A Agadir, il ne fait pas de doute que, plus particulièrement, tous les ingrédients naturels et climatiques, outre le potentiel hospitalier, sécuritaire et infrastructurel, convergent pour faire de l’une des plus belles du monde une référence du tourisme, à l’échelle planétaire, au moment où la compétitivité est cruciale. Cependant, si toutes ces conditions sont réunies pour une véritable expansion hôtelière et touristique, on est toujours amené à s’interroger sur les compétences humaines qui peuvent optimiser ces potentialités et sur les conceptions à mettre en œuvre.
Tout au long du parcours touristique de la ville, durant plus de trois décennies, il est loisible de constater, en fait, que nombre de professionnels bien introduits dans le domaine ont pu insuffler des élans incontestables, depuis que la destination se vendait aisément à coups de génie, en allant persuader les scandinaves, les germaniques et autres, à venir savourer les délices d’une cité somptueuse. A ce temps là, le « tout compris » n’était pas au menu du jour et on s’ingéniait à donner le meilleur de soi-même pour être à la hauteur. Puis, se succèdent les institutions de réflexion et de concertation, notamment le CTP, le GRIT et aujourd’hui le CRT, appellations qui se suivent, mais dont la teneur reste quasi inchangée, quoique la dernière se soit hissée au dessus du lot.
Dès lors, les divergences et surtout les frictions intrinsèques s’érigeaient d’une manière répétitive . Le clanisme était désormais de mise, en plus de l’émergence sur scène des acteurs influents qui donnent, de plus en plus, à l’économie touristique une dimension makhzénienne que ni les décideurs centraux ni les autorités locales ne pouvaient endiguer ni contrôler. C’est ainsi que le tourisme n’était plus conçu comme une dynamique globale qui intègrait et parrainait les diverses activités parallèles pouvant renforcer cette plaque tournante, mais des propriétés où les désirs de prestige sont assouvis. De ce fait, l’esprit de créativité et du labeur d’antan était vite envahi par l’approche de facilité et de paresse, avec l’entrée en lice du « All inclusive » dans presque toutes les unités hôtelières.
Une formule qui, malheureusement, hypothéquait tout l’effort touristique déployé dans le secteur depuis des lustres. A défaut de mettre en place une vision nationale qui tient en compte toutes les constituantes de l’industrie touristique, en particulier, les restaurateurs, les agences de voyage, les commerçants d’artisanat, les chauffeurs des grands et petits taxis, les guides touristiques…, on se focalise résolument sur la conquête des tours opérators qui, bien entendu, en tirent le plus grand profit. Or, ce sont toutes ces composantes qui en pátissent. Pis encore, les touristes qui choisissent la destination Agadir pour ses splendeurs et ses richesses patrimoniales s’en privent tout au long de leur séjour puisque restés barricadés dans l’enceinte de l’hôtel, adoptant cette formule qui, par-dessus le marché, se transforme en véritable souk où sont exposés les épices, l’orfèvrerie, la joaillerie et même, dans certains coins sans pudeur, des filles de joie destinées particulièrement aux coureurs de jupons du Golf, sont monnaie courante.
Ajouter à cela, les durs coups essuyés par l’écotourisme dont les investisseurs ont monté, dans les beaux recoins de la nature, à Immouzzer et autres, des bijoux à l’architecture du terroir et dont les touristes sont souvent privés à cause du «tout compris». Devant cette percée dévastatrice de cette formule, on ne comprendra jamais l’attitude de l’Etat qui, d’une part prétend encourager le tourisme rural à partir des programmes lancés à cet effet et, d’autre part, continue à faire la sourde oreille aux plaintes et appels arborés par rapport à cet «All inclusive», devenu, au fil du temps, comme une réelle entrave aux différentes activités touristiques. D’autre part et au moment où les restaurateurs accusent des coups dus à la formule suscitée, certains s’adonnent à la multiplication des prestations dans la même boîte (snack, restaurant, bar, pâtisserie, boulangerie…), parfois sans autorisation requise. D’autres, moyennant des enveloppes juteuses, parviennent à décrocher le « droit » de mettre dans le marché charnel des cabarets où peuvent « officiellement» pratiquer les milles et une nuits en toute quiétude.Tous ces contrastes sont hélas connus voire aggravés, car, il y a toujours des arrivistes qui profitent de cette situation controversée.
Enfin, certes la volonté politique de faire du tourisme un levier du développement économique de premier ordre. Les opérations mises en fonction à ce propos, notamment à travers la vision 2020, illustre bien cette orientation majeure. Toutefois, l’action touristique dans cette visée doit également tirer vers le haut toutes les activités qui forment ce tout indissociable et qui n’admettent point ce hiatus qu’est le « tout compris ». Agadir n’est point une ville située en plein Caraïbes ou encore Hawaï, enclavée dans la nature. Non loin de tout cela, Agadir dont la kasbah est dépositaire d’une riche civilisation et dont l’arrière pays est porteur de diversité attractive, est perpétuellement ouverte aux offres de rêve. Il est donc inadmissible de fermer ses portes à ses visiteurs des quatre parties du monde, pour le plaisir de quelques opérateurs inciviques.
Saoudi El Amalki