«Le cinéma d’expression amazighe a longtemps souffert d’une pauvreté artistique»

«Le Cinéma et les Amazighs» est le nouvel ouvrage coordonné par l’universitaire Rachid Naim, en compagnie du professeur Abdelaziz Amraoui de la Faculté Polydisciplinaire de Safi et du professeur Driss Azdoud de l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM). Ce livre est la publication d’actes du colloque international «Le Cinéma et les Amazighs» organisé par la Faculté Polydisciplinaire de Safi, Université Cadi Ayyad en mai 2015 dans le cadre de la 10e édition de ses Journées Cinématographiques. Le livre contient plusieurs articles et analyses sur la thématique signés par de nombreux académiciens et universitaires.

Al Bayane : «Le Cinéma et les Amazighs» est l’intitulé d’un nouveau livre édité par l’Institut Royal de la Culture Amazighe. Parlez-nous de ce livre?

 Rachid Naim : Le livre reprend les travaux du colloque international «Le cinéma et les Amazighs» qui entrait dans le cadre de la 10e édition des Journées Cinématographiques de Safi organisée les 6-7-8 mai 2015 à la Faculté Polydisciplinaire de Safi, Université Cadi Ayyad. Le colloque a connu une grande réussite grâce aux brillantes communications et aux riches échanges intellectuels qui ont eu lieu entre les différents intervenants. Du coup, on ne pouvait pas s’arrêter là et la publication de ces actes devenait urgente. Grâce aux efforts consentis par l’IRCAM, le livre a ainsi vu le jour et il est désormais disponible au large public.

Où en sommes-nous de la représentation filmique et de l’identité ethnique dans le cinéma marocain?

La question sur le cinéma et les Amazighs fait d’abord appel effectivement à deux notions fondamentales : la représentation filmique et l’identité ethnique. Une représentation en images d’une identité morcelée et plurielle, géographique et filmique. De là, nous sommes interpellés par les liens complexes que peuvent entretenir les identités avec les pratiques artistiques, cinématographiques en particulier. Dans ce sens, ce livre collectif évoque les Amazighs tels que le cinéma les donne à voir, celui fait d’abord par les Occidentaux et celui fait par les nationaux non amazighophones. L’ouvrage analyse également et inévitablement le cinéma fait par les Amazighs eux-mêmes, en tant que réalisateurs ou en tant qu’acteurs.

A votre avis, peut-on parler d’un cinéma amazigh au Maroc?

Cette appellation est souvent utilisée au Maroc et ailleurs mais, personnellement, je préfère désigner cette production filmique par cinéma marocain d’expression amazighe. Cela va dans le sens de l’identité marocaine, riche et plurielle.

Ces dernières années, quelques films amazighs ont eu de bons échos dans les festivals, en l’occurrence des films «Adios Carmen» de Mohamed Amin Benamraoui et «Aghrabou» d’Ahmed Baidou. Selon vous, comment se porte le film amazigh?

Le cinéma marocain d’expression amazighe a longtemps souffert d’une pauvreté formelle et artistique. Les conditions et les moyens de production n’étaient pas à la hauteur. Le résultat se voyait à l’écran. Les cinéastes et vidéastes amazighs tendaient souvent vers un certain folklorisme qui forçait les traits dans l’habillement, le langage, le comportement ou encore dans l’amoncellement des accessoires tels que les tapis ou sandales à lanières grossières dont certains se plaisaient à décorer, allégrement, murs couloirs et sols. Ce fait semble s’amoindrir et la qualité s’améliore. Les mouvements associatifs et les militants amazighs y sont pour beaucoup, par le biais de leur quête de l’identité ethnique en vue de sa réhabilitation, ce qui a permis le changement des représentations. Une vague de jeunes réalisateurs comme Mohamed Amine Benamraoui (Adios Carmen), Mohamed El Badaoui (Soleil Man), Ahmed Baidou (Aghrabou)… s’éloignent du folklorisme et présentent dans leur cinéma une figure de l’Amazigh ordinaire et complexe. Il est évident que le chemin est encore long, mais ces quelques films ont réussi dans les festivals nationaux internationaux ces dernières années.

Mohamed Nait Youssef

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