La poésie amazighe : les thèmes de Tamedyazt

Tamedyazt a une structure cyclique, mais les thèmes qu’elle traite ne sont ni statistiquement ni sémantiquement stables. Ils sont tributaires de l’auditeur, des événements, des intentions du poète….Ce dernier peut «chanter» pour critiquer, conseiller, se plaindre, se résigner…On peut trouver une tamedyazt consacrée à un seul thème événement (crime, vole déjoué, sécheresse…). Dans ce cas, elle fonctionne comme un «journal», tient lieu de presse, épouse les événements dans les limites bien sûr que permet la censure. L’amedyaz joue le rôle du troubadour : il colporte et diffuse l’information dans des zones isolées, enclavées.

Les techniques ou procédés rhétoriques que tamdyazt utilise sont en général les images poétiques, la description ou le récit.  Quand le poème fait recours à la personnification, c’est pour en faire la toile de fond pour l’allégorie, cette figure de style lui permet d’exprimer et traduire le manichéisme du monde et de l’existence. Ce procédé lui offre le moyen de bien retenir l’attention de l’auditeur, en lui racontant une histoire et faire passer un message très symbolique accentué et confirmé par la fin de l’histoire qui implique une morale condensée en un ou deux vers.

L’emploi des figures de style (allégorie, métaphore, périphrase ; antithèse, métonymie…) fait que tamedyazt est une poésie élaborée, travaillée, un art de langage. D’ailleurs, l’amedyaz  dit et affirme que son langage, ses vers, sont «sculptés» comme le bois du menuisier, polis, agencés de façon à ce que le message soit très imagé, très «profond», suggestif. Le poète est conscient de son rôle et son devoir lui impose que ce qu’il dit, serve ou renvoie à un «modèle», car il est le veilleur et le gardien, une mémoire, une référence reconnue.  Il conçoit le monde comme un vaste champ qu’il doit cultiver, un monde où les Hommes sont la terre, la poésie, la semence et le poète, le cultivateur.

 Un mot sur la caractéristique orale et la fonction conative de Tamedyazt avant de passer à l’analyse des thèmes. Puisque elle est orale, tamedyazt implique un auditeur et par son contenu didactique, elle a une fonction conative. Ces deux propriétés nous semblent très liées dans la mesure où elles se complètent. En effet, la présence de l’auteur participe et fait partie du «rituel» que suppose tamedyazt et cette dernière porte les indices de cette présence : le poète sollicite l’attention de ceux qui l’écoutent, les invite à s’impliquer, partager, approuver, bref à réagir.

Par ailleurs, tamdyazt sur le plan formel a une structure cyclique, comme un serpent qui se mord la queue. Peut-être y verra-t-on une analogie, une similitude avec la structure cyclique des autres manifestations socioculturelles (les contes qui s’ouvrent par des formules et se ferment par d’autres) les fêtes, les rituels…Tamedyazt épouserait le mouvement du temps qui est cyclique au niveau des jours, des saisons, des années. Tout a un début et une fin comme notre existence sur terre. De plus, les formules par lesquelles le poète commence son poème sont à nos yeux une sorte d’avertissement pour l’auditeur : « que le silence se fasse, prêtez-moi votre attention, le voyage commence, nous entrons dans un autre monde, un autre univers, différent du monde quotidien banal et anecdotique. Nous embarquons vers une autre réalité qui transcende le vécu, particulière et vertigineuse, sérieuse et vraie dans son idéalisme, tragique et beauté : le monde de la littérature».

Moukhlis Mohamed

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