkahia, Melehi et Chebâa que le mouvement de Groupe de Casablanca avait vu le jour. Marrakech, 9 mai 1969, la place Jamaâ Lfna abrite, à l’initiative de Farid Belkahia, une exposition phare ayant marqué à jamais l’histoire de l’art moderne au Maroc. En outre, Belkahia avait un engouement pour la mémoire, la culture et la réalité historique de son pays : le Maroc. La modernité n’est pas en reste de ses préoccupations. D’où son approche internationale de la connaissance et de la création artistique de l’enseignement en recevant des artistes connus et reconnus mondialement tels que César, Lurçat, Dimitrienko et d’autres.
Effectivement, Belkahia a joué un rôle déterminant à un moment crucial de l’histoire maghrébine et postcoloniale en initiant un mouvement d’avant-garde tout en apportant une vision originelle de la modernité. Son style évolutif, novateur et créatif, l’artiste invente de nouvelles formes d’art en exploitant des matériaux empruntés aux techniques d’artisans avec une touche contemporaine.
La vie et la carrière de Farid Belkahia est marquée par ses voyages et ses rencontres artistiques et culturelles. Il a exploré de nouveaux territoires en visitant le Moyen-Orient en 1958, l’Afrique Noire (Sénégal, Nigéria, Côte d’Ivoire, Dahomey, Niger et Mali) en 1964, le Ghana et l’Amérique en 1968, le Pérou, le Mexique. L’artiste a été connu par sa maîtrise technique et une générosité artistique. Ses œuvres, teintes sur peau témoignent de ce dialogue entre tradition et modernité.
