La référence dans la littérature amazighe

Parce qu’elle est fondamentalement orale, la littérature amazighe, particulièrement la poésie, a une fonction essentielle, caractéristique des sociétés de traditions orales : la transmission de la mémoire collective et des événements qui marquent la vie de la communauté.

Le vers poétique se présente comme moyen idéal : rythmé, court, condensant les images métaphoriques. Il permet de «retenir» l’essence du message. La poésie compense ainsi les subtilités du discours de la prose. Dans une société où l’écrit est marginal, la poésie investit la vie du groupe et traverse son existence. La poésie amazighe offre la singularité d’être un genre littéraire qui rassemble une multiplicité de sous genres poétiques dont la classification peut être interne ou externe : on caractérise le genre en rapport avec ses conditions socioculturelles de production ; on parle alors de poésie de la circoncision (Izlan n tsekra), poésie de la moisson (Izlan n tmegra)… D’autres sous genres poétique sont classés selon la forme : tamdyazt, tamawayt…On peut dire que la poésie amazighe accompagne la communauté de la naissance jusqu’à la mort. L’aède joue le rôle de l’intellectuel détenteur du savoir relatif à la culture de sa communauté. C’est lui qui inaugure les manifestations les plus importantes : mariage… C’est lui qui veille au respect des valeurs dont il est le gardien. A chaque événement, il prend position et s’exprime. Il sert de repère à sa communauté. Il réfère aux traditions, à la sagesse et au patrimoine de son groupe. Nous livrons à nos lecteurs quelques vers de poésie amazighe où le poète fait référence à un événement important ou au patrimoine collectif. Dans un vers de poésie, l’aède Adin (du village de Boumiya, décédé au début des années 90) réfère au «conte du hérisson et du chacal» dont voici le résumé : le chacal et le hérisson se promenaient dans la forêt. Sur le sentier qu’ils empruntèrent, le hérisson, symbole de l’intelligence et de la vigilance dans la littérature amazighe, flaira un piège tendu par les chasseurs. Il se retourna vers son compagnon le chacal et lui dit :

– Oncle chacal, gifle-moi !

– Et pour quelle raison s’étonna le chacal ?

– Je suis moins âgé que vous, oncle chacal, et je me suis permis de vous devancer. C’est honteux de ma part.

Le chacal acquiesça. Il avança et le piège se referma sur son pied. Il se retourna vers le hérisson et lui demanda : que dois-je faire pour m’en sortir ?

Le hérisson lui conseilla de rouler sa patte dans du sable. Le piège se resserra davantage. Il lui conseilla alors de l’enfoncer dans une flaque d’eau. Le piège se resserra davantage. Enfin il lui dit :

– Tu n’as pas d’autres choix. Coupe-toi la patte. Vaut mieux pour toi que tu marches sur trois pattes que d’être étripé par le couteau du chasseur. C’est le sens du vers suivant :

A yuccen ghas bbey adar uma lehdid imkn k,

Tuf ak twada xf krad ula kwen yazu lmus

La référence est présente aussi au niveau des proverbes amazighes. Un proverbe dit :

Ad ijjey uters iqqim lâar dat imi

La blessure guérira mais les propos blessants persistent.

Moha Moukhlis

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