Les inégalités officiellement reconnues…

ALa lecture des documents officiels est toujours intéressante et instructive. Elle permet d’accéder à une information de qualité dont la crédibilité est assurée même si sa finalité n’est pas toujours marquée par une totale objectivité conforme à la vérité terrain. Le déchiffrage des données de bases et des figures de styles permet alors de se faire une idée proche de la réalité, pour ne pas dire qu’elle en constitue le reflet.

Le ministère de l’Economie des Finances et de la Réforme de l’Administration vient d’éditer «Profils régionaux» par le biais de sa Direction des Etudes et des Prévisions Financières. L’utilité du document réside pour ses éditeurs dans sa capacité de «cerner les inégalités entre régions et à l’intérieur de chaque région, tout en prospectant les voies possibles pour les contrecarrer». Son ambition déclarée est de jeter «les bases d’un développement régional intégré … (et) la réhabilitation de notre modèle de développement national».

Si chacune des douze régions est livrée par sa présentation et la promotion de ses atouts et de ses potentialités, l’essentiel se cristallise sur les inégalités entre les régions et à l’intérieur de leurs composantes alors que les données statistiques rendent compte de la différenciation des situations.

Il est normal que la contribution des territoires à la richesse nationale soit différenciée eu égard à leur configuration géographique; ce qui l’est moins c’est que la répartition de la richesse soit inégale et témoigne d’un écart considérable entre les provinces et entre l’urbain et le rural. Ce déséquilibre fait que la richesse régionale ne profite pas équitablement à l’ensemble des provinces.

L’analyse de l’activité et du chômage montre des différences considérables selon le sexe et le milieu de résidence. Le taux de chômage est en général élevé. Paradoxes, les niveaux de chômage les plus élevés se trouvent dans les préfectures et les provinces les moins pauvres, la concentration de richesse s’accompagne de poches de chômage; comme il en est de la concentration industrielle et de l’aggravation du chômage. Même si le chômage reste un phénomène urbain qui touche plus les femmes, les disparités interprovinciales sont avérées.

Ces dernières caractérisent aussi les taux de pauvreté et de vulnérabilité. La corrélation est négative avec la contribution à la richesse, ce qui fait que les provinces les moins contributrices sont les plus vulnérables. Le cumul des poches de pauvreté et de vulnérabilité reste général même si la pauvreté et la vulnérabilité demeurent ancrées dans les provinces à prédominance rurale.

La répartition de la population contribue aussi aux inégalités entre territoires. Le problème de la concentration de la population est équivoque. Une population concentrée engendre une pression démographique sur les pôles urbains ou souffre de l’inexistence d’une armature urbaine conséquente. Quand elle se conjugue avec la pauvreté en espace forestier, la vie au sein d’une mégapole n’est pas toujours «au vert».

Malgré des avancées certaines pour l’enrayer, la mortalité maternelle reste une situation préoccupante même si elle ne frappe pas toutes les provinces de la même ampleur. Elle est plus fréquente avec un écart interprovincial dans les régions qui souffrent d’un sous encadrement sanitaire et de faiblesse en infrastructures.

L’accès à l’éducation reste partout lié aux disparités spatiales. Les inégalités dans ce cadre se distinguent par milieu de résidence et par sexe et pèsent lourdement sur la scolarisation ; et malgré l’existence d’établissements universitaires, les disparités interprovinciales persistent. Santé et éducation nécessitent une approche refondatrice car, dans l’ensemble, les résultats sont encore loin des niveaux escomptés.

L’accès aux services essentiels est contrasté selon la province. Les difficultés d’accès à l’eau potable et à l’électricité restent constatées malgré les chiffres statistiques qui tendent vers le cent pour cent de couverture des réseaux de distribution. Le critère de l’accès à la route goudronnée (sic !) dans le milieu rural interpelle sur l’efficacité des politiques publiques menées jusqu’à présent envers une composante importante de notre société. Si dans les zones rurales, les fragilités différenciées en termes d’accès aux services de base sont notoires, elles s’aggravent dans les provinces à caractère montagneux.

L’investissement public et celui des Entreprises et Etablissements Publics pour répondre aux besoins croissants de la région sont qualifiés d’insuffisant et de faible. Si leur importance est mentionnée, c’est dans le cas où les régions font partie de la distinction héritée du colonialisme d’un «Maroc utile». Enfin ; la disponibilité et la participation du foncier dans la réalisation des politiques publiques relevant de l’aménagement du territoire ou de l’activité agricole est inégale. L’exigence d’accroitre sa contribution, particulièrement dans les territoires défavorisés, est relevée.

Le constat est d’une intelligence impudente. A moins qu’il n’estime qu’il ne soit pas interpellé par ce qu’il vient de reconnaître, il reste au ministère de l’Economie des Finances et de la Réforme de l’Administration, d’œuvrer dans le cadre du gouvernement, pour terminer son action utile par la proposition et l’adoption de mesures urgentes et prioritaires afin que les marocaines et les marocains ne puissent pas souffrir des «fragilités différenciées» qui caractérisent l’ensemble du territoire national. En cela, non seulement ce ministère, qui gère les cordons de la bourse, répondra à sa mission, par l’éradication de ces inégalités officiellement reconnues, mais joindra l’acte à la parole, renforçant par cela la consolidation du processus démocratique, base du développement régional et condition nécessaire pour la réhabilitation de notre développement national.

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