«L’enseignant amazigh se porte mal!»

Inquiétant ! Pas de nouveautés pour l’enseignement de la langue amazighe en  cette rentrée 2017/2018. Il semble même que la question est loin de faire partie des préoccupations du Ministère de tutelle. Le nombre d’enseignants de langue amazighe est en régression, et la plupart du temps ceux-ci sont utilisés pour combler le vide dans l’enseignement d’autres langues. La Journée mondiale des enseignants était l’occasion pour pointer du doigt la situation de l’enseignant de cette langue officielle du pays.

Al Bayane : L’Institut royal de la culture Amazighe (IRCAM) a fêté, jeudi dans ses locaux à Rabat, la Journée mondiale des enseignants sous le thème «Tous pour l’amélioration de l’enseignement de la langue amazighe». De prime abord, comment se porte l’enseignant de la langue amazighe ?

Abdeslam Khalafi : En toute vérité, l’enseignant amazigh se porte mal parce que sa situation aujourd’hui au niveau des académies et les directions est devenue de plus en plus inquiétante. D’ailleurs, on constate une régression considérable notamment des étudiants de l’amazigh, ainsi que la formation de ces enseignants de cette langue. En terme de chiffres, les enseignants qui sont spécialisés dans la langue amazighe, ceux qui ont étudié l’amazigh dans les universités marocaines, et après, ont fait des formations dans les centres de formation au cours des années passées, ont connu un recul remarquable.  Cette année, on constate que plus de 27 enseignants et enseignantes spécialisés dans la langue amazighe ont été démis de leurs fonctions de l’enseignement de la langue amazighe. Et pour combler le vide, ils enseigneront d’autres langues à part la langue amazighe. En effet, le nombre qui enseigne l’amazigh ou encore les lauréats des centres de formation reste limité parce qu’il ne dépasse pas 289 enseignants depuis 2011.

L’année dernière et les années passées, des dizaines d’enseignants de l’amazigh ont été déchargés de leurs fonctions. Rappelons qu’après la création de l’Institut Royal de la Culture Amazighe avec le partenariat avec le Ministère de l’éducation nationale, des enseignants d’autres langues ont profité d’une formation (14.000 professeurs). Ce sont par ailleurs 5000 enseignants qui se sont engagés à enseigner cette langue. A partir de l’année 2011, ces derniers ont été déchargés de leurs fonctions notamment à Rabat, au Nord et presque dans toutes les académies, à part quelques directions.

L’enseignant vit une situation psychologique délicate, son rendement a diminué parce qu’il est dans l’attentisme. Cette année, au niveau des universités, peu d’étudiants se sont inscrits dans les filières de l’amazigh au niveau d’Agadir, Fès et Oujda. Et c’est évident que les étudiants, puisqu’il n’y a pas d’issues, ne s’inscrivent plus dans ces branches. C’est un constat alarmant : il y a un recul au niveau de la généralisation de la langue amazighe au niveau horizontal et vertical.

Au niveau pédagogique, y a-t-il une coordination entre l’IRCAM et le Ministère de l’éducation nationale ?  Que pensez-vous de cette rentrée qui n’a pas répondu sûrement aux attentes et aspirations des Amazighs ?

Le manuel scolaire amazigh est complétement absent. Cette absence est due au Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique qui a sorti une vision 2015/ 2030. Dans cette vision, le Conseil a précisé que l’amazigh ne sera pas enseigné la première et la deuxième année du primaire avec son alphabet tifinagh… Et l’enseignement avec tifinagh ne sera effectué qu’à partir de la 3e année du primaire. Il faut rappeler que depuis 2003, l’amazigh a été enseigné avec son alphabet comme les autres langues. Alors que la révision des programmes dans le cadre cette nouvelle vision et réforme a commencé en 2013/2014, le Ministère a décidé de ne pas changer les programmes de l’amazigh, et    a changé uniquement les programmes relatifs essentiellement à l’arabe et au français. Ceux-ci seront adaptés à la nouvelle vision qui a été proposé par le Ministère au niveau pédagogique et didactique. Cette nouvelle vision a exclu totalement l’amazigh.

Propos recueillis par: Mohamed Nait Youssef

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